Nouveau massacre au Nord-Kivu
L’ONG Lucha, qui le dénonce, est victime de répression.
- Publié le 30-11-2015 à 18h38
- Mis à jour le 01-12-2015 à 06h55
Moins de deux jours après la répression, à Goma, d’une veillée publique à la mémoire des victimes congolaises de meurtres attribués aux rebelles musulmans ougandais ADF-Nalu, ceux-ci sont accusés d’avoir attaqué la localité d’Eringeti, à la limite entre le Nord-Kivu et la Province orientale. Il y aurait une trentaine de morts.
L’armée congolaise a indiqué avoir "repoussé toute la nuit" une attaque des ADF-Nalu. Selon l’ONG locale Centre d’études pour la promotion de la paix, la démocratie et les droits de l’homme (Cepadho), 14 ADF-Nalu auraient été tués, 7 civils et 8 militaires congolais ainsi qu’un Casque bleu, dont la mort a été confirmée par l’Onu. L’ONG rapporte aussi une dizaine de blessés et 43 maisons incendiées.
Pourquoi maintenant ?
Voilà plus d’un an que des attaques attribuées aux ADF-Nalu ensanglantent la région de Beni (Nord-Kivu), où elles ont fait près de 500 morts. De nombreux Congolais soupçonnent une manipulation dans ces tueries, pour diverses raisons.
D’abord, les ADF-Nalu sont présents dans la région depuis 1995 et les attaques contre les civils ont commencé en octobre 2014.
Ensuite, "malgré un important déploiement militaire, l’Etat est incapable de les mettre hors d’état de nuire", note Serge Kambale, membre de l’ONG Lucha, de passage lundi à Bruxelles à l’invitation d’Amnesty International. "De plus, les commandants de l’opération militaire chargée de les pourchasser sont sans cesse remplacés et deux sont morts." L ’un a été tué par un militaire congolais, l’autre est décédé dans ce qui est généralement considéré par la population comme un empoisonnement. "Et certains chefs de cette opération militaire ont un passé dans le banditisme à Goma", ajoute M. Kambale.
Lacrymogènes et balles réelles
Son ONG avait organisé samedi à Goma une manifestation pacifique pour rappeler les morts de Beni aux autorités. Des dizaines de policiers et militaires sont brutalement intervenus, bien que la manifestation n’ait pas été interdite, tirant "des gaz lacrymogènes et des balles réelles sans sommation", indique un communiqué de Lucha. L’ONG annonce 2 blessés ; 12 de ses membres ont été arrêtés. "Ils sont détenus dans les cachots de la police des polices, ce qui est irrégulier", accuse Serge Kambale.
Lucha est une ONG encourageant la jeunesse à s’engager en faveur de la démocratie. Son chef, Fred Bauma, et un autre militant pro-démocratie, Yves Makwamba, de l’ONG Filimbi, sont détenus depuis 8 mois pour avoir participé à un atelier, à Kinshasa, sur le processus électoral congolais. Comme ils participaient à l’atelier des membres de l’ONG burkinabé Balai citoyen, à la pointe de la révolution qui a renversé le dictateur Compaoré, fin 2014, les deux Congolais sont accusés de complot contre le chef de l’Etat. Amnesty les considère comme des prisonniers d’opinion.