La conférence mondiale sur le climat (COP21), qui se tiendra du 30 novembre au 11 décembre à Paris-Le Bourget, est le dernier rendez-vous d’une histoire des négociations internationales autour du changement climatique qui a démarré il y a plus de trente ans. Trois décennies pendant lesquelles scientifiques, politiques et citoyens se sont efforcés de mieux comprendre l’évolution du climat, d’établir la responsabilité de l’homme dans ses perturbations et l’impact qu’elles auront sur ses sociétés, de s’accorder pour atténuer et s’adapter à un phénomène déjà à l’œuvre. Retour sur ce long processus en dix dates.

Organisée à Genève par l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), la première conférence mondiale sur le climat traduit les inquiétudes grandissantes de la communauté scientifique sur les effets à long terme des émissions de CO2. Elle fait l’état des lieux des connaissances sur le climat, et sur l’impact de sa variabilité et de son évolution sur les sociétés humaines.

 

Une déclaration des participants demande aux gouvernements de « prévoir et prévenir les changements climatiques d’origine anthropique qui pourraient nuire au bien-être de l’humanité ». La conférence lance le « Programme climat mondial » de l’OMM, un programme scientifique international visant à mieux comprendre le système climatique, et à faciliter l’adaptation à ses évolutions.

L’ouverture de la Conférence mondiale sur le climat en février 1979. © WMO

Document de compte-rendus de la Conférence sur le Climat de 1979.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé par deux institutions onusiennes – le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM) –, est l’organisme chargé de présenter l’état actuel des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur le changement climatique, ses causes, ses effets et les stratégies pour l’atténuer. Il compte 195 pays membres, et des milliers de scientifiques du monde entier contribuent à ses travaux sur une base volontaire.

 

Son premier rapport, publié deux ans après sa création, en 1990, affirme que les émissions dues aux activités humaines accroissent la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et que cette concentration réchauffe la planète. Il prévoit une hausse moyenne des températures globales de 4 °C d’ici à la fin du siècle par rapport à la période pré-industrielle, si les émissions se poursuivent au même rythme. A cette époque, le rapport souligne toutefois de « nombreuses incertitudes » concernant le rythme, l’ampleur et la répartition de ces évolutions climatiques. Ce texte sert de base à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), adoptée en 1992. Depuis, le GIEC, présidé par le Sud-Coréen Hoesung Lee, a élaboré quatre autres grands rapports, en 1995, 2001, 2007 et 2014.

Première conférence du GIEC en 1988

© GIEC

Après ceux de Stockholm en 1972 et de Nairobi en 1982, le troisième sommet de la Terre voit naître, à Rio de Janeiro (Brésil), la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui entrera en vigueur deux ans plus tard. Celle-ci reconnaît officiellement l’importance du changement climatique, et ses causes anthropiques liées aux émissions de gaz à effet de serre (GES). La Convention vise à stabiliser les concentrations de GES dans l’atmosphère à un niveau qui éviterait toute perturbation dangereuse du climat.

 

Elle prend en compte la responsabilité différenciée des pays industrialisés et des pays en développement, en prônant « une action internationale, efficace et appropriée, selon leurs responsabilités communes mais différenciées, leurs capacités respectives et leur situation sociale et économique ». Elle encourage donc les gouvernements à mettre en œuvre des stratégies de réduction des émissions et d’adaptation au changement climatique, avec un soutien financier et technologique des pays riches aux pays pauvres et émergents. La CCNUCC est aujourd’hui universelle, ratifiée par 195 Etats et l’Union européenne. Elle se réunit chaque année pour une Conférence des parties à la convention (Conference of the parties, COP en anglais), qui tiendra sa 21e édition à Paris-Le Bourget du 30 novembre au 11 décembre.

Première conférence du GIEC en 1988

© GIEC

Les participants du Sommet de Rio signent la Convention Cadre des Nations Unies.© Nations Unies

Adopté pendant la COP3, le protocole de Kyoto est le premier accord international contraignant sur des engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il entre en vigueur en 2005, au moment où 55 pays, qui totalisaient 55 % des émissions mondiales de CO2 en 1990, l’ont ratifié. Son ambition : réduire de 5 % les émissions globales par rapport au niveau de 1990, sur une période allant de 2008 à 2012. Individuellement, ces objectifs contraignants vont de – 8 % à + 10 % d’émissions, et ne s’appliquent qu’aux pays développés – les pays en développement ayant de simples obligations d’inventaire d’émissions polluantes. Le protocole ne contraint donc pas la Chine, l’Inde ou le Brésil, ni les Etats-Unis ou l’Australie, qui refusent de le ratifier… ni non plus le Canada et la Russie, qui s’en sont retirés.

 

Le protocole de Kyoto prévoit des « mécanismes de flexibilité » qui permettent aux pays de remplir leurs obligations non pas seulement en limitant leurs émissions sur leur propre territoire, mais en finançant des réductions à l’étranger. Par exemple en achetant et en vendant des droits d’émissions de CO2 – ce qui ouvre la voie aux marchés carbone –, ou encore en investissant dans des projets limitant les émissions dans les pays en développement – c’est le Mécanisme de développement propre. Aujourd’hui obsolète, le protocole de Kyoto doit expirer en 2020, et être remplacé par un nouvel accord universel et contraignant : c’est précisément l’objet de la COP21.

Les délégués de tous les pays assistent à la session d’ouverture du Protocole de Kyoto© Toru Yamanaka / AFP

Cette année-là, le prix Nobel de la paix est double : il récompense à la fois le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), alors dirigé par l’Indien Rajendra Pachauri, et Al Gore, ancien vice-président américain, qui a animé le documentaire de sensibilisation sur le réchauffement Une vérité qui dérange. Le comité

salue « leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques », le premier par la voie scientifique, l’autre par

l’action militante et politique.

 

La même année, le GIEC publie son quatrième rapport, qui estime désormais « sans équivoque » le réchauffement climatique, et « très probable » la responsabilité humaine dans ce phénomène (soit avec un taux de certitude de 90 %).

© Jae C. Hong/AP

Le Conseil européen adopte un plan de lutte contre le réchauffement climatique pour 2013-2020 avec un objectif dit des « 3 fois 20 » : diminuer de 20 % les émissions de GES par rapport à leur niveau de 1990, atteindre 20 % de part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, et accroître l’efficacité énergétique de 20 %. Seules les deux premières mesures sont contraignantes. Cet accord, base de l’engagement climatique de l’Union européenne, a quasiment atteint ses objectifs. Ceux-ci ont donc été revus à la hausse en 2014 : d’ici à 2030, l’UE devra réduire d’au moins 40 % ses émissions de GES par rapport à leur niveau de 1990, porter à 27 % la part d’énergies renouvelables, et réaliser entre 27 % et 30 % d’économies d’énergie.

La COP15, à Copenhague, ne sera pas à la hauteur des attentes qu’elle avait soulevées. Censée aboutir à un nouvel accord universel pour contenir le changement climatique, elle parvient péniblement, et en toute dernière minute, à un texte de compromis non contraignant, qui ne chiffre aucun engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les dissensions entre les Etats-Unis et la Chine, devenue en 2006 le premier émetteur de CO2 au monde, contribuent à enrayer les négociations, auxquelles participent 130 chefs d’Etat. Avec une concertation internationale réduite au minimum.

 

Le texte de la conférence de Copenhague fixe tout de même le seuil à ne pas franchir à 2 °C de réchauffement par rapport à l’ère pré-industrielle. Il prévoit que les pays développés mobilisent 100 milliards de dollars (93 milliards d’euros au cours actuel) par an d’ici à 2020 pour aider les pays en développement à faire face aux effets du réchauffement. Le texte encourage également les Etats à communiquer tous les deux ans leurs actions de réduction des émissions – premier pas des émergents vers une participation à la réduction globale des émissions, sur une base de volontariat.

Séance d’ouverture de la Conférence sur le changement climatique / Décembre 2009

© Jan Golinski / UNFCC

L’accord issu de la COP16 de Cancun, au Mexique, met en place une série de mécanismes financiers, non contraignants, pour lutter contre le changement climatique et faciliter l’adaptation à ses effets. Il pose notamment la création d’un Fonds vert pour le climat, l’un des mécanismes financiers prévus pour soutenir les politiques climatiques des pays en développement, sans toutefois régler la question de ses sources de financement. En retour, les pays émergents – notamment la Chine, l’Inde ou le Brésil – montrent des signes d’ouverture, notamment en acceptant de prendre des mesures contre la hausse des émissions avec une procédure de « contrôle et de vérification ». En novembre 2015, le Fonds vert disposait d’un peu moins de 6 milliards, sur 10 milliards de dollars de promesses initiales, pour la période 2015-2018.

Le cinquième rapport du GIEC, dernier en date, prévoit une élévation de la température jusqu’à 4,8 °C pour la période 2081-2100, par rapport à la moyenne de 1986-2005, si rien n’est fait pour contrer cette tendance. Dans ce même scénario, la hausse du niveau des mers atteindrait près d’un mètre. De 90 %, le degré de certitude que « l’activité humaine est la cause principale du réchauffement observé » passe à 95 %, et est désormais qualifié d’« extrêmement probable ». Les scientifiques estiment qu’il faudrait réduire de 70 % les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 2010 pour se maintenir sous le seuil d’un réchauffement de 2 °C. Un objectif hautement improbable.

Le lent et tortueux chemin des négociations climatiques internationales se poursuit à Paris, lors de la COP21, qui aura lieu du 30 novembre au 11 décembre au Bourget. 40 000 participants sont attendus lors cet événement, plus grand rendez-vous diplomatique jamais accueilli par la France. Les espoirs sont grands : parvenir à un accord universel et contraignant, qui engagerait à partir de 2020 l’ensemble des pays dans la réduction des gaz à effet de serre, afin de limiter le réchauffement à 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle. Ce seuil permettrait d’éviter que le dérèglement climatique devienne trop nuisible pour les écosystèmes et les sociétés humaines. Autres points-clés de l’accord : le financement de l’adaptation au changement climatique, et la juste répartition des efforts entre pays pauvres, pays émergents et pays industrialisés, ces derniers étant tenus pour historiquement responsables du réchauffement.