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Santé

40 % des élèves de CE1 et CE2 jouent à des jeux d'asphyxie à l'école

Une étude réalisée dans l'académie de Toulouse révèle la grande fréquence des jeux de non-oxygénation dans les écoles. Une pratique courante en CE1 et CE2, et qui débute dès la maternelle.
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cour de récréation
Une étude alarmante montre que les jeux de non-oxygénation dans les cours de récréation sont très courants.
© Fred Dufour/aFP

JEU DANGEREUX. C'est une étude française qui fait froid dans le dos. La première du genre à avoir été conduite en milieu scolaire auprès d’enfants des classes élémentaires (CE1 et CE2). Parue en ligne le 28 novembre 2015 dans la revue Archives de pédiatrie, elle rapporte que 40 % des élèves de l’académie de Toulouse s’adonnent à des jeux de non-oxygénation (JNO), autrement dit au jeu de la tomate (retenir sa respiration le plus longtemps possible jusqu’à devenir "rouge comme une tomate"), à celui consistant à s’étrangler ou à se pendre à l’aide d’un foulard ou autre lien, ou encore se faire étrangler par un tiers.

L'école, lieu privilégié pour les jeux d'asphyxie

Si l’on ne considère que les jeux non équivoques, comme jouer à s’étrangler, la fréquence est élevée : 26 % chez les élèves de CE1 et CE2 contre 5 % à 10 %  chez les adolescents. Le lieu privilégié de pratique est l’école, en particulier la cour de récréation pour 73 % à 84 % des enfants âgés de 6 à 11 ans.

Cette étude, par questionnaire, a été réalisée conjointement par le service d’accueil des urgences pédiatriques de l’hôpital des Enfants (Toulouse), le service médical du rectorat de l’académie de Toulouse et une unité locale de l’Inserm de recherche en épidémiologie et santé publique. Au total, 25 écoles de l’académie toulousaine ont été tirées au sort en fonction des critères suivants : taille de l’école, localisation rurale/semi-rurale ou urbaine, publique ou privée, appartenance au réseau ECLAIR (programme programme alternatif d’éducation se substituant aux zones d’éducation prioritaire ZEP depuis 2012).

Le questionnaire comportait 13 questions, parmi lesquelles le fait de savoir si l’enfant connaissait le "jeu de la tomate, jouer à s’étrangler, jeu du foulard, de la serviette, de la grenouille, de la mort subite, des poumons, du rêve bleu, du cosmos", s’il y avait déjà joué tout seul ou à plusieurs, tous les jours, plusieurs fois par jour, à l’école ou dans sa chambre, s’il avait eu mal à la tête après y avoir joué, s’il trouvait ces jeux amusants, s’il pensait qu’il pouvait en mourir, et s’il avait déjà parlé de ces jeux à ses copains/copines, son instituteur(trice), ou à ses parents. La fréquence de connaissance et de pratique a été calculée sur la base de données de 1013 questionnaires.

71 % des enfants connaissent au moins un jeu d'asphyxie

Cette étude révèle que 71 % des enfants connaissent au moins un jeu d’asphyxie. Les plus connus et les plus pratiqués étant le jeu de la tomate (61 % de "je connais", 50 % de "je pratique"), celui du foulard (respectivement 61 % et 50 %) et jouer à s’étrangler (respectivement 58 % et 26 %). La fréquence globale de la pratique des JNO était variable d’une école à l’autre, atteignant en moyenne 40 %, avec des extrêmes selon les établissements scolaires compris entre 16 % à 75 % !

Il ressort par ailleurs que 33 % des enfants ont répondu que le début de leur pratique remontait à la maternelle. 64 % des élèves jouent à plusieurs. Seuls 7 % ont déclaré les pratiquer en solitaire, en majorité des garçons (69 %). L’enquête a également montré que 7 % des enfants pratiquent ces jeux tous les jours et 6 % plusieurs fois par jour. Il s'agit alors de garçons dans 91 % des cas.

"Concernant le risque vital associé, 76 % des non-joueurs et 48 % des joueurs ont répondu qu’on pouvait en mourir. Interrogés sur le fait d’en discuter avec un adulte, 30 % des joueurs ont déclaré en discuter avec leurs parents et 12 % avec leurs enseignants", soulignent les auteurs de l’étude. Les Drs Caroline Cortey, Isabelle Claudet et leurs collègues toulousains font remarquer que "si les parents sont conscients de la gravité de ces pratiques, la majorité continue de penser que cela n’arriverait pas à leur propre enfant : parce qu’il (elle) n’est pas assez mature, parce qu’il (elle) est consciente du danger, parce qu’il (elle) en a compris les risques".

Plus de jeu du foulard en CE1

 

De même, il apparaît que, par rapport aux enfants de CE2, ceux de CE1 ont une pratique plus élevée du jeu du foulard (53 % contre 48 %), du jeu consistant à s’étrangler (36 % contre 20 %). On compte parmi les élèves de CE1 une plus grande proportion de joueurs fréquents alors que ceux de CE2 ont plus grande notion du risque vital associé (53 % contre 42 % en CE1) (lire l'encadré plus bas). "Il n’existe pas de différence selon la géographie ou l’appartenance publique ou privée de l’école", font remarquer les auteurs.

Même si, compte tenu du jeune âge des répondants, les résultats doivent être interprétés avec beaucoup de prudence (possibilité de multiplication de cochage dans les questions à choix multiples "pour faire plaisir" à l’examinateur et/ou défaut de compréhension), cette étude montre que "les JNO sont courantes en CE1 et CE2, qu’elles débutent tôt, dès l’école maternelle, avec une fréquence élevée comparée à celle connue chez les collégiens ou les lycéens". De l’avis des auteurs, elle invite à conduire une étude similaire, de dimension nationale cette fois, afin d’affiner ces résultats et mieux cibler les actions à mener auprès de ces très jeunes enfants.

Les jeunes élèves se représentent moins facilement la mort
Selon les auteurs, "la maturation mentale et une meilleure intégration des risques associés pourraient expliquer une diminution du pourcentage des joueurs parmi les élèves de CE2 comparés à ceux de CE1. La représentation de la mort est acquise progressivement durant l’enfance et pourrait être encore perçue par les jeunes enfants de CE1 comme un phénomène réversible et peu probable à leurs yeux." Il serait donc plus aisé d’expliquer à un âge un peu plus âgé le risque de séquelles et de handicap associé à une privation d’oxygène au niveau du cerveau.

 

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