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GUINÉE

Lynchage de prisonniers à Kouroussa, symbole de l’impuissance de l’État guinéen

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Quatre détenus accusés d’avoir assassiné un marchand d’or ont été lynchés dimanche à Kouroussa, en Guinée. Une foule en furie est parvenue à pénétrer à l’intérieur de la prison pour se faire justice. Un fait divers qui démontre l’impuissance de l’État guinéen dans la région de Haute-Guinée.

Le lynchage a eu lieu dimanche 29 novembre à Kouroussa, dans l’est de la Guinée. Des images amateur postées sur les réseaux sociaux, mais dont nous avons décidé de ne publier que des captures d’écran, montrent le tabassage à mort, à coups de pierre et de bâton, de quatre personnes incarcérées pour le meurtre d’un vendeur d’or de la ville lors d’un braquage. Sans aucune opposition de la part des gardiens, des dizaines de manifestants sont rentrés dans la prison de la ville pour en extraire les détenus et les lyncher. L’un des détenus, considéré par les manifestants comme celui ayant porté le coup fatal au marchand d’or, a été brûlé et traîné à l'aide d'une corde.

Des habitants de Kouroussa se sont rendus à la prison centrale de leur ville pour en sortir quatre détenus identifiés comme les meurtriers d'un marchand d'or. Dans une vidéo amateur, on voit les prisonniers sortis un par un sans opposition policière.

Les détenus ont été lynchés à coups de bâton et de pierre par la foule en furie, devant la porte de la prison.Capture d'écran d'une vidéo amateur de la scène.

"Le marchand d’or qui a été tué prêtait régulièrement des véhicules à la police de Kouroussa"

Lamine Kouyaté est maire adjoint de Kouroussa et professeur d’économie.

L’assassinat de cet orpailleur, Kaba Camara, a eu lieu le 1er novembre à son domicile, lors d’un braquage comme on en connaît très régulièrement dans la région. Beaucoup de marchands d’or sont victimes d’attaques [comme nous l’expliquait un convoyeur de la région en 2012 NDLR].

Cela aurait pu être qu'un fait divers, mais la mort de ce marchand très populaire a indigné les habitants de Kouroussa : Kaba Camara faisait travailler de très nombreux jeunes de la ville dans le cadre du commerce de l’or et finançait aussi la construction d’une mosquée.

"Le transfert des détenus pour être jugés s’est transformé en rumeur de libération"

Une semaine après les faits, quatre hommes, accusés du meurtre, ont été arrêtés, ainsi qu’une dizaine de personnes suspectées de les avoir aidés. Mais le problème, c’est que le tribunal de Kouroussa n’est compétent que pour juger ces délits. Les meurtres doivent être jugés par un autre tribunal, celui de Kankan [une ville à 90 kilomètres de Kouroussa, NDLR]. Lorsque le transfert a été annoncé, il y a quelques jours, a commencé à circuler la rumeur de leur libération. C’est cette rumeur totalement infondée qui a tout déclenché.

Cet incident grave nous désole, il montre notre manque de moyen évident : nos forces de l’ordre ne sont pas formées pour gérer des situations insurrectionnelles. La police n’a, par exemple, pas de véhicule en état de rouler. L’ironie du sort, c’est que l’orpailleur qui a été tué prêtait régulièrement des véhicules aux forces de l’ordre de Kouroussa. Nous devons parfois nous en remettre à la générosité de ces commerçants locaux pour que les services publics fonctionnent correctement.

Alors que deux cadavres de détenus gisent au sol, un troisième individu est sorti de la prison. Un habitant le bloque pour l'empêcher de s'échapper.

Contacté par France 24, le porte parole du gouvernement guinéen, Albert Damantang, a annoncé que plusieurs autorités locales, comme le préfet ou le chef de la gendarmerie, avaient été démises de leur fonction lundi soir pour "faute grave". Les auteurs du lynchage sont recherchés. Le porte-parole ne veut cependant pas accabler les policiers :

Il aurait fallu un dispositif particulièrement important pour arrêter la foule. Or, rien ne laissait présager un tel déferlement aussi brusque et rapide, car les détenus étaient en prison depuis presque un mois sans que cela entraîne des débordements.

Bien entendu, le manque de moyens en ressources humaines et matériel est évident. La Guinée a mené [fin 2014] une "Réforme des services de sécurité (RSS)" accompagnée par les partenaires internationaux [la réforme a pour objectif de redéfinir le rôle des forces de sécurité – armée, police, gendarmerie – et de soigner leur image auprès de la population NDLR]. Elle est citée comme un succès pour l’armée et la gendarmerie mais n’a pas encore été mise en œuvre pour la police et la garde pénitentiaire.

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