Votre navigateur est obsolète. Veuillez le mettre à jour avec la dernière version ou passer à un autre navigateur comme ChromeSafariFirefox ou Edge pour éviter les failles de sécurité et garantir les meilleures performances possibles.

Passer au contenu principal

Abo
Les traders suisses profitent du boom pétrolier de l'Irak

Raffinerie de pétrole à Najaf, au sud de Bagdad.

Les robinets du pétrole produit au nord de l'Irak, et en particulier dans les régions contrôlées par le GRK (Gouvernement régional du Kurdistan), sont grands ouverts. Grâce à ces fleuves d'or noir, l'Irak est devenu, en septembre, le quatrième plus important producteur du monde, derrière les Etats-Unis, la Russie et l'Arabie saoudite, selon les données publiées par l'AIE (Agence internationale de l'énergie). En juillet, le pétrole made in Irak a massivement été acheté par les Européens. Après la Russie et désormais avant l'Arabie saoudite, c'est dans ce pays que de nombreux pays européens s'approvisionnent le plus.

En novembre, le GRK aura sans doute exporté 645 000 barils de pétrole par jour. Des compagnies suisses, comme Addax Petroleum ou Oryx Petroleum, exploitent des gisements ou possèdent des licences d'exploration dans la région (lire notre édition du 2 décembre). Les grandes multinationales de la branche s'intéressent aussi de plus en plus au nord de l'Irak. Les américaines Exxon et Chevron, la française Total ou encore l'espagnole Repsol, qui a racheté cette année la compagnie Talisman, déjà présente sur place.

Mais d'autres groupes helvétiques profitent aussi de ce boom pétrolier, malgré les risques liés à la présence, à quelques dizaines de kilomètres des premiers champs pétroliers, des combattants de Daech. Les gros négociants, comme Trafigura ou Vitol, assurent contrôler l'ensemble de la chaîne, du producteur aux chaînes de distribution, pratiquement du puits à la station-service. Chez le genevois Trafigura, un géant du négoce employant 5300 personnes, dont 500 en Suisse, on assure n'acheter que des produits «dont l'origine nous est connue». Trafigura indique notamment observer les sévères procédures du système KYC («know your customer», connaître son client). La réponse est similaire chez Vitol (1200 collaborateurs, dont 200 à Genève). Andrea Schlaepfer, porte-parole, précise que le groupe a mis en place «un programme global incluant des processus et une politique rigoureux» dans ses relations avec d'autres partenaires, fournisseurs et clients. «De plus, ajoute la compagnie, des contrôles encore plus importants ont été introduits dans cette région.» Exemple? Vitol assure ne faire des affaires qu'avec des partenaires de toute confiance et connus de longue date. «Nous pouvons garantir qu'aucune goutte de pétrole brut achetée par Vitol n'a été vendue, directement ou indirectement, à des sociétés liées à Daech.»

Quant aux achats de pétrole kurde, ils se font assez discrètement, pour ne pas froisser Bagdad. L'an dernier, un litige avait éclaté aux Etats-Unis. Un cargo transportant plus d'un million de barils pour une valeur de 100 millions de dollars avait été bloqué au Texas, suite à une plainte de l'Irak. Cette marchandise avait été exportée par le GRK, depuis le port turc de Ceyhan, par le biais de la société Talmay Trading, domiciliée aux îles Vierges britanniques.

Pétrole kurde livré à Israël?

Le négociant genevois Mocoh s'est risqué dans ces affaires, mais «une seule fois», assure-t-il. L'Irlandais Michael Hacking, administrateur de Mocoh, indique que sa société n'opère pas en Irak. Mais il admet «avoir acheté une cargaison, sur appel d'offres publié en toute transparence, en décembre 2013». «Nous savions que ce pétrole brut provenait de la production de la société Gulf Keystone.» Mais, ajoute le responsable du trader genevois, «il n'y avait aucune chance que ce brut soit mélangé à d'autres pétroles». Gulf Keystone est l'un des gros producteurs de pétrole kurde. Cette société exploite le gisement de Shaikan, où il emploie 356 personnes.

Le pétrole kurde acheminé vers le port turc de Ceyhan est-il ensuite acheté par Israël, qui financerait ainsi indirectement les peshmergas ? Selon plusieurs médias, dont la chaîne américaine NBC, les pétroliers Kriti Jade et Kriti Sea ont embarqué des cargaisons de brut l'an dernier, en Turquie, avant de les livrer à des ports israéliens. Une opération gérée par le négociant tessinois Petraco. Cette société suisse s'est refusée à confirmer ou infirmer cela, en renvoyant les réponses du GRK. Alarmé par la publication de nombreuses informations faisant état du rachat de pétrole kurde par Israël, le Ministère kurde du pétrole a publié lundi un communiqué rappelant que «tout le pétrole produit dans la région est transporté par pipeline sous la responsabilité du ministère». «Le pétrole brut transporté vers la Turquie en camions-citernes ne concerne que de faibles volumes, opérés par une compagnie turque, sous l'égide du gouvernement turc», ajoutent les Kurdes. Selon divers médias, le nombre de camions roulant vers la Turquie est passé de 3000 à 600 depuis que Daech contrôle le sud de cette zone sensible.