Mobilisation pour sauver la plus vieille cabane de Camargue

D'ici la fin du mois, la cabane de Barcarin devrait être murée "pour éviter le squat et la mise en danger".

D'ici la fin du mois, la cabane de Barcarin devrait être murée "pour éviter le squat et la mise en danger".

Photo serge guéroult

Arles

Les Saliniers craignent les intentions du groupe Imerys, nouveau propriétaire de l'ex-usine Solvay, quant à la cabane de Barcarin. Une pétition a été lancée par les Saliniers

Elle est le dernier témoin de l'architecture de Salin-de-Giraud. Elle a une histoire patrimoniale oui, sentimentale aussi. La cabane de gardian de Barcarin, située à côté de la petite église, est la dernière de Salin et la plus ancienne de Camargue.

Mais depuis quelques jours, la rumeur enfle et inquiète les Saliniers. "Le groupe Imerys, nouveau propriétaire de l'ex-usine Solvay, souhaiterait la démolir", explique Christiane Hemery, présidente de l'association Camargue Sauvage à l'origine de l'appel à mobilisation. Sur Facebook, une page "Sauvons la plus vieille cabane de gardian de Camargue" est apparue et une pétition mise en ligne rassemble déjà près d'un millier de signataires. "Une autre pétition, sur papier, circule également dans le village et a recueilli plus de 300 signatures", ajoute Christiane Hemery. Des chiffres révélateurs de l'attachement des Saliniers à cette cabane, qui, il y a encore quelques mois, était occupée (lire le témoignage ci-dessous).

Le propriétaire du terrain et de la cabane a, comme il était prévu, récupéré les clés après le décès de la dernière occupante. "Ce que nous voulons avant tout c'est mettre le site en sécurité, indique Viviane English, responsable ressources humaines pour Imerys. Dans un premier temps, toutes les installations précaires situées autour de la cabane ont été démolies mais nous n'avons pas touché à la cabane. Il est prévu qu'on la mure ce mois-ci, pour éviter le squat et la mise en danger. Elle sera donc fermée et protégée d'ici la fin de l'année mais pour l'instant le groupe n'a pas décidé de ce qu'il voulait en faire. Il vient d'arriver, a des priorités et la cabane n'en fait pas parti. Dans un second temps, courant 2016, on se posera la question de savoir ce qu'on en fera." Du côté d'Imerys, la menace d'une démolition n'a alors été ni démentie, ni confirmée.

Mais pour David Grzyb, président du Parc naturel régional de Camargue, "l'ensemble du territoire du Parc est en site inscrit. Ce qui signifie qu'il est impossible de détruire sans autorisation de l'architecte des bâtiments de France.Ce serait une responsabilité grave du groupe Imerys que de détruire cette cabane." David Grzyb appelait alors à rester vigilant.

Mais, hier après-midi, le président du PNRC s'est entretenu avec Jean-Paul Guerre, directeur de l'usine, qui lui a assuré "n'avoir aucun projet de destruction de la cabane". "Quant à son devenir Barcarin, ajoute David Grzyb, avec beaucoup de prudence, nous allons voir avec le parc comment préserver ce patrimoine et réfléchir à des solutions."

"Le dernier témoin"

"Cette cabane a été construite par Pechiney, alors que la compagnie employait de la main-d'oeuvre saisonnière. On pense que la cabane de Barcarin date des années 1880, explique Estelle Rouquette, conservatrice du musée de Camargue. Quand Solvay arrive en 1891, Pechiney en construit d'autres pour les employés permanents. Salin en a compté une centaine. Mais celles-ci ont toutes été détruites." Avec la bergerie de la Savouillane (située en dessous des marais du Vigueirat, entre Mas-Thibert et Port-Saint-Louis du Rhône), la cabane de Barcarin est "le dernier témoin de cette architecture typique du territoire", insiste Estelle Rouquette. Dans les années 50, des répliques de ces cabanes qui accueillaient à l'origine des ouvriers agricoles, des vanniers... ont été réalisées "pour les touristes". Aujourd'hui, "la rénovation de la toiture de la cabane de Barcarin est nécessaire mais elle ne coûterait pas très chère. C'est de l'ordre de 12 000. Si Imerys ne veut pas la prendre en charge, on peut organiser une souscription. On peut trouver des solutions."


"Il y avait toujours du monde à la cabane de Barcarin"

La destruction de la cabane de Barcarin serait encore plus triste pour elle. Parce qu'elle y a vécu de l'âge de 14 ans à son mariage, parce que ses parents y ont habité jusqu'au décès de son père. Josiane est une fille Trotte. Une famille qui a marqué de son empreinte la vie de cette cabane mythique, devenue aujourd'hui, le coeur du combat des Saliniers pour garder leur patrimoine.

"Je sais que c'était les Mourien, une famille de Saliniers, qui vivaient dans cette cabane, avant que ma grand-mère n'épouse un Trotte." À partir de ce moment-là, et jusqu'à il y a encore quelques mois, la cabane de Barcarin a été habitée par les Trotte, sans interruption. Josiane se rappelle de cette cabane, où elle a "de superbes souvenirs". "Je me souviens d'une immense table dans la cuisine, et d'un gros poêle au fond. Je me rappelle aussi de ma grand-mère, dans cette même cuisine, qui cuisinait tout le temps. Il y avait toujours du monde", sourit-elle.

"À l'époque de Péchiney, je sais que mes parents avaient signé pour occuper cette cabane jusqu'au dernier vivant. Quand mon père est décédé, ma mère ne se sentait pas de rester toute seule là-bas, alors elle a déménagé. Mais, on s'était quand même renseigné pour savoir si on pouvait garder la cabane. Ce n'était pas possible. Puis, elle était dans un état lamentable. Elle n'était pas aux normes."