Un thriller politique sur les enfants nés des amours entre Norvégiennes et soldats nazis (vendredi 3 avril à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma).
Adapté très librement du livre d’Hannelore Hippe, D’une vie à l’autre, Georg Maas s’attaque au scandale méconnu du Lebensborn et de ses foyers dotés d’une maternité où des enfants issus des amours entre des soldats nazis et des femmes norvégiennes furent accueillis.
Fondés par le SS Himmler, ces lieux n’avaient d’autre visée que de développer la race aryenne. Plusieurs femmes y accouchèrent dans le secret. Certaines mères ne revirent jamais la progéniture qu’on leur arracha. Les recherches menées bien plus tard se révélant infructueuses, les familles n’ont jamais pu être recomposées.
Cette matière tragique alimente le second film du réalisateur allemand Georg Maas, qui a entrepris de se documenter sur le sujet en rencontrant des victimes. Leurs témoignages nourrissent le film et ont permis d’esquisser des personnages assez crédibles, dont celui de la complexe Katrine (Juliane Köhler), l’héroïne de ce thriller identitaire. Séparée dans sa prime jeunesse de sa génitrice d’origine norvégienne, elle a séjourné toute son enfance dans un orphelinat, en Allemagne de l’Est. Bien des années plus tard, elle est parvenue à fuir la RDA et à retrouver sa mère biologique.
Faits réels
De retour dans son pays d’origine, elle y a construit sa vie. Mère, épouse et grand-mère comblée, elle voit son quotidien, en apparence ordinaire, se craqueler quand d’anciens orphelins, qui ont subi le même déracinement qu’elle, décident d’intenter un procès à l’Etat norvégien pour sa collusion avec les nazis. Son refus de témoigner dans le cadre de cette procédure lui attire les soupçons d’un jeune avocat. Katrine est-elle celle qu’elle prétend être ?
Ce thriller politique lève le voile sur la condition douloureuse d’enfants issus de ces amours réprouvées avec l’occupant. La vérité sur l’identité de Katrine se révélera par strates. A ce titre, le film, dans sa progression discontinue, est plutôt original. Basé sur des faits réels, il aborde également le rôle que la Stasi et ses agents secrets ont joué dans cette affaire.
Bien documenté là encore, le film dépeint assez précisément l’entraînement des espions et la manière dont ils endossent une nouvelle identité. Ce qui ne sera pas sans culpabilité pour Katrine, qui n’aspirait, au fond, qu’à mener une vie normale. Cela va la conduire à reconsidérer toute son existence à l’aune du mensonge sur lequel elle l’a bâtie et à revivre un passé qu’elle aurait préféré voir enfoui à jamais.
Lumineuse Liv Ullmann
Il est regrettable, au vu de son puissant sujet, que le réalisateur se laisse submerger par sa propension à esthétiser son film outre mesure Il surligne les différentes époques où se déroule son drame, avec un cortège de chromos vintage décoratifs. Epuisant toute la gamme chromatique des jaune orangé et du gros-grain sépia pour toute la partie en RDA et celle des bleus métalliques et des gris pour la Norvège, il ruine en grande partie le potentiel de son film.
La mise en scène a tôt fait de montrer ses limites, qui transparaissent dans cette débauche de fioritures formelles. Elles traduisent surtout un manque de style et d’inspiration, que compense l’interprétation des deux comédiennes principales, Juliane Köhler et Liv Ullmann. Georg Maas avait déjà consacré un portrait à l’égérie d’Ingmar Bergman. Son bonheur de la filmer est palpable dans chacun des plans qu’elle habite de sa lumineuse présence. Par chance, ce plaisir-là est contagieux.
« D’une vie à l’autre », de Georg Maas. Avec Liv Ullmann, Juliane Köhler, Sven Nordin, Ken Duken (All-Norv, 2014, 100 min). Vendredi 3 avril à 20 h 50 sur Canal+ Cinéma.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu