L’océan aura finalement occupé une place importante lors de la première semaine de la conférence mondiale sur le climat (COP21), même s’il n’est pas inscrit au cœur même des négociations sur le climat. Pourquoi devrait-il y figurer ? Parce qu’il fournit des services fondamentaux à la vie sur terre : de l’oxygène et des protéines, essentielles pour de nombreuses populations côtières… Mais surtout parce que l’immensité marine qui couvre 71 % de la surface du globe absorbe plus de 25 % du CO2 et 93 % de l’excès de chaleur causé par l’emballement des activités humaines.
Ces chiffres éloquents ont été martelés avant et pendant la COP21. Le 2 décembre, dans la zone bleue sous l’égide des Nations unies, une session était consacrée à l’univers marin. Dans l’espace Générations climat, ce thème était en vedette au stand de l’Unesco. Coprésidée par l’ex-président du Costa Rica, José Maria Figueres, et l’ancien ministre britannique, David Miliband, la Commission océan global, un club de personnalités politiques en lutte contre la surpêche et l’absence de règles en haute mer, lui a dédié la journée du vendredi 4 décembre.
Acidification, réchauffement, montée des eaux
La veille, c’était la Plateforme océan et climat qui jouait les maîtresses de cérémonie en réunissant des scientifiques et des représentants de la jeunesse mobilisés en faveur de ce grand régulateur du climat. Les maux principaux dont souffre l’immensité océanique ont été plus d’une fois exposés : diminution de l’oxygène, réchauffement, acidification, tandis que sur les littoraux les hommes sont confrontés à la montée des eaux, à la pollution et à la diminution des ressources halieutiques.
A chaque fois, Ségolène Royal est venue saluer la détermination de la société civile qui a grandement aidé à la prise de conscience des décideurs politiques vis-à-vis de l’océan. Cette ouverture d’esprit n’avait rien d’acquis il y a quelques mois encore. Mais il est temps que cela change, à en croire la ministre française de l’écologie. « L’océan n’a pas d’élus pour le représenter, on n’y fait pas campagne électorale : il n’y a pas de main à serrer ! a-t-elle lancé avec fougue. Sous prétexte que cet espace n’est pas habité, certains industriels se permettent d’envoyer leurs pollutions sous la surface, c’est inadmissible ! »
Dans son élan, Ségolène Royal a annoncé qu’à sa demande, le Coréen Hoesung Lee, président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), avait accepté le principe de préparer un rapport spécial sur les interactivités entre océan et climat. Pour les experts, la ministre semble triompher un peu vite. En avril 2016, à Nairobi, le GIEC devrait retenir deux, voire trois nouveaux thèmes de travail, mais a déjà reçu une bonne vingtaine de propositions émanant de nombreux pays. L’océan se retrouvera en compétition avec des sujets comme la désertification, poussée par l’Algérie et les pays arabes, ou l’agriculture et la sécurité alimentaire, soutenues par les Etats-Unis.
« Ne décevez pas les peuples des océans »
« L’océan n’a pas d’élus pour le représenter, on n’y fait pas campagne électorale : il n’y a pas de main à serrer ! lance Ségolène Royal. Sous prétexte que cet espace n’est pas habité, certains industriels se permettent d’envoyer leurs pollutions sous la surface, c’est inadmissible ! »
La Principauté de Monaco a été la première à porter cette demande d’un travail spécifique du GIEC. Elle a ensuite été rejointe par le gouvernement français, la Commission océan global, l’Institut de recherche politique sur le développement durable et des relations internationales (Iddri) et Tara Expéditions. Le 29 novembre, le prince Albert II a signé « Because the ocean » au pavillon provisoire de Tara, sous le pont Alexandre-III, à Paris, en compagnie d’une dizaine de ministres, dont Ségolène Royal et Catherine McKenna, ministre de l’environnement du Canada. Cet appel est destiné à obtenir ce travail spécifique du GIEC ainsi que la création d’un groupe de travail sous l’égide de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) dès 2016. Vendredi 4 décembre, cinq Etats supplémentaires – l’Espagne, le Maroc, Madagascar, les Pays-Bas et les Seychelles – en plus des dix premiers signataires, ont apposé leur nom au bas de ce texte.
A la COP21, les défenseurs de l’univers marin ont le sourire : leur dossier avance. Sur leur lancée, les membres de la Plateforme océan et climat espèrent à présent obtenir qu’une partie du Fonds vert pour le climat et plus généralement des mesures d’adaptation soient dirigées vers les populations du littoral, les premières touchées par la dégradation du milieu naturel et la montée des eaux. « Ne décevez pas les peuples des océans », enjoint Yeb Saño. Cet ancien vice-ministre des Philippines est venu à pied depuis Rome pour plaider la cause des îliens et poser ses chaussures à côté de celles du pape, place de la République.
Parti d’un petit noyau de scientifiques et de militants d’ONG il y a dix-huit mois, la Plateforme compte aujourd’hui 65 membres, dont des acteurs économiques. Pas sûr que tous continuent à partager le même intérêt pour la sauvegarde de l’océan, une fois passé le temps fort de la COP21. Mardi, à la tribune, un représentant d’un gros armateur français évoquait le « charbon propre » comme l’une des solutions permettant de réduire les importantes émissions de gaz à effet de serre du transport maritime… Un secteur exempté de toute contrainte dans ce domaine jusqu’à présent.
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