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Politique
Déchéance de nationalité:

Droit du sol : Hollande va plus loin que... Sarkozy!

En décidant de "retirer la nationalité française aux terroristes NÉS FRANÇAIS", François Hollande remet en cause le droit du sol et rompt avec l'un des principes fondamentaux de notre construction républicaine.
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François Hollande devant le Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015. (Philippe Wojazer / AP / SIPA)
François Hollande devant le Congrès à Versailles, le 16 novembre 2015.
Philippe Wojazer / AP / SIPA

En août 2010, dans le désormais célèbre discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy, alors chef de l'État, proposa que les binationaux naturalisés - il faut insister sur  cette précision "naturalisés" - soient déchus de leur citoyenneté française  en cas de meurtre ou tentative de meurtre sur des flics, des gendarmes ou des douaniers. En cantonnant cette mesure aux binationaux "naturalisés", Sarkozy évitait de remettre en cause le droit du sol, l'un des fondements essentiels de notre pacte républicain. L'émotion fut pourtant intense, et le scandale idéologico-politique retentissant.  "Le voyou de la République" et cette apostrophe, devenue célèbre, poursuit Sarkozy aujourd'hui encore. L'ex-président s'en est d'ailleurs plaint... la semaine dernière sur Europe 1. C'est dire si, chez lui, la blessure reste intacte, aussi vivace et douloureuse qu'au premier jour. Mais à l'époque, en cet été 2010, nous ne doutions pas que le président en avançant cette proposition de déchéance de la nationalité, non seulement courrait (en vain) derrière les électeurs du Front National, mais qu'ainsi il faisait fi de toute morale en politique et, plus pernicieux encore, portait atteinte à l'un de nos principes républicains parmi les plus fondamentaux : ainsi il établissait une différence de traitement entre les Français, selon leurs origines. Ainsi, il rompait l'égalité entre binationaux et Français "exclusivement français". Ce que l'article 1 de la constitution est censé garantir, puisqu'il précise "assurer l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine".

Aller plus loin que la Constitution

C'est notamment en raison des effets désastreux de ce fameux discours de Grenoble que Nicolas Sarkozy perdit l'élection présidentielle deux années plus tard face à François Hollande. Un part importante des électeurs de la droite modérée et du centre ne lui ont jamais pardonné ce qu'ils ont alors considéré comme une provocation à la fois idéologique et démagogique, au surcroît inutile. 

Après les attentats de janvier dernier contre Charlie et l'Hypercacher, après les massacres du 13 novembre, le climat en France et l'attitude des Français ont muté, comme jamais depuis la Libération. La sécurité des citoyens et l'élimination, y compris physique, des terroristes islamistes apparaissent désormais prioritaires à tous, hormis les derniers militants et sympathisants de la gauche de gauche qui semblent quasiment avoir perdu toute influence politique ou morale sur la société. A cet égard, le silence du sociologue Edgar Morin et la discrétion du philosophe Alain Badiou sont significatifs. Dans de contexte guerrier - un contexte que Daech a imposé dans le sang et les larmes, François Hollande, déterminé à protéger les Français, a estimé que l'état actuel de nos institutions n'était plus à la mesure de la situation de guerre. La constitution, en effet, autorise de retirer la nationalité française aux binationaux naturalisés, et exclusivement naturalisés, s'ils "portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation". Le terrorisme, à l'évidence, en fait partie. Mais le président a estimé indispensable d'aller plus loin, plus fort, quitte à brutaliser sa propre famille politique.

L'acte de le déchoir, symbolique mais inutile pour la sécurité collective

Ainsi il proposé aux députés et sénateurs réunis en Congrès à Versailles de "retirer la nationalité française aux terroristes NÉS FRANÇAIS également citoyens d'un autre pays"; donc d'étendre l'application de la déchéance de nationalité aux binationaux "nés français" et d'inscrire cette possibilité, ainsi que l'inscription de l'état d'urgence, dans l'avant projet de loi constitutionnelle que le gouvernement a transmis au Conseil d'État. Et le président d'insister: "je dis bien même s'il est né français". Il faut le constater, sans le moindre esprit polémique : Nicolas Sarkozy ne s'est jamais autorisé pareille radicalité puisque, en réalité, François Hollande propose ni plus ni moins qu'une remise en cause du droit du sol, l'un des principes essentiels de notre construction républicaine. 

Sous le choc du 13 novembre, les principaux hiérarques de la gauche de gouvernement se sont d'abord abstenus de tout commentaire. Ils ont voulu se rassurer, misant sur le Conseil d'État pour contraindre François Hollande à ne pas donner une première entaille à une stricte application du droit du sol, ce "marqueur" de la gauche démocratique et républicaine. Et puis ils n'ont pu s'empêcher quelques commentaires. Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a convenu qu'il était "gêné" ; la Garde des sceaux, Christiane Taubira a fait fuiter qu'elle éprouvait un "haut le cœur" ;  le président de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, a estimé que "ce n'était pas une bonne mesure" ; et Martine Aubry, la maire de Lille, s'est contentée d'exprimer ses "doutes". Ce tir groupé a-t-il pour autant affecté le président ? Pas le moindre du monde, puisque son entourage s'est contenté d'expliquer que, dans la lutte contre Daech, Hollande s'interdit tout "tabou". La stricte application du droit du sol ramenée à l'état de... tabou... 

Qu'un tueur d'EI, né français et détenteur d'une autre identité, se voit déchu de sa nationalité française, voilà qui n'a pas pour lui la moindre importance. L'acte de le déchoir, en plus de le punir, s'il ne permet en rien de mieux assurer notre sécurité collective, n'en demeure pas moins hautement symbolique. Bien sûr, François Hollande, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Jean-Yves Le Drian ne sont en rien liberticides ; certains ne manquent d'ailleurs pas de leur reprocher d'avoir pris trop tardivement conscience du danger djihadiste. Faut-il pour autant prendre le risque de rompre avec l'un de nos principes fondamentaux sans d'ailleurs en attendre le moindre bénéfice sécuritaire ? Non. Nous pensons que non.

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