Ce fut le rendez-vous des « anti-COPitalistes ». Le village des alternatives, organisé par Alternatiba et la Coalition climat 21, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), les samedi 5 et dimanche 6 décembre, a fait entendre une voix divergente, assez éloignée des négociations de la conférence des Nations unies pour le climat, qui se tient jusqu’au 11 décembre, à quelques kilomètres de là, au Bourget.
Plusieurs milliers de personnes, de 10 000 à 30 000 selon les organisateurs, ont assisté aux nombreux ateliers, forums, débats, concerts. Les enfants se faisaient prendre en photo non pas sur les genoux du Père Noël, mais dans les bras des ours polaires, animés par des militants de Greenpeace notamment. Le marché de la Confédération paysanne vendait des minervois ou des juras sans pesticides, évidemment. Les légumes, le miel, les fromages étaient bio. Jusqu’à la fleuriste de la place qui, inquiète, assurait que ses sapins n’avaient pas été arrachés à une forêt.
Samedi, le temps fort fut le procès « des peuples » contre le pétrolier américain Exxon. Condamné, bien sûr, à l’issue des débats menés par l’égérie des luttes environnementales, Naomi Klein, et Bill McKibben, autre personnalité internationale de l’écologie.
Le sommet des « 196 chaises »
Dimanche, le moment attendu fut l’arrivée, à midi, des 196 chaises « réquisitionnées » dans des agences bancaires de la BNP Paribas (très bien représentées dans le lot de sièges), de HSBC, etc., portées fièrement par leurs faucheurs. Au dos des chaises, une étiquette indiquait leur provenance : Bruxelles, Paris, Chambéry, Marseille et, bien sûr, Bayonne, d’où le mouvement est parti, lieu de naissance d’Alternatiba.
Se sont assis dessus 196 représentants des ONG, des syndicats, venus des cinq continents pour tenir le sommet pour le financement de la transition sociale et écologique. Suzan George (altermondialiste), Marcos Arruda (économiste brésilien), Hindou Oumarou Ibrahim (coordinatrice de l’association des femmes peules autochtones du Tchad), Yeb Saño (négociateur philippin à la COP21) et les nombreux intervenants ont tous dénoncé l’évasion fiscale. « Nous savons où est l’argent pour financer un avenir propre », proclame l’appel final du sommet.
Cindy Wiesner, coordinatrice nationale de la Grassroots Global Justice Alliance (Etats-Unis), n’a pas hésité à traiter les représentants des Etats, réunis au Bourget, de « criminels ». « Ce sont des menteurs, des assassins qui ne s’intéressent pas à la vie des gens », a déclaré la tonitruante leader américaine. Hindou Oumarou Ibrahim a évoqué, elle, son pays, le Tchad, et l’impossibilité de l’accès à l’eau en particulier. « Notre pays a des ressources, mais c’est aussi l’un des plus impactés par le changement climatique », a-t-elle expliqué, en précisant : « Je resterai jusqu’à la fin des négociations de Paris pour faire savoir les besoins des populations les plus vulnérables. » « Quand on dit que l’argent existe, qu’il est dans les paradis fiscaux, ce n’est pas un slogan, résumait Txetx Etcheverry (Alternatiba), 20 000 à 30 000 milliards de dollars y sont planqués. »
« Du cœur à l’outrage »
Le chanteur Kaddour Hadadi (HK et Les Saltimbanks) a aussi fait balancer tout le monde. L’engagement d’HK pour le climat ne date pas d’hier. « Comme beaucoup, j’ai entendu le président Chirac déclarer que “la planète brûlait”, mais, depuis, rien n’a été fait, les choses se sont aggravées, explique le Ch’ti d’origine algérienne. C’est la quête du profit, toujours gagner plus. » Eternelle casquette blanche vissée sur la tête, HK, qui met « du cœur à l’outrage », a enthousiasmé la foule en rythmant ses appels à la mobilisation, « On lâche rien », « Niquons la planète »…
A 18 heures, le week-end militant a été clôturé par, notamment, Naomi Klein, Kumi Naidoo, le directeur international de Greenpeace, Anabella Rosemberg de la Confédération syndicale internationale ou encore Juliette Rousseau de la Coalition climat 21. Doudou Pierre, de l’organisation paysanne internationale Via campesina, d’Haïti, a résumé une impression partagée tout le week-end à Montreuil : « L’assemblée des chefs d’Etat et des gouvernements n’apportera aucune solution. » Sceptique aussi, Kumi Naidoo a néanmoins exprimé un espoir. « J’espère encore que les gouvernements placeront les intérêts de nos enfants avant celui des compagnies de pétrole, de charbon et de gaz », a déclaré le militant écologiste sud-africain.
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