«C'est un moment historique que les Libyens attendaient, que les Arabes et que le monde attendait», s'est réjoui dimanche Awad Mohamed Abdoul-Sadiq, vice-président du Congrès général national et cosignataire de l'accord. Le texte prévoit la formation d'un comité de dix membres : cinq issus du Congrès général national (CGN, composé de conservateurs et des révolutionnaires les plus durs), à Tripoli, et cinq nommés par la chambre des représentants (CdR, tendance modérée), basée à Tobrouk.
A la tête du gouvernement, se trouverait un premier ministre et deux vice-premier ministres (un de chaque camp). Les noms n’ont pas encore été révélés. Outre ses dispositions, les deux délégations sont tombées d’accord pour revenir à la constitution de 1951, amendée en 1963 (abolie par Kadhafi en 1969) et réaménagée à la situation actuelle.
Monarchie ou république ?
« C'est un bon accord sur le fond. Sur la forme, c'est une première étape importante dans le sens de la stabilité », se félicite Abdelgader Gedoura, membre de l'assemblée constituante. Le texte doit maintenant être voté par les deux parlements pour être mis en œuvre. Deux points d'achoppement apparaissent : le régime politique (monarchie – comme avant Kadhafi – ou république ?) et son fonctionnement (fédéralisme ou Etat centralisé ?)
Les critiques n’ont pas tardé, avant même l’officialisation de l’accord. Ces discussions se sont déroulées secrètement ces deux dernières semaines en Tunisie, jetant un voile sur leur légitimité, même si le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, doit recevoir les deux délégations à 18 heures ce dimanche.
Si la trentaine de participants sont issus des deux assemblées ennemies, ils sont surtout originaires de la Cyrénaïque (région à l'est de la Libye). «C'est une stratégie de la Cyrénaïque pour avoir plus d'autonomie, comme c'était le cas sous la monarchie avec la constitution de 1951. Nous n'accepterons pas ce texte», assure un haut-fonctionnaire du gouvernement de Tripoli, originaire de Sebha, la capitale du Fezzan, la région sud du pays.
Accord concurrent
Autre interrogation : quid des pourparlers de l'ONU entamés en septembre 2014 ? Depuis le 17 novembre, la mission de l'ONU en Libye (UNSMIL) a un nouveau chef, Martin Kobler. Lors de sa première venue à Tripoli, ce dernier avait affirmé que les nouvelles discussions auraient pour base le gouvernement annoncé par son prédécesseur, Bernardino Leon, le 8 octobre. Le diplomate allemand avait également renvoyé dos à dos les deux parlements en les qualifiant d'«illégitimes». Le premier ministre Faiez Serraj nommé par l'ONU, devrait présenter son équipe définitive dans les prochains jours, affirmait Martin Kobler quelques heures avant l'annonce publique de l'accord de Tunis. L'ONU n'a pas encore officiellement réagi à cet accord concurrent.
Depuis la fin de l'été 2014, deux autorités se partagent le pays : le groupe Aube libyenne, à l'ouest, représentée par le Congrès général national (CGN), à Tripoli, et la coalition Dignité, à l'est, défendue par la Chambre des représentants (CdR), basée à Tobrouk. Cette scission politique a notamment permis l'apparition et le développement rapide l'organisation terroriste de l'organisation Etat islamique, qui sera au cœur d'une conférence internationale prévue dimanche à Rome.