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Libye‭ ‬:‭ ‬un accord politique surprise mais déjà contesté

Des représentants des deux parlements rivaux libyens ont annoncé,‭ ‬dimanche à Tunis,‭ ‬un accord pour la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.
par Mathieu Galtier, à Tripoli
publié le 6 décembre 2015 à 16h12

«C'est un moment historique que les Libyens attendaient, que les Arabes et que le monde attendait», s'est réjoui dimanche Awad Mohamed Abdoul-Sadiq, vice-président du Congrès général national et cosignataire de l'accord. Le texte prévoit la formation d'un‭ ‬comité‭ ‬de dix membres‭ ‬:‭ ‬cinq issus du Congrès général national‭ (‬CGN,‭ ‬composé de conservateurs et des révolutionnaires les plus durs‭), ‬à Tripoli, et cinq nommés par la chambre des représentants‭ (‬CdR,‭ ‬tendance modérée‭), ‬basée à Tobrouk.‭

‬A la tête du‭ ‬gouvernement,‭ ‬se trouverait un premier ministre et deux vice-premier ministres‭ (‬un de chaque camp‭)‬.‭ ‬Les noms n’ont pas encore été révélés.‭ ‬Outre ses dispositions,‭ ‬les deux délégations sont tombées d’accord pour revenir à la constitution de‭ ‬1951, amendée en‭ ‬1963 (abolie par Kadhafi en 1969)‭ ‬et réaménagée à la situation actuelle.

Monarchie ou république ?

« ‬C'est un bon accord sur le fond.‭ ‬Sur la forme,‭ ‬c'est une première étape importante dans le sens de la stabilité‭ »‬,‭ ‬se félicite Abdelgader Gedoura,‭ ‬membre de l'assemblée constituante.‭ ‬Le texte doit maintenant être voté par les deux parlements pour être mis en œuvre.‭ ‬Deux points d'achoppement apparaissent‭ ‬:‭ ‬le régime politique‭ (‬monarchie – comme avant Kadhafi –‭ ‬ou république‭ ?) ‬et son fonctionnement‭ (‬fédéralisme ou Etat centralisé‭ ?)

Les critiques n’ont pas tardé, avant même l’officialisation de l’accord.‭ ‬Ces discussions se sont déroulées secrètement ces deux dernières semaines en Tunisie,‭ ‬jetant un voile sur leur légitimité, même si le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, doit recevoir les deux délégations à 18 heures ce dimanche.‭ ‬

Si la trentaine de participants sont issus des deux assemblées ennemies,‭ ‬ils sont surtout originaires de la Cyrénaïque‭ (‬région à l'est de la Libye‭)‬.‭ «C'est une stratégie de la Cyrénaïque pour avoir plus d'autonomie,‭ ‬comme c'était le cas sous la monarchie avec la constitution de‭ ‬1951.‭ ‬Nous n'accepterons pas ce texte‭»‬,‭ ‬assure un haut-fonctionnaire du gouvernement de Tripoli,‭ ‬originaire de Sebha,‭ ‬la capitale du Fezzan,‭ ‬la région sud du pays.

Accord concurrent

Autre interrogation‭ ‬:‭ ‬quid des pourparlers de l'ONU entamés en septembre‭ ‬2014‭ ? ‬Depuis le‭ ‬17‭ ‬novembre,‭ ‬la mission de l'ONU en Libye‭ (‬UNSMIL‭) ‬a un nouveau chef,‭ ‬Martin Kobler.‭ ‬Lors de sa première venue à Tripoli,‭ ‬ce dernier avait affirmé que les nouvelles discussions auraient pour base le gouvernement annoncé par son prédécesseur,‭ ‬Bernardino Leon,‭ ‬le‭ ‬8 octobre.‭ ‬Le diplomate allemand avait également renvoyé dos à dos les deux parlements en les qualifiant d‭'«‬illégitimes»‬.‭ ‬Le premier ministre Faiez Serraj nommé par l'ONU,‭ ‬devrait présenter son équipe définitive dans les prochains jours, affirmait Martin Kobler quelques heures avant l'annonce publique de l'accord de Tunis.‭ ‬L'ONU n'a pas encore officiellement réagi à cet accord concurrent.

Depuis la fin de l'été‭ ‬2014,‭ ‬deux autorités se partagent le pays‭ ‬:‭ ‬le groupe Aube libyenne,‭ ‬à l'ouest,‭ ‬représentée par le Congrès général national‭ (‬CGN‭), ‬à Tripoli, et la coalition Dignité,‭ ‬à l'est,‭ ‬défendue par la Chambre des représentants‭ (‬CdR‭)‬,‭ ‬basée à Tobrouk.‭ ‬Cette scission politique a notamment permis l'apparition et le développement rapide l'organisation terroriste de l'organisation Etat islamique‭, qui sera au cœur d'une conférence internationale prévue dimanche à Rome.

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