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A droite, l’«examen de conscience» attendra

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En dépit d’une ligne commune «ni retrait ni fusion», les dissonances se font entendre au sein du parti de Nicolas Sarkozy, déjà agité par la primaire.
par Alain Auffray
publié le 7 décembre 2015 à 19h46

Le choc est si rude, la menace si proche, qu'aucun leader de la droite n'a voulu prendre le risque d'ouvrir les hostilités. Au lendemain du premier tour des régionales, Nicolas Sarkozy réunissait lundi le bureau politique de son parti Les Républicains (LR), en présence des principaux candidats à la primaire : Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire. Expédiée en moins d'une heure, dans une ambiance grave et tendue, la réunion s'est conclue par l'approbation, à une large majorité, d'une déclaration excluant «tout retrait, toute fusion, toute alliance, tout accord qui donnerait aux Français le sentiment qu'on veut leur confisquer l'élection par des arrangements tactiques conclus dans leur dos». Le bureau politique estime que le vote de dimanche exprime «une profonde crise de confiance et un besoin de changement» dont il faut mesurer «la gravité». Et affirme que la droite doit y répondre «en restant fidèle à ses convictions et à ses valeurs», sans se laisser aller à «des combinaisons partisanes qui ne feraient que ruiner un peu plus la confiance des Français».

Sacrifice socialiste

Les désistements des candidats PS de Nord-Pas-de-Calais-Picardie et de Provence-Alpes-Côte d'Azur en faveur de LR ne seraient que de vulgaires «combinaisons partisanes» ? Ce n'est pas du tout l'avis de Xavier Bertrand et de Christian Estrosi : dès dimanche soir, les rivaux LR de Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen ont au contraire salué le sacrifice socialiste, n'hésitant pas à le qualifier de «républicain», adjectif dont Nicolas Sarkozy prétendait, récemment encore, s'arroger le monopole. Depuis Lille, Xavier Bertrand a été on ne peut plus clair : «Les consignes d'état-major, je m'en fous royalement, c'est aussi simple que ça», a-t-il lancé lundi matin, avant de sécher la réunion du bureau politique.

Selon son entourage, Alain Juppé ne voulait surtout pas, entre les deux tours, déclencher un énième psychodrame sur la question du front républicain. Dans le même esprit, François Fillon a proposé de «serrer les dents», de «faire campagne sans état d'âme», en renvoyant à plus tard «les examens de conscience» au lendemain du second tour. «On ne change pas de stratégie au milieu du gué», a ajouté l'ancien Premier ministre. Outre Nathalie Kosciusko-Morizet, depuis toujours favorable au front républicain, les centristes de toutes obédiences ont exprimé des réserves sur la position défendue par Sarkozy. Jean-Pierre Raffarin propose de «faire front contre les déconstructeurs parce que c'est aujourd'hui qu'il faut reconstruire». Le patron de l'UDI, Jean-Christophe Lagarde, en appelle au «bon sens démocratique et républicain». François Bayrou, lui, soutient que le «retrait pur et simple de la liste arrivée en troisième position» est la condition d'un «ressaisissement démocratique».

«Glissement à droite»

Selon les trois centristes, le candidat LR Dominique Reynié, arrivé troisième en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, devrait donc se retirer. Ce qui n’arrivera sûrement pas : même la socialiste Carole Delga se garde bien de le demander. Car face au FN, un candidat de gauche a souvent plus de chance en triangulaire que dans un duel. Un retrait de Reynié pourrait donc favoriser la victoire du FN Louis Alliot. C’est pourquoi cette question a été expédiée sans débat au bureau politique de LR.

A droite, les comptes politiques se régleront donc après le 13 décembre. Mais déjà, quelques impatients donnent de la voix. «Nicolas Sarkozy, d'évidence, n'est pas crédible comme représentant de l'alternance […]. On ne peut pas retrouver la confiance des Français en mettant en avant quelqu'un qui a été clairement sanctionné en 2012», a réagi Hervé Mariton sur Public Sénat. En coulisse, ceux qui n'ont pas choisi de soutenir l'ancien chef de l'Etat parlent d'un échec personnel : «Je croyais qu'avec Sarkozy, on avait installé un solide rempart anti-FN ? On voit le résultat», confie un juppéiste. Les sarkozystes répliquent en affirmant que le scrutin régional confirme «le glissement à droite» de la société française diagnostiqué par leur mentor. Les deux seuls rescapés de ce premier tour, Laurent Wauquiez (Auvergne-Rhône-Alpes) et surtout Bruno Retailleau (Pays-de-la-Loire), ne sont-ils pas les plus marqués à droite de tous les candidats LR ?

Selon ses disciples, l'ancien chef de l'Etat aurait été empêché de faire la démonstration de son efficacité à cause de ses rivaux, qui le contestent en permanence. «Si le Front national ne recule pas, c'est parce que tout le monde n'est pas sur la ligne définie par Sarkozy», assure l'ancien ministre Alain Joyandet, tête de liste LR en Haute-Saône. Autre ex-ministre, Eric Woerth ne dit pas autre chose. Si «la droite n'est pas prête», selon lui, c'est parce qu'elle n'a «pas de leader incontesté aussi longtemps que la primaire n'aura pas désigné le candidat à l'élection présidentielle». La droite, victime de la primaire ? Voilà une plainte qui devrait prospérer dans les rangs sarkozystes.

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