Climat : deux satellites vont vérifier les promesses des Etats

Climat : deux satellites vont vérifier les promesses des Etats

    Les satellites sont les sentinelles du climat. Ce n'est pas un hasard si l'agence spatiale française présente deux de ces nouvelles sentinelles, ce mardi matin, en grande pompe et en présence du secrétaire d'Ã?tat chargé de la recherche Thierry Mandon, dans l'enceinte de la COP21. C'est sur ce site que les ministres du monde entier se relayaient lundi à la tribune pour rappeler, la main sur le cÅ?ur, leur engagement à réduire les émissions de gaz à effets de serre et ainsi limiter le réchauffement global. Laurent Fabius, président de la COP21, parlait lui d'une «semaine de l'espoir» à l'issue de laquelle 195 états sont censés signer un accord universel. Espérer c'est bien, vérifier c'est mieux. Les satellites du CNES, en orbite à des centaines de kilomètres au dessus de la surface de la terre, permettront de contrôler de près ces belles promesses. Jean-Yves Legall, président du Centre national d'études spatiales (CNES) nous dévoile ce projet.

    Depuis quand l'agence spatiale française s'intéresse-t-elle au climat ?
    Jean-Yves Legall.

    L'agence spatiale française est une pionnière sur ce sujet. Le dérèglement climatique a d'abord été mis en évidence dans les années 1970-1980 par des satellites météo qui ont montré la hausse globale de la température de la terre. Puis, dans les années 1990, les satellites océanographiques Topex-Poséidon et Jason qui surveillent la circulation côtière, les mouvements de l'océan ont montré que le niveau des eaux monte de 3 mm chaque année... Le GIEC (Groupe d'expert intergouvernemental sur l'évolution du climat) a montré que, sur les cinquante variables climatiques que les scientifiques doivent surveiller pour mesurer le changement climatique, plus de la moitié - 26 - ne sont identifiables que depuis l'espace. Il n'y a de COP que parce qu'il y a des observations spatiales ; sans satellites, on ne prendrait conscience que d'événement très locaux comme les tempêtes, les typhons, etc.

    Est ce une spécificité française ?

    Toutes les agences spatiales sont impliquées dans la mesure du réchauffement climatique. C'est simple : soit l'on on braque nos instruments vers l'espace, c'est de l'astronomie, soit on les braque vers la terre, c'est de la climatologie. Et surveiller la santé de la planète n'est pas moins important qu'aller sur mars. Cela dit, le CNES est un des pilotes du programme européen ENVISAT, qui surveille l'environnement depuis 2002.

    Si la COP21 aboutit à un accord, il faudra surveiller les engagements de chaque pays. Peut-on le faire grâce aux satellites ?

    Absolument. Nos satellites vont mesurer le niveau d'émission de CO2, mais aussi de méthane, un gaz certes plus rare mais vingt-cinq fois plus néfaste. Mais nous répondons à une démarche scientifique d'observation pas à une démarche politique.

    Pourquoi envoyer un satellite dans l'espace ? Ne peut-on pas déduire l'empreinte carbone de chaque pays en additionnant les émissions de l'industrie, des voitures, des chantiers, etc. ?

    Ces techniques sont très hasardeuses. C'est pourquoi nous annonçons aujourd'hui, en présence du ministère de la recherche française Thierry Mandon et de son homologue allemand, deux projets de satellites : «Merlin», un projet franco-allemand qui surveillera les émissions de méthane, et «Microcarb», qui surveillera les émissions de CO2, un projet 100% français. Il a fallu cinq ans d'études et de réalisations pour ces programmes d'ici 2020 depuis le Centre spatial de Kourou, contre deux pour un satellite de communication standard.

    L'idée avec ces nouveaux satellites est de pouvoir établir des cartes, comme des cartes météo, avec une image exacte des nuages de méthane et de gaz carbonique. Nous pourrons compiler des données en temps réel, précis à l'échelle d'une région. Les outils embarqués permettent d'enregistre un pixel d'environ 20km par 20km. C'est une nouvelle frontière en matière d'observation du climat ! Pour l'instant, nous sommes capables de diagnostiquer des phénomènes globaux, des moyennes mondiales. Avec ces programmes nous pourrons inaugurer de nouveaux outils régionaux.

    Pour quel coût ?

    Ce sont de petits satellites d'un mètre sur un, relativement peu chers et très performants, environ 150 millions d'euros chacun. Ils passeront tous les 4 jours au dessus du même endroit et fourniront une image fiable et précise.

    Le lancement de ces gendarmes des gaz à effets de serre émet-il beaucoup de CO2 ?

    C'est une faux problème. L'impact carbone est très limité, le lancement d'un satellite émet moins de CO2 qu'un vol paris New York par exemple.