Lutte contre le terrorisme : Michel Sapin veut mobiliser l'Europe

VIDÉO. Bercy veut assécher financièrement les djihadistes et en profiter pour rendre le système bancaire plus transparent. Un casse-tête pour l'Union européenne.

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Temps de lecture : 8 min

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"Le financement du terrorisme, c'est la priorité des priorités." Mardi matin, Michel Sapin a a annoncé la couleur, en marge de l'Ecofin, le conseil "Affaires économiques et financières" de l'Union européenne. Le ministre des Finances français entend bien emporter l'adhésion de ses partenaires sur un certain nombre de propositions, qu'il prépare depuis de longs mois et qui visent à assécher les sources de financement de Daech. « Le financement du terrorisme est un sujet qui ne date pas d'aujourd'hui, explique le ministère. Sauf qu'avant il s'agissait principalement de repérer les grands mouvements de fonds vers les zones de conflit. » Depuis les attaques de janvier visant Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de Vincennes, les autorités ont enfin pris la pleine mesure de la menace terroriste. Comment détecter les petits mouvements d'argent ? Comment contrôler le parcours d'un aspirant terroriste lorsque quelques centaines d'euros à peine lui suffisent parfois à rejoindre la Syrie, à s'acheter une arme ou à louer une chambre d'hôtel ? Le gouvernement veut en profiter pour faire d'une pierre deux coups, en luttant contre le blanchiment d'argent et en rendant le système bancaire plus transparent. Crédits à la consommation, cartes prépayées… Une lutte de tous les instants avec les acteurs du secteur, dont certains ont construit leur business sur l'anonymat des transactions financières. Un haut magistrat résume la situation : « Nous devons apprendre à faire face au terrorisme low-cost. » Analyse.

- Limiter les paiements en espèces

En septembre 2015, pour freiner la prolifération des paiements en espèces (par nature intraçables), le gouvernement a imposé de nouveaux seuils. Les Français vivant en France ne peuvent désormais plus régler leurs achats en liquide au-delà de 1 000 euros (10 000 euros pour les touristes étrangers).

Aujourd'hui, les personnes qui voyagent avec des valeurs de plus de 10 000 euros (argent, or, métaux précieux…) sont tenues de les déclarer en douane lors de leur entrée sur le territoire français. Les autorités veulent que cette obligation soit étendue aux transports de capitaux par voie de fret (les colis postaux, par exemple).

Problème, cette obligation n'est que déclarative et très largement théorique. Les douaniers n'ont pas les moyens de contrôler efficacement les voyageurs (comme nous l'avions déjà écrit ici). Il y a quelques mois, une source haut placée nous expliquait : « Les textes n'obligent aucunement une personne à justifier la provenance de l'argent liquide qu'elle transporte. Très honnêtement, si j'avais de l'argent en Suisse, le retour en argent liquide, notamment en aviation d'affaires, est la solution la plus rentable. Dans le pire des cas, je risque un contrôle. La douane me fera remplir un formulaire déclaratif qui n'oblige en rien à préciser la provenance des fonds. Et si j'ai le bon goût de raconter un mensonge, que j'ai par exemple vendu des parts d'une entreprise à l'étranger, je risque juste une amende. »

- Contrôler l ' identité lors des opérations de change

Il est aujourd'hui possible d'échanger des devises de façon anonyme auprès d'un professionnel pour un montant allant jusqu'à 8 000 euros », selon une note de Bercy. Au 1er janvier 2016, les professionnels auront l'obligation de demander une pièce d'identité pour toute opération dépassant 1 000 euros.

- Multiplier les signalements à Tracfin, le gendarme de Bercy

À partir du 1er janvier 2016, les banques auront l'obligation de signaler à Tracfin tous les dépôts et retraits d'espèces supérieurs à 10 000 euros par mois. Problème, cette mesure ne concerne que les retraits bancaires. Rien n'est prévu pour les personnes qui déposent des sommes de cash très importantes dans leur coffre-fort, loué dans telle ou telle banque. La question s'est posée encore récemment dans l'affaire Air Cocaïne. Une banquière avait accepté sans sourciller de compter en petites coupures plusieurs centaines de milliers d'euros, sans faire le moindre signalement à Tracfin.

- Être plus rigoureux sur les crédits à la consommation

Il y a quelques mois, La Voix du Nord révèle qu'Amedy Coulibaly avait contracté un crédit à la consommation chez Cofidis pour plus de 6 000 euros. De l'argent qui pourrait avoir servi à ses actions terroristes. Le crédit à la consommation est une source de financement courante chez les djihadistes. En décembre, six disciples de Salim Benghalem – un des pires bourreaux français de Daech – comparaissaient ainsi devant le tribunal correctionnel de Paris. L'un d'entre eux était soupçonné d'avoir voulu utiliser une vieille carte d'identité de Benghalem pour décrocher des prêts, qui serviraient ensuite à financer leur voyage vers la Syrie. Interrogé sur ces prêts à la consommation, l'ancien patron de Tracfin, Jean-Baptiste Carpentier, disait cet été avoir attiré l'attention de ses partenaires sur le sujet. « Il s'agit de faire un peu plus attention, de ne pas s'en tenir à la prévention du risque d'impayés, de s'interroger sur l'utilisation des fonds prêtés », avait-il dit.

- Encadrer le recours aux cartes prépayées

Pour les djihadistes, les cartes prépayées sont extrêmement pratiques. On les trouve partout (au tabac, sur Internet et dans les commerces de détail), elles sont facilement rechargeables avec des espèces et peuvent être transportées et dissimulées n'importe où. Surtout, elles garantissent l'anonymat le plus complet : les vendeurs n'étaient jusqu'à présent pas contraints de réclamer l'identité de leurs clients.

Les États membres de l'Union européenne (UE) se sont engagés en mai 2015 à faire bouger les choses avant le 26 juin 2017. Désormais, chaque personne qui souhaite acheter une carte prépayée devra livrer son identité, dès lors que le montant maximum pouvant être stocké mensuellement sur la carte est supérieur à 250 euros. Michel Sapin pousse pour que cette mesure entre en vigueur dès le mois de juin 2016. Mais le ministre des Finances veut aller encore plus loin pour coller à la menace terroriste. Il souhaite d'ores-et-déjà imposer à ses partenaires européens une "prise d'identité automatique" au premier euro dépensé, que ce soit pour acheter une carte prépayée ou la recharger. Les documents d'identité fournis au vendeur devront être numérisés et conservés. Un registre pourrait être créé au niveau européen pour faciliter la centralisation des données.

Les sociétés qui fabriquent les cartes prépayées et qui ont donc basé leur business sur l'anonymat des transactions financières sont particulièrement hostiles à ces mesures. Bercy leur oppose cependant un argument de poids : les terroristes utilisent ces cartes prépayées pour de petits achats - des centaines d'euros dépensées ici et là - qui s'ajoutent pour former un projet terroriste. Selon le ministère des Finances, les attentats du 13 novembre n'ont pas coûté plus de 30 000 euros. 

- Surveiller les comptes « sans banque » ouverts chez les buralistes

Depuis quelques mois, on assiste à une explosion des ouvertures de « comptes-nickel », ces comptes que l'on peut ouvrir chez le buraliste du coin en échange de quelques euros, d'une pièce d'identité et d'un numéro de téléphone. Ils sont abondamment utilisés par les interdits bancaires qui n'ont pas accès aux banques traditionnelles. Mais les autorités soupçonnent également les djihadistes d'y avoir recours sous de fausses identités et de s'en servir pour effectuer des virements. Au 1er janvier 2016, l'intégralité de ces comptes sera inscrite au fichier Ficoba, ce qui permettra à Tracfin, mais également à l'administration fiscale, aux officiers de police judiciaire (OPJ) et aux magistrats, d'y avoir accès.

- Geler les avoirs terroristes

L'UE doit pouvoir geler les avoirs et comptes en banque des djihadistes et des personnes liées à Daech, assure Michel Sapin. Actuellement, cela n'est possible que pour les personnes qui ont déjà été condamnées ou qui font l'objet d'une enquête. Autre problème, les délais sont particulèrement longs, et il faut parfois plusieurs semaines entre la décision du conseil de Sécurité de l'ONU et son exécution. La France souhaite imposer un délai de 72 heures maximum. « Le gel des avoirs terroristes sera également étendu aux avoirs immobiliers et aux véhicules », prévoit le gouvernement.

- Geler les prestations familiales

Le ministère des Finances réfléchit également à un gel des prestations chômage ou familiales lorsqu'un Français est soupçonné d'activités en lien avec le terrorisme. Blessé en Irak, un des suspects de la filière des Buttes-Chaumont, jugé en 2008, avait ainsi été blessé en Irak et avait obtenu une allocation adulte handicapé (AAH) à son retour en France. Un gel des prestations est théoriquement possible, mais difficile à appliquer en dehors de toute procédure judiciaire. « Tout cela pourra être contesté devant le juge », assure-t-on. Un garde-fou suffisant ?

- Éplucher les transferts financiers internationaux

Les services de renseignements français veulent avoir directement accès au système Swift, par lequel transitent 80 % des transferts financiers internationaux. L'objectif est de pouvoir éplucher les flux suspects des ressortissants européens et d'effectuer ainsi un « traitement de masse » de leur data. Un projet ambitieux qui pourrait bien faire tiquer la Cnil (la Commission nationale de l'informatique et des libertés). Et ce, d'autant plus que le gouvernement compte donner à Tracfin, dès le mois de janvier 2016, un accès au Fichier des personnes recherchées (FPR), dont les fameux fichés « S » font partie. Tracfin devrait également avoir accès aux fichiers de la police et de la gendarmerie qui recensent les antécédents judiciaires. Des mesures largement liberticides, mais justifiées, selon le gouvernement, par la menace terroriste : ce sont en effet, d'après Bercy, des mouvements financiers qui ont contribué, au lendemain des attentats du 13 novembre, à retrouver la trace d'Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attaques.

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Commentaires (42)

  • eolian

    Avance à grands pas. Est-ce-cela que vous voulez ?

  • Solidomal

    Il ne fait pas que se préoccuper des djihadistes, car avec Macron, en catimini, ils veulent spolier l'épargne des Français, en s'en prenant encore à l'assurance-vie qui est déjà touchée par la CSG... Et les impôts qui ne doivent pas augmenter !... Chez ces "gens du château", tout n'est que calcul politique... Et tout ce beau monde s'étonne du vote FN.

  • daniel94

    Faute de la moindre velléité d'imagination dans la chasse au gaspillage et aux économies, notre conifère en chef fait feu de tout bois !