C’est un argument récurrent de la droite, et en particulier de Nicolas Sarkozy, face à la montée du Front national : si ces scores progressent, c’est systématiquement à cause de la gauche. Le président du parti Les Républicains l’a de nouveau asséné lundi 7 décembre lors du journal de 20 heures de France 2 :
« Chaque fois que la gauche a été au pouvoir, ça s’est traduit par une explosion du vote d’extrême droite ensuite.
En 1986, M. Mitterrand fait la proportionnelle : 35 députés qui rentrent à l’Assemblée nationale. En 2002, après cinq années de Lionel Jospin : Jean-Marie Le Pen est au second tour, la gauche n’y est même pas. Et là, quatre années de François Hollande et c’est une exaspération qui monte dans tout le pays. Mme Le Pen était face à moi au premier tour des présidentielles de 2012, à 18 % (ce qui était déjà beaucoup), en quatre ans elle passe à plus de 27 %. »
Pourquoi c’est faux
L’argument est récurrent à l’UMP, désormais aux Républicains. Face aux critiques sur la porosité de la frontière avec le Front national, que ce soit en termes de programme, de rhétorique et d’électorat, le principal parti d’opposition renvoie la balle dans le camp de la gauche.
Pourtant, si l’on prend les scores du FN à toutes les élections depuis 1984 (hors municipales, où il présente beaucoup moins de candidats que ses concurrents), ses percées ont lieu autant lorsque la majorité est à droite que lorsqu’elle est à gauche. Et cela dépend aussi de ce que l’on regarde.
Le FN a certes obtenu ses quatre meilleurs résultats (en part des suffrages exprimés) lors des quatre derniers scrutins, sous gouvernement socialiste : 24,95 % lors des européennes de juin 2014, 25,24 % et 22,23 % lors des deux tours des départementales de mars 2015, puis désormais 27,73 % lors des dernières régionales.
Mais la dynamique était antérieure à l’arrivée des socialistes au pouvoir : avant les européennes, le FN avait réalisé son meilleur résultat lors de l’élection présidentielle de 2012 (17,90 %), après cinq années de mandat de Nicolas Sarkozy et dix années de gouvernement de droite.
La présidentielle 2012, meilleur score en voix
En remontant aux années 1980, Nicolas Sarkozy reprend quelques résultats historiques du Front national mais les sélectionne avec parcimonie.
- 1986 : une percée amorcée en 1984, amplifiée en 1988
En 1986, après l’introduction du scrutin proportionnel aux élections législatives, le Front national de Jean-Marie Le Pen marque effectivement les esprits en envoyant 35 députés à l’Assemblée nationale. Mais c’est oublier deux choses : la montée du FN était antérieure à ces élections (il avait obtenu 10,95 % des suffrages aux européennes de 1984) et il a réalisé un meilleur score après deux années de gouvernement de droite (quand Jacques Chirac était à Matignon), avec 14,38 % des suffrages aux législatives de 1988.
- 1997-2002 : une percée précédée de scores importants en 1995-1997
Si l’élection présidentielle de 2002 a longtemps été le meilleur résultat du FN, ce dernier, après avoir connu plusieurs revers à la fin des années 1980 et début des années 1990, avait réalisé de nouveaux bons scores à la présidentielle de 1995 (15 % des voix) puis aux législatives de 1997 (14,94 %), après deux et quatre années de gouvernement de droite.
- 2012 : le meilleur score en voix du FN jusqu’à maintenant
Dernier exemple évoqué par Nicolas Sarkozy : la présidentielle de 2012, où le FN aurait alors été « contenu » avant les années Hollande. Si c’est (relativement) vrai en termes de suffrages exprimés, le parti d’extrême droite avait alors obtenu un nombre encore record de voix, avec 6,4 millions de suffrages (devant les 6 millions du premier tour des régionales). Loin des 3,8 millions obtenus à la présidentielle de 2007, avant le quinquennat de M. Sarkozy.
Sur les vingt-et-un scrutins où le FN a dépassé 10 % des suffrages exprimés depuis 1984, la gauche était au gouvernement onze fois... contre dix pour la droite. Difficile, dans ces conditions, d’en établir une règle sur un camp qui favoriserait davantage une montée de l’extrême droite.
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