CHÔMAGE - C'est une spécificité française, une fierté. Malgré la crise économique, le taux de fécondité français a su se maintenir. Nos voisins ne peuvent pas en dire autant. Mais parfois, les chiffres peuvent cacher d'autres réalités. Deux chercheurs de l'Ined, Ariane Pailhé et Arnaud Régnier-Loilier, ont tenté de voir plus loin pour pouvoir mesurer au mieux les conséquences du chômage sur la fécondité française entre 2005 et 2011.
Leurs analyses, dévoilées ce mercredi 9 décembre, montrent qu'après une période de chômage, l'envie d'avoir un enfant et sa réalisation en sont le plus souvent retardées. Dans le cadre d'une étude sur les relations familiales et intergénérationnelles (Erfi) de grande ampleur, plus de 10.000 hommes et femmes ont été interrogés entre 2005 et 2011. Parmi eux, des couples ont été questionnés deux voire trois fois sur leurs projets de fécondité.
Au chômage, le premier enfant n'est pas la priorité
Sans surprise, les couples qui avaient déjà un premier enfant en 2005 et qui en désiraient un deuxième n'ont pas bousculé leurs projets. Depuis la naissance de leur aîné, ils pouvaient cocher la majorité des conditions à remplir avant de devenir parents (avoir terminé ses études, disposer d'un logement indépendant, être en couple stable). A l'inverse, pour les chômeurs sans enfants, interrogés en 2005, avoir un projet de fécondité à court terme faisait moins partie de leur projet que chez les actifs.
Pourquoi? D'abord parce que les chômeurs sont moins en couple que les actifs occupés. Lorsque les premiers sont en couple, que les deux personnes aient une activité professionnelle est une "condition nécessaire avant d'envisager de fonder une famille", expliquent les deux chercheurs. En effet, le chômeur n'a pas la même valeur selon le moment de la vie : en couple, avec enfant, les chômeurs ont statistiquement plus de chances d'avoir déjà travaillé, d'avoir droit aux allocations chômage, ce qui rend "le futur moins incertain", affirment encore Ariane Pailhé et Arnaud Régnier-Loilier.
Homme ou femme, le chômage n'a pas les mêmes conséquences
En revanche, les chômeurs qui disaient en 2005 souhaiter avoir un enfant dans les prochaines années ont moins souvent réalisé ce projet que les actifs occupés. 25% des personnes qui n'avaient pas d'enfant au début de la recherche et qui n'ont jamais cessé de travailler ont eu un enfant trois ans plus tard contre 8% des hommes et 6% des femmes qui ont vécu une ou des périodes de chômage sur la même période.
Évidemment, le chômage n'est pas le seul critère à prendre en compte pour expliquer la réalisation ou non d'un projet de grossesse. Cependant, les chercheurs ont remarqué que le lien entre expérience de chômage et calendrier de fécondité était confirmé pour les femmes. Pour les hommes, le problème se pose autrement. Si les chômeurs hommes sont moins nombreux à devenir père pour la première fois, c'est aussi parce qu'ils sont plus souvent célibataires. En effet, pour les hommes au chômage, la "mise en couple" est retardée.
Et cela est la preuve que le modèle de l'homme qui subvient aux besoins de son foyer fait encore figure de modèle. "Obtenir un emploi stable permet de disposer des ressources financières nécessaires à l'installation du couple, assurent les deux chercheurs. Être au chômage a moins d'effet sur la mise en couple pour les femmes, révélant que le modèle de l'homme principal pourvoyeur de ressources prévaut encore."
Concernant les effets du chômage sur la fécondité et le recul de l'arrivée du premier enfant, les travaux menés sur des périodes antérieures ont montré que lorsque la situation économique s'améliore, les naissances suivent.