POLITIQUE - Daech s'est vraiment donné du mal pour souffler dans les voiles du FN. Avec succès. Entre les attentats et la crise des réfugiés, le climat le porte, sans qu'il n'ait rien à faire. En revanche, qu'on cesse de nous rabâcher qu'il récolte les fruits de son positionnement ou de son "discours de vérité". Car rien n'est plus faux. Sur l'islamisme, le FN se trompe à la fois de diagnostic et de solutions, et depuis toujours.
Contre la loi sur le renseignement et le PNR
La lutte antiterroriste exige qu'on améliore notre renseignement pour pouvoir surveiller à distance les "fiches S" de radicalisés islamistes. Les députés et les sénateurs du FN ont voté contre la loi sur le renseignement.
La lutte contre le terrorisme exige qu'on mette en place un fichier européen permettant de suivre les trajets en avions des radicalisés. Le fameux PNR que le gouvernement vient enfin de faire acter au niveau européen. Le FN, lui, était contre.
La lutte contre le terrorisme exige enfin une meilleure coordination européenne des polices. Le FN ne croit pas à l'Europe et préfère qu'on se débrouille tous seuls, quitte à être encore plus dans le brouillard.
S'il parvenait un jour au pouvoir, il ne serait pas seulement inefficace contre le terrorisme, il serait aussi contre-performant sur le dossier des réfugiés. Puisqu'il refuse les interventions extérieures et souhaite le maintien au pouvoir de Bachar El Assad. Or c'est à cause de Bachar El Assad, et de Daech, que des Syriens se jettent à la mer pour venir sur nos côtes.
Si le risque de voir des terroristes voler des passeports syriens pour se faire passer pour des réfugiés existe, ces terroristes ne sont pas syriens mais français. Ils ont bien d'autres moyens d'entrer sur le territoire. Tourner le dos à l'asile ne nous protégerait pas du terrorisme. Il faut plus de contrôles européens et plus de renseignement. Or le FN prône l'inverse. Plus de xénophobie. Moins d'Europe et moins de renseignement.
Il est même opposé à la fermeture des sites incitant à la haine et au jihad, par peur qu'on ferme aussi des sites d'extrême droite. C'est pourtant la propagande de haine qui permet la radicalisation.
Un laïque de la vingt-cinquième heure
La meilleure réponse à l'islamisme, c'est la laïcité. Le Front national a beau vouloir récupérer ce thème porteur, c'est le parti le moins laïque de France. Ce sont ses réseaux qui ont organisé la première manifestation contre la loi sur les signes religieux à l'école publique de 2004. Bruno Gollnisch souhaitait même qu'on fiche les professeurs franc-maçons plutôt que d'interdire le voile et les signes religieux. A lire le dernier magazine de Daech, le groupe terroriste approuverait.
Quant à Florian Philippot, envoyé sur tous les plateaux de télévision pour faire écran, sa première déclaration hier soir a été pour défendre le concordat. C'est-à-dire la plus grosse entorse au principe de laïcité en France.
L'autre réponse à Daech, c'est la lutte contre l'antisémitisme et le racisme. Un domaine où le FN présente le plus grand nombre de candidats fort peu qualifiés. Comme Axel Loustau, un très proche de Marine Le Pen, le trésorier de son micro-parti, mis en examen, et qui vient du GUD. Ou Philippe Vardon, qui vient d'Unité radicale, du Bloc identitaire, d'un groupe de rock où l'on faisait le salut nazi, et qui sera bientôt élu en PACA grâce au FN.
Enfin, la meilleure réponse à l'intégrisme, c'est le féminisme. Or le FN est le parti le plus antiféministe de France. Marion Maréchal Le Pen et Louis Aliot ont été très clairs pour séduire La Manif pour tous. S'ils sont élus, ils supprimeront les subventions du Mouvement français pour le planning familial. Soit le mouvement qui œuvre le plus pour l'émancipation des femmes face à l'intégrisme, notamment dans les quartiers populaires.
Voilà la seule proposition concrète du Front national, qui n'a pas le début d'une idée efficace contre l'islamisme. À part tweeter des photos de crèches en cochonnailles. Pour masquer son incompétence et son impuissance.
Par haine et non par "amour des régions"
Florian Philippot a beau marteler que les électeurs du FN ont voté par "amour des régions", on aura du mal à trouver un électeur FN qui sache réellement ce que ce parti propose à l'échelle régionale. En matière de transport, de culture, de logement ou d'écoles. Leur programme non dit, c'est l'austérité, qu'il dénonce au niveau national, mais pratique au niveau local. Leur effet sera de faire fuir toutes les énergies, artistiques, cinématographiques, de fragiliser les enseignants du public et d'isoler leur région de tout relais national.
Quelle que soit l'incurie des élus locaux de droite ou de gauche, du Nord ou du Sud, rien ne justifie de voter pour un tel sabordage.
Et si on écoutait la colère de ceux qui ne votent pas FN ?
N'en déplaise aux sympathisants frontistes, qui ne supportent aucune critique, vous insultent et vous menacent si vous osez le faire, il est temps de dire franchement les choses. Ils nous trahissent.
Ceux qui votent pour l'extrême droite font le jeu des islamistes. Ils brisent la dynamique du 11 janvier. Ils salissent l'image de la France à l'étranger, au moment où nous avons besoin de convaincre le monde de faire coalition avec nous contre Daech.
Ils nous divisent. Ils nous démoralisent. Ils nous démobilisent. Ils nous font perdre un temps fou. Et nous obligent à nous battre sur deux fronts à la fois, quand nous avons tant besoin d'union pour résister ensemble à ceux qui nous menacent.
Rien que pour ces raisons, le vote du premier tour, s'il devait se confirmer le 13 décembre, serait une défaite terrible pour la France.
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