Les footballeurs français aiment s'expatrier. A tel point qu'en 2013, 306 joueurs portaient les couleurs de club étranger dans les championnats européens. Un record. Une envolée même par rapport à 2012 (+59%) où ils étaient déjà 272 à évoluer en dehors des terrains de Ligue 1. C'est l'une des principales conclusions du rapport annuel publié mardi 21 janvier par l'Observatoire du football du Centre international d'étude du sport (CIES) de Neuchâtel (Suisse). Cette étude démographique de grande échelle arrêtée au 1er ocotbre 2013 concerne 31 championnats de première division du continent européen, 472 clubs et un totale de 11 653 joueurs.
En 2009, lors de la première édition de son rapport, le PFPO recensait 247 joueurs français à l'étranger, soit une augmentation de 24 % en quatre ans. En 2013, la France dépasse la Serbie (211 exilés) et l'Argentine (195). Avec 471 joueurs en Europe, le Brésil reste le premier pays exportateur de football. Cependant, cette tendance s'atténue puisqu'en 2009, les Brésiliens étaient 538 dans les clubs européens.
« L'envolée des joueurs français pourrait se prolonger dans les années à venir, même si elle connaîtra un jour une stagnation, explique Raffaele Poli, directeur de l'observatoire du CIES. Les joueurs français restent une valeur sûre. Certains d'ailleurs vont vers des championnats à l'Est, ouverts à la main-d'œuvre, comme la Roumanie ou la Grèce. Aujourd'hui, on estime qu'on prend des risques supérieurs lorsqu'on recrute en Amérique latine et en Afrique. Il y a de plus en plus d'expatriés issus d'Europe occidentale et notamment de France, laquelle dispose de centres de formation très bien structurés. »
« Ce n'est pas un phénomène ponctuel, note François Blaquart, directeur technique national [DTN] à la Fédération française de football (FFF). Cela fait huit ou dix ans qu'on observe cette tendance. Cela reflète la bonne santé de la formation à la française. On reconnaît notre savoir-faire en la matière. On le voit à travers les résultats de nos équipes de jeunes. Il y a des raisons économiques à ces départs. Certains joueurs rejoignent l'Espagne ou la Premier League anglaise pour des raisons financières ou salariales. D'autres partent car ils n'ont pas leur place en Ligue 1 ou en Ligue 2. »
MIGRATION « ASCENDANTE » ET « DESCENDANTE »
Ce constat est partagé par Raffaele Poli, qui fait la distinction entre la « migration descendante » et l'« ascendante ». Pour résumer : d'une part, les joueurs médiocres en quête d'un meilleur emploi ; de l'autre, les bons en quête d'un meilleur plan de carrière. « C'est en Belgique que se concentre le plus grand nombre d'expatriés français, soit 52, pointe le directeur de l'observatoire. On y trouve les joueurs qui n'ont pas réussi à s'installer durablement en Ligue 1 et qui cherchent à se relancer chez le voisin. » Pour des raisons diamétralement opposées, 49 exilés tricolores ont choisi d'officier en Premier League anglaise. Ce qui en fait la deuxième terre d'asile la plus prisée des expatriés français.
L'exode massif des joueurs tricolores peut être analysé de « deux façons », selon Raffaele Poli.
« Ce n'est pas tout noir ou tout blanc. On ne peut avoir une vision manichéenne. Cela peut être quelque chose de réjouissant dans un contexte où les clubs français n'ont pas les moyens de retenir leurs meilleurs joueurs. C'est un bon indice de santé pour la formation française. Les clubs étrangers cherchent des joueurs français. Après, on peut avoir un point de vue inverse et se dire qu'il y aurait plus de spectacle si les joueurs avaient le temps de mûrir ici. Je prends comme exemple le 5-0 infligé à Nantes par le PSG. C'est par ailleurs un bon signe pour les Bleus qui, comme lors de leur victoire lors du Mondial 98, comptent beaucoup de joueurs évoluant à l'étranger. »
« En 1998-2000, on pensait que ces départs à l'étranger bonifieraient l'équipe de France. Est-ce qu'ils facilitent aujourd'hui le travail du sélectionneur qui cherche à créer une osmose ? Je me pose la question », s'interroge François Blaquart.
Frédéric Bulot a commencé sa carrière professionnelle avec deux descentes en Ligue 2, le Stade Malherbe de Caen, et l’AS Monaco l’année d’avant. En 2012, il signe au Standard de Liège pour jouer le titre.
LES DÉFENSEURS FRANÇAIS RECHERCHÉS
Parmi les nombreuses statistiques du rapport, celle qui concerne la répartition des expatriés français par postes. Plus d'un tiers (37,6 %) des exilés officiaient comme défenseurs. Soit une surreprésentation dans ce compartiment du jeu à l'aune du ratio (30,6 %) obtenu pour les expatriés pris dans leur globalité. « On voit que ce n'est pas un désavantage pour les Français d'être défenseurs, puisqu'ils représentent 4/10 des joueurs à ce poste, glisse Raffaele Poli. Parmi les grands championnats européens, la Ligue est celui où l'on marque le moins. Il y a une expertise au niveau défensif, c'est gage de sérieux. » En revanche, les candidats tricolores au poste de gardien de but restaient peu nombreux (4,9 %) sur les pelouses européennes.
Si 20 % des joueurs qui évoluaient en Ligue 1 au 1er octobre 2013 émanaient directement des centres de formation des clubs de l'Hexagone, le championnat de France comptait 27 % de recrues étrangères. Alors que les ressortissants africains demeuraient la zone d'rigine la plus représentée parmi les joueurs expatriés (34%) en France, le Brésil restait le pays qui fournissait le plus de joueurs (21) à la Ligue 1.
« Les équipes du championnat de France n'ont plus vocation à attirer les meilleurs joueurs, à part le PSG et Monaco, qui ont les moyens de recruter des cracks. Les clubs misent davantage sur une politique de formation. Il y a 54 % d'expatriés en Italie. Ce qui ne veut rien dire de la qualité du championnat. Actuellement, la Serie A n'est pas meilleure que la Ligue 1 », observe Raffaele Poli.
Dernier élément notable du rapport, l'Espagne a connu une vague croissante de départs depuis cinq ans. « Les effets de la crise du football ibérique se font sentir », précise le directeur de l'observatoire. En 2013, 178 joueurs espagnols évoluaient à l'étranger. Ils n'étaient que 57 en 2009.
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