Depuis le début de laCOP21, l’Union européenne est sous le feu des critiques : manque de leadership, positions floues et timorées, interventions minimalistes lors des séances plénières... Une position perçue comme faible par les observateurs, qui s’explique par des divergences entre les Etats membres. En particulier avec la Pologne. Explication.

"L’Union européenne préconise l’ambition, mais pour cela elle a besoin de leadership. Ce qui suppose de parler d’une même voix forte. Elle ne le fait pas pour le moment", dénonce ainsi Miriam Dalli, députée au Parlement européen pour le groupe de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates. Elle est présente au Bourget en tant que membre de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Et ce qu’elle observe ne lui plaît pas : "Je m’inquiète de voir certains membres de l’Union européenne afficher une ambition minimaliste dans ces négociations, en particulier la Pologne".
Or, il faut bien comprendre que l’Union européenne s’apparente à "une mini enceinte des Nations unies", souligne Jennifer Morgan du World Resources Institute (WRI), qui suit les négociations depuis une vingtaine d’années. A l’instar de l’ONU, l’UE doit gérer les antagonismes au sein de son groupe par la recherche de compromis. Jusqu’à présent, elle n’a pas été capable d’adopter une position ambitieuse. Et la coupable est clairement désignée : "au sein de l’Union européenne, c’est la Pologne qui freine", observe-t-elle. 

Le mouton noir de l’UE



La Pologne reste encore très dépendante de l’exploitation du charbon. Selon Tobiasz Adamczewski, expert climat et énergie à WWF Pologne. Ce sont environ 100 000 emplois directs -et 300 000 de manière indirecte – qui dépendent directement du secteur. Actuellement, le pays produit environ 72 millions de tonnes de charbon – contre 195 millions de tonnes dans les années 80 – qui couvrent 58 % de la consommation énergétique du pays. Alors, pas de mystère : "la lutte contre le réchauffement climatique est perçue comme une grande menace par le secteur minier", poursuit l’observateur.
Et politiquement, le secteur minier pèse lourd en Pologne : "Les mineurs sont très bien organisés et bénéficient d’un important relais dans la sphère politique polonaise". Qui elle-même dépend du secteur : l’État détient d’importants actifs dans les entreprises énergétiques du pays. Là bas, le mouvement du désinvestissement des énergies fossiles, qui commence à faire tâche d’huile dans le monde, ne fait pas recette : près de 2,5 millions de salariés polonais détiennent un plan retraite dont le financement est assuré à 16 % par la rentabilité des énergies fossiles. 
Une interdépendance préjudiciable aux ambitions climatiques de l’Union européenne. Essuyées d’un revers de la main à Varsovie : "j’estime que la Pologne devrait dépendre du charbon, parce que c’est une ressource dont nous disposons abondamment", déclarait il y a encore quelques jours Jerzy Buzek, le président – polonais- de la Commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie au Parlement européen, dans une interview à Euractiv. Il lui est visiblement difficile de tourner le dos à ses anciens électeurs : Jerzy Buzek a été Premier ministre de la Pologne de 1997 à 2001 puis il a occupé la présidence du Parlement européen de 2009 à 2012.

"La critique est facile"



Résultat de ces divergences européennes ? La formulation portée par la Pologne de "neutralité climat" en opposition aux termes de "décarbonation" ou de "neutralité carbone" préconisés par des pays comme la France ou l’Allemagne. "L’intention de la Pologne peut être interprétée comme une porte laissée ouverte pour une exploitation la plus longue possible du charbon (et bloquer le développement des énergies renouvelables, ndlr)", explique Tobiasz Adamczewski.
Mais quand on interroge Sarah Blau, la négociatrice de l’UE, elle réfute ces critiques. L’Union ne soutient-elle pas la revendication des pays en développement de contenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5°C? Cela signifie en effet que l’UE est favorable à un plan d’actions (financier et technologique) en faveur des pays les plus vulnérables plus ambitieux que le consensus actuel qui place le seuil à 2°C. Par ailleurs, l’UE et 79 pays d’Afrique, du Pacifique et des Caraïbes ont créé ce mardi une nouvelle alliance appelant à un "accord ambitieux et juridiquement contraignant, inclusif, équitable et révisable tous les cinq ans".
"La critique est facile. L’Union européenne joue un rôle de médiateur entre les pays développés et en développement. Et ce travail ne pourrait se faire si justement l’UE ne disposait pas de leadership", rétorque ainsi Sarah Blau.

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