“Les résultats officiels du référendum ont été annoncés le 18 janvier. La participation a été de 38,6 % et le oui l’a remporté à 98,1 %”, écrit Amr Al-Showbaki, éditorialiste d’Al-Masri Al-Youm. “Ce score énorme s’explique par le boycott de ceux qui étaient contre le référendum”, ajoute-t-il.

De là à dire que les 61,4 % d’abstentions doivent être considérés comme autant de voix pour le non, il n’y a qu’un pas. Mais si l’universitaire qui a lui-même participé à la Constituante ne le franchit pas, il s’inquiète : “Est-ce que cette déferlante du oui n’est pas dangereuse ? Est-ce que cela permet de fonder un nouveau régime qui aurait la confiance de 98 % de la population ? Il est évident qu’un tel score ne doit pas se reproduire au bénéfice d’un parti ?” Et de conclure : “La déferlante du oui doit aboutir à la construction d’un régime politique pluraliste, et non pas d’un régime totalitaire qui parlerait d’une seule voix et ne représenterait qu’une seule vision.”

Le retour d’anciennes figures

Fahmy Al-Howeïd, dans Al-Shorouk, souligne que le taux de participation des jeunes a été encore plus bas, à savoir de 16 % seulement : “Les jeunes auraient boycotté le référendum en raison des attaques [des médias] contre la révolution du 25 janvier 2011.” Il dénonce également “le retour d’anciennes figures du régime Moubarak”, ainsi que “d’autres pratiques rappelant un sinistre passé, qui donnent aux jeunes l’impression d’être les dindons de la farce depuis le 30 juin”, date des manifestations monstres contre les Frères musulmans, qui avaient pavé la route aux militaires pour destituer le président Mohamed Morsi et revenir au pouvoir. Or désormais le risque de se couper de la jeunesse révolutionnaire “inquiéterait les autorités, et les chaînes de télévision privées auraient été priées de cesser ces campagnes de dénigrement de la révolution.”

Quant au site d’information Al-Badil, il note qu’il y a eu “trois référendums constitutionnels depuis la révolution” : en mars 2011, à propos des modifications proposées par le pouvoir militaire de transition, en décembre 2012 pour voter la Constitution proposée par les Frères musulmans, et les 14 et 15 janvier pour adopter la Constitution proposée par les nouvelles autorités.

“Chaque fois, il s’agissait en réalité de simplement modifier la Constitution de 1971, sans que rien ne change sur le fond”, déplore le site. “Chaque fois aussi, le pouvoir du moment a affirmé que le résultat a été clair et net et lui conférait une légitimité incontestable.”

“Quatre blocs politiques”

Or en réalité chaque référendum a simplement confirmé la persistance de “quatre blocs politiques”. Les deux premiers sont les islamistes (Frères musulmans) d’un côté, les adeptes de l’ancien régime de Moubarak de l’autre. Ils sont “très minoritaires”, mais tous les deux “veulent faire croire qu’il représente la majorité des Egyptiens”.

“Troisièmement, il y a le bloc majoritaire qui vote toujours oui en espérant que cela lui apportera la tranquillité et la stabilité”, poursuit le site. “Et finalement le quatrième bloc, ce sont les jeunes et les forces révolutionnaires. Or ils s’abstiennent généralement, puisque tous les pouvoirs qui se sont succédé depuis la révolution ont plus ou moins tendu la main à la réaction antirévolutionnaire. Cette abstention n’a cessé d’aller en grandissant, pour atteindre cette fois-ci un seuil particulièrement élevé.”

Et de conclure : “L’équation politique est très simple. Les élites gouvernantes dans plus d’un pays y ont été confrontées avant d’être contraintes, tôt ou tard, de faire les concessions nécessaires [aux revendications révolutionnaires] afin de créer les conditions d’une vraie stabilité. A force de retarder l’échéance, les explosions populaires se répètent et deviennent chaque fois plus graves.”