Les deux actrices de "La Vie d'Adèle", Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, décrivent dans un entretien publié aux Etats-Unis, le tournage "horrible" du film, Palme d'or à Cannes, assurant qu'elles ne travailleraient "plus jamais" avec le réalisateur Abdellatif Kechiche.

Les deux actrices de La Vie d'Adèle, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos. A l'époque, elles triomphent à Cannes. Aujourd'hui le film est interdit d'exploitation, sur plainte de l'association d'extrême droite Promouvoir.

afp.com/Valéry Hache

La Palme d'or 2013, La Vie d'Adèle d'Adellatif Kechiche, n'a plus droit, à ce jour, d'être diffusé sur grand écran. A l'origine de cette décision, une plainte de l'association Promouvoir, qui a obtenu gain de cause devant la Cour administrative de Paris: le visa d'exploitation du film est annulé, alors qu'il n'était jusque-là qu'interdit aux moins de 12 ans avec avertissement.

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Tout sauf anecdotique

Selon une source au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), "le long-métrage devra [donc] repasser devant la Commission de classification, qui pourra aller dans le sens de la décision de justice et interdire le film aux moins de 18 ans. Après quoi, la Ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, choisira de suivre ou pas cet avis."

Fleur Pellerin a déjà laissé entendre son courroux devant ce rebondissement aberrant. Le film devrait donc rapidement essuyer cet affront. Par ailleurs, il y a bien longtemps que La Vie d'Adèle n'est plus exploité en salles.

L'accroc est pourtant loin d'être anecdotique. "Cela prouve que la connerie avance à grand pas, s'agace Michel Hazanavicius, réalisateur de The Artist et président de l'Association des réalisateurs producteurs (ARP). Il y a quinze ans, ce verdict serait passé pour un dysfonctionnement qu'on peut réparer. Aujourd'hui, dans une France qui vote en masse Front national, ce n'est pas un épiphénomène. Le dysfonctionnement se généralise, car les gens qui devraient empêcher ces décisions débiles ne font plus leur travail". "J'ai entendu l'autre jour cette phrase très juste, conclut-il: 'Pour que le Mal gagne, il suffit que le Bien ne fasse rien'".

"Un lien manifeste entre homosexualité et pédophilie"

Cette référence aux résultats du scrutin du week-end dernier n'est pas incongru. Le fondateur de l'association Promouvoir (dont un des buts est de "promouvoir les valeurs judéo-chrétiennes") n'est autre qu'André Bonnet, candidat à la botte de Bruno Mégret (MNR) aux Municipales en 2001, la même année où il déclarait sur le plateau de l'émission Ciel mon mardi! qu'il y a "un lien manifeste, une corrélation statistique, entre homosexualité et pédophilie". La messe était dite. Le débat portait alors sur Baise moi, de Virginie Despentes, menacé à cause de scènes de sexe explicites d'une infamante classification X -réservée aux films porno.

Un décret avait alors été pris, créant une interdiction aux moins de 18 ans (en plus de celles aux moins de 12 et aux moins de 16 ans). "C'était plutôt malin à l'époque, confie-t-on au CNC. Cela n'interdisait pas l'exploitation en salles, ni même les passages télé."

La pertinence de ce décret n'est pas en cause, mais ceux qui l'appliquent devraient avoir plus de poids. "Il faut donner plus de légitimité à la Commission de classification, composée de représentants du cinéma, de l'éducation, de la famille, etc. pour éviter une judiciarisation de ses décisions, avance-t-on encore au CNC. Le ministère de la Culture travaille en ce sens et devrait proposer au mois de janvier un aménagement au décret de 2001."

Haut les coeurs et vent debout! Au cinéma, le Bien triomphe (presque) toujours du Mal. Espérons que dans la vraie vie aussi.

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