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Reportage

A Hayange, «le FN, c’est une petite dictature»

Les élus FN à la loupedossier
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Dans la ville de Moselle, Fabien Engelmann, de plus en plus isolé, cumule gestion calamiteuse et règne de la terreur.
par Noémie Rousseau, Correspondante à Strasbourg
publié le 9 décembre 2015 à 20h36

Hayange, en Moselle, c’est cette ville où se dressent les hauts-fourneaux éteints, rappelant les promesses non tenues de la gauche et de la droite. Cette ville conquise en 1995 par le socialiste Jean-Pierre Masseret (tête de liste dissidente de la gauche pour la région), qui refilera deux ans plus tard le fauteuil à Philippe David pour rejoindre le gouvernement.

Hayange, c’est cette ville où la gauche a refusé de se désister au second tour des municipales 2014 au profit du candidat UMP. La victoire est allée au FN Fabien Engelmann. Le lendemain de son élection, on se souvient lui avoir trouvé un air mal assuré, presque vacillant sous le poids de l’écharpe. Au QG de campagne, son équipe riait à gorge déployée, des petites gens, des employés, coiffeuses, ouvriers, mères au foyer, chômeurs, étudiants, retraités, un sosie de Johnny, un autre d’Eddy Mitchell… Des oubliés qui s’engageaient pour le FN parce qu’ils avaient tout essayé. Et puis, ils se sont tous déchirés.

Anxiolytiques. Le premier été, la première adjointe, Marie Da Silva, brandit les comptes de campagne frauduleux. Elle entraîne avec elle toute une partie de la majorité. L'été suivant, nouvelles magouilles de campagne mises au jour (pour les législatives 2012), nouveau premier adjoint à la porte. Les cadres aussi sont partis ou se sont fait virer. Le déficit de compétences se creuse à mesure que la majorité autour d'Engelmann se rétrécit. Aujourd'hui, la clique de dissidents milite pour les régionales avec un seul mot d'ordre : faire barrage au FN. «A ceux qui seraient tentés de voter FN, je tiens à rappeler que vivre sous le FN, c'est une petite dictature», confie un habitant.

Ce qui a changé dans le quotidien ? Presque tout le monde a peur. Peur de parler, peur d'être vu avec une personne qui n'a plus les grâces du maire, peur d'être relégué, stigmatisé. Vingt et un mois que les délégués du personnel municipal racontent le «climat de terreur». Un syndicaliste avoue être sous anxiolytiques à force de recevoir des collègues en pleurs. L'autre jour, l'un d'eux l'a appelé, il allait se suicider sur son lieu de travail.

Après le bureau capitonné anti-espionnage du maire, une porte blindée avec digicode est en projet pour accéder aux bureaux du premier étage. La maison du peuple se bunkerise. Toute personne gênante est sortie manu militari du conseil municipal. Plusieurs adjoints ne viennent même plus en mairie. Sur Facebook, la vulgarité semble n’avoir aucune limite. Sur plusieurs vidéos, on voit des adjoints venir régler leur compte avec des opposants au pied des immeubles. Cinq adjoints hayangeois figurent en bonne place sur la liste de Florian Philippot. Il se murmure qu’une fois élu conseiller régional, Engelmann pourrait faire démissionner le conseil municipal devenu ingérable.

Les rois mages. Le point d'orgue de la prochaine saison culturelle sera un concert du sosie d'Elvis. Et un parking est en projet. «A part faire des économies, l'équipe ne fait pas grand-chose», lâche un agent. Un coup de balai, un coup de peinture. Reste les provocations. Comme la crèche géante sur le parvis de la mairie où les rois mages sont tous blancs comme neige. Et la Vierge en bleu blanc rouge. Mercredi, un goûter de Noël pour les enfants pauvres était organisé par le Secours populaire, les Restos du cœur et le centre d'action sociale. «Engelmann a décidé que seuls pourraient venir ceux dont les parents touchent les minima sociaux, donc exit les migrants ! On y va quand même parce qu'on ne veut pas abandonner le terrain», explique Anne Duflot-Allievi, présidente du secours populaire, dont la subvention est passée de 2 700 euros à 500 euros. En 2014, Engelmann a été élu avec 34 % des voix. Dimanche dernier, la liste Front national a fait 45,9 %. Mais entre les deux, le maire a perdu 300 électeurs, soit 6,5 % des voix.

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