Le journal économique Vedomosti s’est procuré une copie d’un projet de loi restreignant l’utilisation des messageries instantanées en Russie. Le texte, dont le quotidien rapporte les grandes lignes, prévoit une série de modifications dans la législation actuelle sur l’information et la communication, et vise “les services de transmission de messages textuels, vocaux et graphiques”. D’après les professionnels du secteur interrogés par le journal, cette formulation vague concerne en premier lieu les messageries instantanées des services tels que WhatsApp, Viber ou Skype, mais “il n’est pas exclu que les réseaux sociaux, qui permettent également d’échanger des messages, tombent eux aussi sous le coup de la nouvelle loi”, précise le journal.

D’après le texte, les compagnies qui développent ces logiciels devront établir un contrat avec les opérateurs de téléphonie locaux, mettre fin à l’anonymat de certains utilisateurs et rendre des comptes au Roskomnadzor, le service fédéral de surveillance de télécommunications, d’Internet et des médias, qui dépend du ministère russe des Télécommunications. C’est le Kremlin qui serait à l’initiative de ce projet de loi, précise une source anonyme du journal : “Roskomnadzor a été chargé de cette mission par l’administration présidentielle, qui insiste sur la nécessité de réguler ces services en raison de la situation géopolitique complexe.”

Les messageries dans une zone grise

Dans un autre éditorial, Vedomosti rappelle que les services secrets russes cherchent depuis longtemps le moyen de contrôler les messageries. “En 2013, Skype avait livré ses clés de chiffrage au FSB, tandis que les autres messageries avaient refusé de collaborer.” 

Les messageries sont actuellement dans une zone grise, estime un collaborateur des télécoms, contrairement aux opérateurs de téléphonie qui ont dû depuis longtemps installer sur leurs serveurs le système Sorm [Système pour activité d’enquête opératoire], permettant aux services de renseignement intérieur d’écouter les communications par téléphone et sur Internet. “Il s’agit d’une tentative d’appliquer le système Sorm aux messageries”, met en garde un cadre dirigeant chez un fournisseur d’accès à Internet, qui risque de “limiter aussi bien la circulation libre des informations que la concurrence sur ce marché”.

Pour l’heure, le porte-parole du Kremlin a démenti toute tentative de restreindre le fonctionnement des services de messagerie en Russie, lit-on sur le site du journal RBC Daily, tout en admettant qu’“un travail approfondi sur le sujet est en cours”.