Depuis un mois, Marion Maréchal-Le Pen et Marine Le Pen ont accumulé les points de "friction". Ici la députée du Vaucluse et la présidente du FN, le 7 décembre 2015.

Dans la presse internationale se dessine un portrait en filigrane de Marine Le Pen et de Marion Maréchal-Le Pen. Leur rivalité supposée fascine. (Photo d'illustration)

AFP/ANNE-CHRISTINE POUJOULAT

"Glamour, "star montante de la politique", "audacieuse", "Jeanne d'Arc": autant de qualificatifs employés pour qualifier Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen dans la presse internationale. Avant le second tour des élections régionales, c'est un portrait des deux femmes qui se dessine en filigrane.

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"Que des élections locales intéressent autant à l'étranger est étonnant. Les autres pays semblent inquiets de l'issue du second tour. Car la progression du FN a été fulgurante ces cinq dernières années", constate Christèle Marchand-Lagier***, chercheur en science politique. Points de vue de spécialistes du Front nationalsur cette couverture médiatique plus axée sur la forme que sur le fond.

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Poster girl

"Jeune, glamour, puissante et dangereuse": les photos de la députée du Vaucluse illustrent plusieurs articles consacrés au Front national, dans lesquels elle est pourtant à peine évoquée. C'est le cas de CNN ou encore de The Independent. À l'étranger, Marion Maréchal-Le Pen fait presque office de porte-drapeau du Front National.

Elle est d'ailleurs surnommée "Poster Girl"- la "mannequin" en français- par le Dailymail et également par la BBC, qui rappelle qu'elle était déjà photographiée dans une campagne de son grand-père à deux ans. "Le fait qu'une jeune femme de cet âge soit députée impressionne les médias étrangers, indique Cécile Alduy**, Professeure de littérature française à la prestigieuse Stanford University. Le contraste avec la caricature ancienne du Front national, représenté par Jean-Marie Le Pen, est d'autant plus frappant lorsque l'on s'en tient à l'image".

Marion Maréchal Le Pen, en "bébé Cadum", et son grand-père posent pour une affiche électorale, en 1992.

Marion Maréchal-Le Pen, en "bébé Cadum", et son grand-père posent pour une affiche électorale, en 1992.

© / Capture d'écran

La BBC titre même son article sur l"offensive de charme" de Marion Le Pen. Le quotidien francophone libanais L'Orient Le Jour qualifie de son côté les deux femmes "d'égeries" de l'extrême droite. "Ces termes ne me surprennent pas, explique Mariette Sineau*, directrice de recherche CNRS au CEVIPOF (Centre de Recherches Politiques de Sciences Po). En France comme à l'étranger, les journalistes n'ont que trop tendance, lorsqu'ils parlent des femmes politiques, à reproduire les stéréotypes sexués les plus traditionnels. Ils désignent celles-ci avec des qualificatifs qui les renvoient encore et toujours au corps, aux émotions ou à la passion. Ce qui revient à les nier comme actrices politiques à part entière. Les mêmes termes étaient déjà employés pour désigner Ségolène Royal, la candidate socialiste à la présidentielle en 2007".

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Une stratégie médiatique?

Est-ce une stratégie assumée de la part des leaders du FN? Jouent-elles de leur image? "La vision présentée par les médias étrangers notamment est une interprétation "psychologisante" un peu limitée, comme si la beauté adoucissait les moeurs. Ce n'est pas du tout le cas. Lorsque Marine Le Pen a pris la direction du Front national en 2011, elle a eu droit aux mêmes remarques. On en oublierait presque que le programme du FN n'a pas pourtant pas changé depuis l'époque Jean-Marie Le Pen."

Pour Christèle Marchand-Lagier, le FN instrumentalise sciemment cette image des deux femmes. "Il y a une vraie stratégie médiatique. Par exemple, sur son site personnel, au-delà de la campagne des régionales, Marion Maréchal Le Pen possède une galerie de photos où elle prend la pose". remarque-t-elle. Les Le Pen répondraient ainsi à "une attente médiatique par une mise en scène". "Elles sont de vraies objets médiatiques", ajoute-elle

Sur le site de Marion Maréchal-Le Pen, on retrouve un album photo où elle prend la pose

(Capture d'écran)

© / Site officiel de Marion Maréchal-Le Pen

Rivalité calculée?

Le lien familial et personnel entre ces personnalités politiques fascinent aussi les observateurs étrangers. Comme en France, les journalistes les comparent. Mais ils s'intéressent plus au style des deux femmes et à leur rivalité qu'à leurs programmes. "Au-delà des différences programmatiques qui les opposent : le ton de Marion Maréchal-Le Pen est plus calme et froid que celui de sa tante", commente Mariette Sineau. " Plus "neutre" pour Sylvain Crepon, chercheur à l'université de Nanterre et spécialiste de l'extrême-droite, '"elle n'est pas dans la provocation de son grand-père, qui aimait cristalliser les passions, les peurs et les haines. Mais sur le fond, elle en est très proche".

Pour L'Orient le jour, Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen sont opposées. La première est la "chef de guerre", quand la seconde est "la jeune pousse". Beaucoup imaginent la prochaine lutte entre elles et spéculent. Pour le quotidien argentin Clarin, la cadette, aussi surnommée "la princesse la plus authentique du népotisme FN" et "nouvelle darling de l'extrême droite", "n'hésitera pas à débarquer sa tante. [Elles] font équipe jusqu'à ce que Marion n'ait plus besoin de Marine."

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Pour The Australian, qui reprend une dépêche de l'AFP, Marine Le Pen est la "pragmatique" et Marion Maréchal-Le Pen "l'idéologue". Une observation qui diffère de celle du sociologue Sylvain Crepon. "Elles se partagent les registres et se retrouvent sur les grandes idées du parti, le socle fondamental. Elles sont, toutes les deux, pragmatiques. Leurs différences ne s'appuient pas sur un conflit, mais permettent d'embrasser un spectre électoral plus large". Cette "rivalité" crée du suspens, une attente des médias. "Cela correspond au format médiatique," pointe Christèle Marchand-Lagier. Un "fantasme total" pour Sylvain Crepon: "Nous sommes tributaires de la stratégie de "dédiabolisation" du FN", poursuit-il.

Comparaison n'est pas raison?

L'intérêt pour la famille Le Pen n'est pas nouveau à l'étranger. On se souvient de l'entrée de Marine Le Pen dans le classement des 100 personnalités les plus influentes du Time. Le magazine allemand Der Spiegel, qui a aussi suivi longuement Marine Le Pen rappelle que les deux femmes ont aussi le même prénom. Si Marine Le Pen s'est toujours fait appeler Marine, ses prénoms sont Marion Anne Perrine.

Seuls The economist, le New Yorker et le New York Times établissent des liens entre le controversé Donald Trump, candidat à la primaire républicaine aux Etats-Unis et Marine Le Pen.

Le Britannique The Economist prend sa une sur Donald Trump, côte à côte avec le Président hongrois Victor Orbán et... Marine Le Pen, titrant Playing with the fear- en français jouant avec la peur.

Le New Yorker titre, quant à lui, Donald Trump Is Now America's Marine Le Pen - en français "Donald Trump est aujourd'hui le Marine Le Pen des Etats-Unis". Les Le Pen, plus vues qu'entendues? "Aux Etats-Unis cela tient bien sûr d'abord à l'obstacle de la langue, précise Cécile Alduy. D'autre part au fait que les questions de laïcité ne sont pas comprises à l'étranger, et que le discours conservateur est encore plus violent que celui de Marion Maréchal Le Pen, du coup elle choque moins".

Au vu de la progression du Front national dans le paysage politique français, la renommée internationale de Marine Le Pen et de Marion Maréchal-Le Pen devrait se confirmer. Les journalistes étrangers s'intéresseront probablement davantage au programme du parti d'extrême droite qu'à ses figures de proue.

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