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COP 21: un nouveau brouillon pour la dernière ligne droite

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A moins de 24 heures de l'adoption espérée, une nouvelle version intermédiaire de l'Accord de Paris a été mise sur la table jeudi soir.
par Isabelle Hanne
publié le 10 décembre 2015 à 23h10

Après une longue nuit de négociations jusqu'à 5 heures du matin jeudi, et moins de 24 heures avant l'adoption espérée de l'Accord de Paris, un nouveau texte intermédiaire a été mis sur la table dans la soirée. Rabotté de deux petites pages (27 au lieu de 29), mais surtout doté de beaucoup moins de crochets: une cinquantaine au lieu de plus de 350. La preuve que des choix ont été faits. «Nous avons réalisé ces choix quand on a vu que des compromis étaient possibles», a indiqué Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et président de la COP21, ce jeudi soir en Comité de Paris, instance créée en début de semaine et qui se réunit au moins une fois par jour.

Les mêmes points de blocage

«Ça a été une longue nuit de travail, a reconnu Laurent Fabius. Mais ça nous a permis d'avancer.» Les mécanismes de transparence, de transferts de technologie, et certains articles purement techniques et juridiques ont déjà été envoyés pour traduction et vérification par les experts de la Convention. Quelques options ont été tranchées, pour le meilleur ou pour le pire. La date de première révision à la hausse des ambitions de réduction d'émissions de gaz à effet de serre des états, responsables du changement climatique, semble bien tardive (2019), alors que pour l'instant, l'addition de ces contributions nationales nous met sur une trajectoire de 3°C environ d'augmentation des températures. Le financement pré-2020 ne met toujours pas de chiffre sonnant et trébuchant sur la table.

Parmis les points durs, donc, toujours les mêmes blocages: la différenciation, la finance ou encore l'ambition de l'accord, gardent des options contrastées, «qui ne laissent d'autres solutions que d'avoir une discussion finale, a insisté Fabius. Le compromis implique par nature de renoncer à quelque chose pour soi, dans le but d'atteindre ce qui est souhaitable pour tous.»

Côté thermomètre, le texte a choisi une formulation un peu alambiquée: il vise le maintien des températures globales «bien en-deçà de 2°C par rapport à l'ère préindustrielle, et de poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation des températures à 1,5°C, reconnaissant que cela réduirait significativement les risques et les impacts du changement climatique». L'objectif de long terme semble pour l'instant au rabais. Pas de proposition chiffrée de réduction des émissions de GES, mais «un pic d'émissions de gaz à effet de serre le plus tôt possible», et l'objectif «d'atteindre la neutralité des émissions de GES dans la seconde moitié du siècle». Pour Jennifer Morgan, du think tank américain WRI, cet objectif donne cependant «un signal assez clair, notamment pour le secteur privé et les investisseurs».

Ni prix du carbone, ni compensation

En revanche, sur le financement post-2020, date d'entrée en vigueur de l'accord, «la formulation est ambitieuse», note Matthieu Orphelin, porte-parole de la Fondation Nicolas Hulot. Les 100 milliards de dollars par an promis par les pays développés aux pays du Sud en 2009 à Copenhague pour les aider à faire face aux impacts du changement climatique, figurent bien dans le texte, et sont considérés comme un plancher, avec des cycles de révision à la hausse. Idem pour les pertes et préjudices, qui désignent les impacts économiques des événements extrêmes (typhons, précipitations exceptionnelles…) ou aux effets plus lents mais tout aussi dévastateurs (désertification, acidification des océans…), causés par le changement climatique dans les pays en développement, que les efforts en matière d'adaptation ne peuvent éviter. Ils conservent pour l'instant un article à part entière dans ce brouillon, avec plusieurs options de formulation. Notamment une qui reconnaît l'importance de cette notion, mais... empêche tout mécanisme de compensation.

La notion de prix du carbone a quant à elle disparu, après avoir fait une apparition dans la précédente mouture du texte. «Hier, seuls deux pays, l'Arabie saoudite et le Venezuela se sont exprimés contre le prix du carbone, insiste Orphelin. C'est inadmissible qu'ils aient gain de cause, alors ce prix du carbone, sous la forme de quotas ou de taxe, est un outil efficace pour lutter contre le réchauffement climatique.»

Réunion zouloue et marathon

Pour Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, «Rien n'est fixé avant la clôture de la conférence, mais ce qui est sur la table n'est tout simplement pas à la hauteur.» «Ça n'est qu'une proposition de texte et non le texte final, tempère Matthieu Orphelin. Tout va se jouer avec la réaction des pays, cette nuit.» Les négociateurs ont deux heures pour «digérer le texte», selon les mots de la patronne de la Convention, Christiana Figueres. Ils vont en effet se retrouver, dès 23h30 et pour une bonne partie de la nuit, en «réunion Indaba» à huis clos. Ce terme zoulou, utilisé pour décrire des réunions entre chefs de communautés pour apprendre à se connaître et à avancer, est entré dans le jargon des négociations climat lors de la COP sud-africaine de Durban, en 2011. Laurent Fabius, vaillant malgré le manque de sommeil, a même appelé sans rire la réunion de ce soir «l'Indaba des solutions». Le chef de la diplomatie française attend toujours l'adoption de l'accord vendredi soir, même si «comme dans un marathon, ce sont les derniers mètres les plus compliqués.»

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