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SYRIE

Des rebelles syriens détournent la com’ de l’EI "pour montrer la différence entre résistants et criminels"

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Des prisonniers en combinaisons oranges enchaînés par des combattants cagoulés, puis conduits dans un endroit isolé sur fond de chant religieux…Un groupe de rebelles syriens a produit une vidéo où il détourne les codes de communication de l’organisation État Islamique. Leur message : on peut combattre le régime syrien sans sombrer dans la barbarie.

Al-Jabha al-Shamiya (Front du Levant) est un groupe de rebelles syriens affilié à l’Armée syrienne Libre (ASL), qui combat depuis plusieurs mois l’EI au nord de la province d’Alep.

Le groupe a diffusé lundi 7 décembre une vidéo où sont mis en scène des prisonniers de l’EI. Effets spéciaux, images haute résolution, montage nerveux et scénario calibré : la vidéo reprend les techniques de mise en scène utilisées dans les vidéos de propagande de l’EI.

Au début, les prisonniers en combinaisons orange sont guidés à travers les couloirs sombres d’une prison, puis interrogés dans une pièce obscure. A l’instar des vidéos de l’EI, les prisonniers sont ensuite interrogés face caméra sur un fond sombre.

Le premier prisonnier, un jeune de 19 ans originaire de Deir Ezzor, "avoue" avoir creusé plusieurs charniers dans la région de Chaïtat. Le deuxième détenu, Mohamed Ali Al-Kalaf, 17 ans, affirme avoir travaillé comme vigile devant les QG de l’EI à Manbij, dans la province d’Alep. Il indique en outre que l’émir qui commandait sa section vendait du pétrole dans les régions contrôlées par le gouvernement syrien. Abderrahmane Mabsout, un Marocain de Casablanca âgé de 27 ans, dit lui "ignorer que les combattants de l’ASL sont musulmans". Âgé de 15 ans seulement, le quatrième détenu, Idris Al-Khaled, "confesse" qu’il a réussi à s’infiltrer dans les rangs de l’ASL et qu’il a pu poser des mines dans leurs locaux.

S’ouvre ensuite une deuxième séquence où les prisonniers, enchaînés, sont conduits par des hommes encagoulés dans un endroit isolé. Les bourreaux s’emparent de pistolets posés sur une table, filmée en gros plan, sur fond de chant religieux. Puis les détenus sont alignés [à 4’39’’] devant une butte et mis à genoux. Les combattants les mettent alors en joue [à 5’23’’]. Mais au lieu de tirer, ils rangent leurs armes. Puis apparaît un message proclamant : "Les musulmans ne sont pas des criminels".

Dans la troisième et dernière séquence, un prédicateur en abayya blanche sermonne les prisonniers. "Nous avons le devoir d’être justes envers les égarés. Celui qui a été mal conseillé, nous le conseillerons. Celui qui s’est trompé de chemin, nous l’accueillerons. Quant à celui qui a tué, il doit subir le même châtiment. Mais nous n’exhiberons pas [les exécutions]. Nous ne [les] filmerons pas. Nous ne vanterons pas de tuer", dit l’imam. Son discours est entrecoupé d’images montrant des exécutions de masses commises par l’EI.

Le prédicateur se tourne ensuite vers la caméra et s’adresse directement au groupe jihadiste [à 6’30’’]. "Si les tenues noires et les cagoules sont vos slogans, nous nous avons choisi la blancheur et la clarté. Si votre religion est de couper les têtes, la nôtre consiste à les réparer". Au même moment sont diffusées des images montrant un imam donnant un cours sur l’islam à un groupe de jeunes.

La vidéo a été produite par une société de production proche de Al-Jabha Al-Chamia, appelée al-Kifah (la lutte). Pour en savoir davantage sur les conditions de tournage, nous l’avons contactée.

On cherchait à montrer la différence entre les combattants modérés et les extrémistes"

Mahmoud A. travaille pour la société al-Kifah, qui a produit cette vidéo.

Cette vidéo est notre première production. Nous avons filmé avec un matériel assez basique, des caméras ordinaires qu’utilisent d’habitude les militants pour filmer les manifestations. Nous sommes loin des moyens de production sophistiqués de l’EI, mais pour nous il était important de trouver une idée forte, intelligente, pour montrer la différence entre les combattants modérés et les extrémistes.

En revanche, nous avons fait beaucoup d’editing. Sur un logiciel de montage, nous avons rajouté des effets de son, travaillé sur les couleurs. Comme les productions de l’EI sont très médiatisées, nous voulions reprendre les codes de communication de l’organisation pour attirer l’attention du public. Il s’agissait de mettre les internautes sur une fausse piste pour leur montrer à la fin la différence entre des résistants et des criminels.

Les combattants de l’EI qu’on voit sur ces images ont été fait prisonniers il y a moins d’un mois lors de la libération du village de Dalha, au nord d’Alep, par les combattants de l’Armée syrienne libre (ASL).

"Malheureusement, l’opposition communique peu sur sa lutte contre l’EI"

Alexander Page est un activiste medias installé à Alep.

Malgré la mauvaise qualité de la connexion Internet ici à Alep, cette vidéo a pas mal circulé parmi les habitants. Mais le plus intéressant pour nous, c’est en fait que ce genre de vidéos a un retentissement ailleurs dans le monde et particulièrement en Occident.

En Syrie, les groupes de l’ASL qui luttent contre les jihadistes de l’EI sont nombreux. Malheureusement cette lutte est sous-médiatisée. Et pire encore, ces combattants de l’opposition font souvent l’objet d’amalgames et sont considérés par une partie de l’opinion comme des terroristes, au même titre que l’EI.

Les membres d’Al-Jabha al-Shamiya sont souvent accompagnés d’un imam quand ils vont combattre l’EI. Sur le front, l’imam prononce des sermons en direction de ces combattants, pour expliquer en quoi la charia (loi islamique) commande aux musulmans de lutter contre les extrémistes tel que les jihadistes de l’EI.

Des vidéos de ses prêches existent en fait sur YouTube, mais elles ne sont malheureusement pas assez mises en avant.

Si les prisonniers issus des rangs de l’EI sont épargnés dans la vidéo de propagande du groupe rebelle, c’est en réalité rarement le cas. Les combattants de l’EI capturés sont normalement jugés par une cour islamique composée de membres des différentes factions de l’ASL, puis exécutés dans la majorité des cas, comme nous l’ont expliqué des sources locales. Mais à la différence des mises à mort de l’EI, ces exécutions ne sont pas filmées.

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