“J’ai eu une vision apocalyptique pour 2017 : Donald Trump président, Marine Le Pen présidente, Poutine président. Comme la plupart des cauchemars, celui-ci n’arrivera sûrement pas. Pour autant, le simple fait que Donald Trump et Marine Le Pen aient de bonnes chances aux élections présidentielles française et américaine dit beaucoup sur l’état de la démocratie libérale en Occident”, prophétisait l’éditorialiste du Financial Times, Gideon Rachman, quelques jours avant le raz de marée frontiste aux régionales.

Réveil national et fermeture des frontières

Alors que la popularité des deux candidats ne cesse de croître, on s’interroge outre-Atlantique. Derrière ses manières exubérantes, celui qu’on prenait pour un agitateur sans lendemain serait-il en réalité l’équivalent américain de Marine Le Pen ? Suffisant pour faire de Donald Trump le leader de l’extrême droite aux Etats-Unis ?


“Les moqueries envers la classe politique, une attitude de ‘nous contre le reste’, le mythe du réveil national : toutes ces choses ont depuis longtemps été associées avec les mouvements d’extrême droite”, explique The New Yorker au sujet de la ligne politique de Donald Trump. Une ligne similaire à celle utilisée par la présidente du Front national. [Marine] Le Pen s’engage en faveur d’une fermeture unilatérale des frontières, à l’image de ce que propose Trump, […] une fermeture possible uniquement dans un Etat isolé et autoritaire”,  continue The Daily Beast.

“Les musulmans ont remplacé l’intrus mexicain”

D’autant que chacun des deux candidats populistes a vu sa popularité se renforcer après les attentats du 13 novembre à Paris. Plus encore, les attaques contre le Bataclan, le Stade de France et les différents bars des Xe et XIe arrondissements ont renforcé les similitudes entre eux. Jusque-là, les ennemis intimes du candidat Trump venaient du Mexique. A présent, à l’instar de la présidente du Front national, le candidat à la primaire républicaine stigmatise, en priorité, les musulmans, remarque le quotidien libanais L’Orient-Le Jour : “Aujourd’hui, après les attentats de Paris, les musulmans ont remplacé l‘’intrus’ mexicain, accusé de dénaturer le tissu social américain.” 


Pour autant, “dans une certaine mesure, Trump n’est pas allé aussi loin que Le Pen”, explique The New Yorker. La leader frontiste s’est prononcée pour l’arrêt total de l’immigration, quand le candidat républicain ne s’oppose pas à l’immigration légale. “Mais, sur un [autre] sujet, Trump est même allé plus loin que [Marine Le Pen]. Le 7 décembre, il s’est dit favorable à un arrêt ‘complet de l’accueil des musulmans sur le territoire américain jusqu’à ce que le Parlement fasse le point sur ce qu’il se passe.’

Insécurité sociale

La presse américaine pointe, quand même, une différence notable entre les deux candidats : leur style. “Certaines déclarations de Donald Trump sont si ouvertement racistes qu’elles feraient passer Marine Le Pen pour une modérée. La présidente du parti d’extrême droite français a fait bien attention à adoucir son image en vue de l’élection de 2017”, analyse le Financial Times.


Marine Le Pen et Donald Trump partagent la même stratégie. “A l’insécurité économique ils substituent une insécurité sociale, mise en lien avec l’immigration. Les flux d’Hispaniques et de musulmans ont permis respectivement à Trump et à Le Pen de déclarer que des élites de bons à rien avaient permis des changements sociaux radicaux sans même consulter le peuple”, déplore le Financial Times.

Deux pays attirés par le tripartisme

Et si le candidat républicain est davantage comparé à la fille Le Pen, The Daily Beast choisit de titrer : “Donald Trump est notre Jean-Marie Le Pen”. Le journaliste estime que les Etats-Unis pourraient, à leur tour, entrer dans l’ère du tripartisme. Une ère dont le père fondateur ne serait autre que le milliardaire – à l’instar, en France, du fondateur du Front national.

Les électeurs américains semblent plus enclins à accepter un gouvernement de coalition. Ils meurent d’envie d’entendre des voix politiques différentes – mais la voix qui a le plus de chances de se faire entendre est aussi la plus destructrice.”


“La compétition ne se fait plus contre les démocrates, mais entre conservateurs – donnant ainsi plus de place aux idées d’extrême droite. Ceci augmente la probabilité de voir un parti d’extrême droite viable prendre part à un gouvernement. Le Tea Party a initié cette transition, et la campagne de Donald Trump pourrait être la dernière pièce de ce puzzle”, poursuit The Daily Beast.

Créer un parti en faveur du suprémacisme blanc

Reste à savoir si Donald Trump se présentera officiellement dans le giron du Parti républicain ou s’il se lancera dans la création d’un nouveau parti. D’après The New Yorker :

Etant donné son égocentrisme et son manque d’intérêt pour tout ce qui relève de l’organisation, il semble improbable que Donald Trump soit le démiurge d’un parti d’extrême droite aux Etats-Unis.” 

Un avis que ne partage pas The Daily Beast : “Un parti politique d’envergure nationale, entre suprémacisme blanc et néonazisme, pourrait être le funeste résultat de l’abominable campagne de Donald Trump.” Si cela devait advenir, Donald Trump serait donc bien le Jean-Marie Le Pen des Américains.