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Fous volants

L'avion qui voulait rééditer l'exploit de Lindbergh... sans kérosène

Eraole, avion électrique au bilan carbone neutre mis au point par l’ancien navigateur Raphaël Dinelli, a été présenté hier au Bourget par Aéroports de Paris, qui soutient ce projet de traversée de l’Atlantique sans carburant fossile.
par Patrick Cappelli
publié le 9 décembre 2015 à 18h43

Dans ce hangar immense du musée de l'Air et de l'Espace du Bourget, l'avion solaire Eraole semble bien petit, malgré sa double paire d'ailes de 14 mètres d'envergure recouvertes de cellules photoélectriques. C'est ici que Charles Lindbergh a réparé son Spirit of Saint Louis après son vol historique entre New York et Paris. Un exploit que veut rééditer Raphaël Dinelli, navigateur au long cours (quatre Vendée Globe). Avec une différence de taille : le biplan sera propulsé à l'énergie électrique et n'émettra aucun gaz à effet de serre. Sanglé dans sa combinaison de pilote, Dinelli affiche une silhouette affûtée. Et pour cause : chaque gramme compte dans cette expérience inédite. «Je me prépare aux conditions difficiles du vol (-18°C dans l'habitacle, sans chauffage ni bouteilles d'oxygène) en courant des marathons et en allant marcher sur des glaciers à 300 mètres d'altitude», explique le navigateur devenu ingénieur en matériaux composites.

Il y a deux mois, l'aéronef flambant neuf n'était encore qu'une carcasse dans l'atelier des Sables d'Olonne. «Nous avons travaillé jour et nuit», avoue Raphaël Dinelli, tassé dans le minuscule habitacle. «Notre industrie, si elle veut durer, doit limiter les émissions de gaz à effet de serre. Le biocarburant de troisième génération fabriqué à partir de microalgues est une technologie d'avenir», estime pour sa part Patrick Jeantet, directeur général délégué d'Aéroports de Paris et sponsor principal de l'aventure.

De l’algocarburant pour la batterie

Eraole va utiliser trois techniques pour accomplir son vol propre au-dessus de l'océan : le solaire avec les cellules photovoltaïques encapsulées à haut rendement brevetées par la Fondation Océan Vital (25%), le vol plané de nuit pour récupérer un peu de chaleur et économiser les deux batteries (25%), et de l'algocarburant pour alimenter un range expander (groupe électrogène) pour recharger les batteries (50%). «Quand cette huile sera brûlée, elle ne dégagera aucun NOx [composés d'azote et d'oxygène], soufre ou métaux lourds, mais seulement le CO2 que les microalgues auront déjà capté, pour un bilan carbone neutre. Ça sent un peu la marée, mais je suis habitué», plaisante le navigateur des Sables d'Olonne.

Soixante heures de vol avec 30% d'oxygène en moins, deux nuits à -18°C, ni pressurisation ni dégivrage : le défi semble un peu fou. «Charles Lindbergh s'était mis des clous dans le dos pour ne pas dormir. Mon passé de marin devrait m'aider à gérer ce problème de sommeil», rappelle Dinelli, qui a survécu à un naufrage mouvementé dans les eaux glaciales des mers du Sud.

Envol en mai-juin 2016

Outre la promotion des énergies renouvelables, le prototype Eraole a vocation à devenir le premier d'une flotte commerciale de petits avions électriques biplaces capables de voler quatre heures par beau temps. Les gros-porteurs, eux, devront attendre quelques décennies pour voler propre. Mais avant de s'élancer de la côte est des Etats Unis, Dinelli et son équipe ont encore du travail. «Nous devons valider dans les prochaines semaines la partie monitoring du pilotage, qui utilise plusieurs logiciels et algorithmes. Puis Jacques Krim, un ancien pilote de chasse, va effectuer les premiers essais à Pontoise en début d'année», détaille l'aviateur écologique. Le vol transatlantique, lui, devrait avoir lieu en mai ou juin 2016 selon les conditions météo. L'aide des dieux solaire et éolien ne sera pas de trop pour relever le défi.

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