Yahoo vendu à la découpe? L'entreprise, qui prévoyait de se scinder en deux en transférant sa participation dans le géant chinois Alibaba dans une société indépendante, va finalement se séparer de ses activités internet qui seront transférées dans une nouvelle entité. L'objectif à terme des actionnaires, qui sont allés contre le plan de la patronne Marissa Mayer, pourrait être de vendre plus facilement ces actifs, qui représentent le gros du groupe mais aussi ce qui vaut le moins cher.

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La page d'accueil Yahoo.fr, le 11/12/2015.

© / Yahoo

Yahoo ne vaut plus un kopeck

Les 15% détenus par Yahoo dans Alibaba sont valorisés 32 milliards de dollars, lorsque Yahoo, lui, est valorisé en Bourse dans son ensemble à 32,5 milliards! Le tout vaut donc moins que les seules participations financières du groupe. Les analystes estiment que les actifs web de Yahoo se vendraient 3 à 8 milliards de dollars, soit au maximum deux fois le chiffre d'affaires attendu en 2015. Des cacahuètes (Microsoft lui en proposait 45 milliards en 2008).

Pourtant Yahoo possède encore 1 milliard d'utilisateurs, fait encore partie du top 3 des audiences américaines, et Yahoo Mail compte 210 millions d'utilisateurs. A titre de comparaison, Twitter, qui a moins d'utilisateurs et génère largement moins de chiffre d'affaires, vaut 17 milliards de dollars à Wall Street. Le marché ne croit plus en Yahoo, et ne lui accorde plus de valeur. Pourquoi?

Il était une fois Yahoo

Yahoo a 20 ans, ce qui à l'échelle d'internet, est un âge ancestral. Converti en âge de chien Lycos, on peut bien le multiplier par 7. Pour ceux qui étaient en âge d'utiliser un ordinateur dans la deuxième partie des années 90, Yahoo a souvent été le premier contact avec internet.

Avant de devenir, et pendant des années, la porte d'entrée principale sur le web: un portail. A la fois une page tremplin, une boussole, un cabinet de curiosités. Mais les temps ont changé, et Yahoo n'a pas réussi à s'adapter. Tout ce qui faisait son intérêt Yahoo a disparu.

Tout d'abord, chacun des services proposés par le portail a été supplanté.

  • L'annuaire thématique a été remplacé par les moteurs de recherche. Google a vaincu tous ses concurrents par K.O.
  • Les pages personnelles (Geocities) ont été abandonnées au profit des blogs et des réseaux sociaux. Ni Yahoo 360, ni Tumblr, aux fortes composantes sociales, ne lui ont permis de rivaliser avec les nouveaux entrants.
  • Les tchats de groupe ont été remplacés par les grands réseaux sociaux (Twitter, Facebook...).
  • Le partage de photos sur Flickr se fait aujourd'hui sur Instagram.
  • Les contenus médias et divertissement, se sont déplacés sur les chaînes YouTube, ou sur des sites comme Netflix. Yahoo a lancé de nouvelles chaînes d'info ciblées jeunes et la production de programmes originaux, mais il est déjà trop tard.
  • Le portail d'actualités a de moins en moins de sens à l'heure des applis de médias, de Google Actualités et de Twitter. Yahoo tente de se renouveler notamment pour séduire les jeunes, mais un ratage récent est assez symbolique de son échec: Snapchat a remplacé Yahoo par Buzzfeed dans son service d'informations Discover.
Yahoo

La page d'accueil de Yahoo.fr, le 20/02/1999.

© / Archive.org

Le principe du portail est devenu anachronique

Ensuite, l'intérêt du portail en lui-même s'est délité. L'avantage de Yahoo, c'était son caractère centralisé. Son parti-pris d'être un outil tout-en-un. Mais aujourd'hui, d'autres outils comblent ce besoin. Qui utilise encore Yahoo comme page de démarrage? La page d'accueil, aujourd'hui c'est Facebook ou Google. ...

La deuxième page de démarrage, c'est l'écran d'accueil du smartphone : mails, news, météo, tout y est. L'ère des applications, c'est l'ère du web compartimenté, et du flux de notifications. Plus besoin d'un fournisseur unique. Aujourd'hui, c'est la plateforme (mobile, tablette) qui sert d'unificateur.

Assemblage de services sans vision d'ensemble

Le problème de Yahoo n'est pas d'avoir conçu ou racheté de mauvais produits, puisque l'entreprise avait très tôt saisi quels seraient les usages futurs des internautes. Mais l'ensemble de services qu'elle représente n'est plus pertinent en termes d'usages. Ce n'est plus qu'un assemblage désarticulé de services. S'il a encore un sens, c'est pour les annonceurs, à qui Yahoo n'a jamais cessé de vendre ses espaces "premium" (dont le chiffre d'affaires décline malgré tout). Le consommateur, lui, ne sait plus ce qu'est Yahoo, et cela fait longtemps que ça dure.

Pas étonnant, dans ces conditions, que Yahoo soit promis au même destin que l'autre portail de référence, AOL. L'opérateur télécoms américain Verizon, qui a racheté AOL cette année, aurait des visées sur Yahoo.

Un chiffre d'affaires qui décline, un nombre de visiteurs en chute libre, un cours de Bourse qui s'effondre... et des suppressions d'effectifs probables pour rendre la mariée plus attirante. Voilà ce qui attend Marissa Mayer. Son congé parental risque d'être moins sympathique que celui de Mark Zuckerberg.

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