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Banksters

Des milliers d'épargnants italiens lessivés par des placements toxiques

Au moins 800 millions d'euros sont partis dans la faillite de quatre banques régionales peu scrupuleuses. Face à la révolte des clients lésés, le gouvernement Renzi a lancé un plan de sauvetage. Sans échapper à la polémique.
par Eric Jozsef, correspondant à Rome
publié le 13 décembre 2015 à 16h00

Certains ont perdu plusieurs dizaines de milliers d’euros. D’autres toutes les économies d’une vie de labeur. Plus de dix mille petits épargnants italiens sont depuis quelques jours sur le pied de guerre après l’effondrement de quatre banques régionales (Banca Etruria, CariChieti, Banca Marche et Carife) qui leur avaient délibérément vendu des produits toxiques. Au total, ce sont près de 800 millions d’euros qui sont partis en fumée. En urgence, le gouvernement de Matteo Renzi a mis sur la table fin novembre un plan de sauvetage des quatre établissements bancaires pour environ 3,6 milliards d’euros. Les comptes courants des clients ont ainsi été garantis. Mais les épargnants qui avaient souscrit des «obligations» risquées ont eux été laissés sur le côté.

Depuis, c'est une véritable révolte dans le centre du pays, où opèrent les quatre banques concernées. La semaine dernière, un retraité de Civitavecchia s'est même suicidé après avoir découvert que son patrimoine (110 000 euros) s'était envolé dans la crise de la Banca Etruria. Pour sa défense, le gouvernement met en cause les autorités de contrôle (Banque d'Italie et commission des opérations de Bourse) ainsi que l'Union européenne coupable à ses yeux d'interdire, au nom du respect de la concurrence, un sauvetage plus large des épargnants à travers des aides publiques. En réaction, la commission a critiqué la vente par les banques italiennes de «produits inadaptés».

Conflit d’intérêts et embarras au gouvernement

L'affaire prend en tout cas un tour politique. Les associations de consommateurs et les partis d'opposition montent au créneau contre le gouvernement accusé d'avoir sauvé les banques mais d'avoir sacrifié les petits épargnants. Au sein du cabinet Renzi, c'est l'embarras. D'autant que le vice-président de la Banca Etruria n'est autre que le père de la jeune ministre des Réformes institutionnelles, Maria Elena Boschi, très proche de l'ancien maire de Florence et sorte d'icône du nouveau cours politique que Matteo Renzi avait voulu incarner. L'écrivain Roberto Saviano, célèbre pour sa croisade antimafia, a été le premier à porter le fer en publiant un article au vitriol dans lequel il dénonce «le conflit d'intérêts» de la ministre et demande son départ : «Le gouvernement ne devait pas s'occuper de la banque ou alors il doit demander à la ministre de démissionner. […] Ce gouvernement doit être critiqué avec la même rigueur que celle que nous avons eue envers le gouvernement Berlusconi.»

Pour l'heure, Matteo Renzi tente de résister et de trouver des solutions pour calmer les petits épargnants lésés sans encourir les sanctions de Bruxelles. Le ministre de l'Economie, Pier Carlo Padoan, a annoncé la mise en place d'un fonds de solidarité de 100 millions d'euros qui sera alimenté par le fonds interbancaire de tutelle des dépôts, financé uniquement par le système bancaire. A travers un mécanisme d'arbitrage qui agira au cas par cas, seuls les épargnants considérés comme réellement escroqués par les filiales des quatre banques seront partiellement indemnisés. «C'est une aumône», fulminent les clients qui ont tout perdu. Désormais, la crainte en Italie est que l'incendie ne se propage à d'autres instituts de crédit. Depuis vendredi dernier, des épargnants se précipitent aux guichets de leurs banques pour retirer leurs économies.

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