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Santé

ABX464, la nouvelle arme contre le Sida

Une start-up française a développé une molécule qui bloque la multiplication du VIH au sein de la cellule infectée. Un mode d'action unique qui pourrait alléger le traitement.
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Nouvelle arme contre le Sida
Comment la molécule agit sur le virus du Sida.
©Betty Lafon / Sciences et Avenir

Article extrait du mensuel Sciences et Avenir n°826 disponible en kiosque jusqu'au 1er janvier 2016. En savoir plus via l'encadré en bas de page >>

ABX464. Son nom de code ne fait pas rêver. Mais pour les personnes contminées par le VIH (virus de l’immunodéficience humaine, agent du Sida), ABX464 représente un espoir. Cette petite molécule est développée par la start-up française Abivax, avec Jamal Tazi, chercheur à l’Institut de génétique moléculaire de l’université de Montpellier. Son mode d’action est unique puisqu’il consiste à bloquer la multiplication du virus dans la cellule. Les trithérapies, seuls traitements disponibles aujourd’hui, s’attaquent, elles, au virus lorsqu’il entre dans la cellule. Une nuance qui a toute son importance.

Lutter contre les cellules réservoirs du VIH 

"Chez les patients infectés, le virus est déjà présent sous forme d’ADN inséré dans le génome des cellules hôtes. C’est ce que l’on appelle le “provirus”. Si la trithérapie est efficace, il reste tout de même présent en très faible quantité, mais n’apparaît plus au dépistage, explique Jamal Tazi. Si l’on arrête le traitement, on assiste alors rapidement à un “effet rebond." Autrement dit à un redémarrage de la multiplication du VIH. En fait, les cellules contenant encore de l’ADN viral dans leur génome agissent comme des réservoirs à partir desquels les stocks de virus peuvent se renouveler.

La stratégie d’Abivax vise donc à bloquer cette multiplication. Et d’après les premiers essais cliniques menés sur des souris, l’effet rebond n’apparaît plus. Et ce, même deux mois après l’arrêt du traitement avec ABX464 alors que la molécule n’est plus présente dans l’organisme. De quoi nourrir des espoirs : "Deux mois représentent 20 % de la durée de vie d’une souris. Ce qui laisse espérer chez l’homme des cures d’ABX464 très espacées dans le temps, de quelques semaines à un an voire davantage", précise Jamal Tazi.

Objectif : détourner la machine cellulaire  

Pour bien comprendre comment l’ABX464 agit, il faut retracer le cycle du VIH dans le lymphocyte ªT, cellule du système immunitaire. Son "objectif" est de détourner la machinerie cellulaire pour favoriser la fabrication de nouveaux virus. Aujourd’hui, les traitements contre le sida ciblent essentiellement l’entrée du virus dans le lymphocyte et l’intégration de son génome dans le noyau (voir l’infographie ci-dessous). Mais ces approches n’ont pas d’effets sur les provirus déjà présents dans le génome de leur hôte. C’est dans la dernière partie du cycle du VIH qu’intervient l’ABX464.

Cliquez sur l'image pour l'agrandir (©Betty Lafon/Sciences et Avenir).

Une fois inséré dans le génome du lymphocyte, le provirus va devoir suivre les règles de fonctionnement de la machinerie cellulaire. L’une des plus importantes est la synthèse de protéines : un gène code pour de l’ARN messager qui permet de former des protéines, parmi lesquelles se trouveront celles de l’enveloppe du virus ou encore les enzymes indispensables à l’infection. Classiquement, un gène est formé d’un assemblage de deux types d’ADN : les exons, qui portent l’information indispensable à la fabrication de l’ARN - et donc des protéines, et les introns qui, eux, ne sont pas exprimés et doivent donc être éliminés de l’ARN par une opération dite d’épissage. Normalement, si l’épissage ne se fait pas, ces ARN complets (exons + introns) restent confinés dans le noyau de la cellule et sont dégradés. Le provirus doit donc suivre ce mécanisme pour produire deux protéines, appelées TAT et REV, essentielles à la prise de contrôle de la machinerie cellulaire. TAT intervient pour focaliser la transcription du provirus, c’est-à-dire de son ADN en ARN pour la fabrication exclusive de protéines virales. En d’autres termes, le lymphocyte se consacre essentiellement à la fabrication de virus. Une véritable usine à VIH. Une copie d’ADN du provirus donnera ainsi des millions de copies d’ARN viral.

La protéine REV, elle, détourne complètement la "mécanique" habituelle de la cellule infectée. Nous l’avons vu, si l’ARN transcrit n’est pas épissé, il est détruit dans le noyau. Or, pour fabriquer un virus, il lui faut son génome complet, c’est-à-dire l’ARN non épissé, avec ses exons et ses introns. REV va donc autoriser la transcription de l’ADN proviral en un ARN viral sans que ce dernier subisse un épissage. Cet ARN viral pourra sortir du noyau sans être détruit. Il sera alors enveloppé dans une capside, formant ainsi un virus complet prêt à aller infecter d’autres lymphocytes. La protéine REV joue ainsi un rôle majeur, en protégeant les ARN viraux de l’épissage et de leur destruction dans le noyau des lymphocytes. C’est justement en inhibant REV qu’ABX464 parvient à bloquer la multiplication du VIH. Son avantage par rapport aux traitements classiques contre le VIH c’est qu’en ciblant la fin du cycle du virus, elle s’attaque aussi bien aux virus qui entrent dans les cellules qu’à ceux qui y sont déjà. En effet, tous devront passer par cette ultime étape d’exportation des ARN viraux contrôlée par REV.

Reste un mystère : comment se fait-il que deux mois après l’arrêt du traitement par ABX464 sur les souris, les chercheurs n’aient pas observé d’effet rebond, alors que la molécule a complètement disparu de l’organisme ? "Mon hypothèse est que ces cellules infectées par le virus deviennent immunogènes. C’est-à-dire qu’elles sont reconnues par le système immunitaire et détruites avec leurs virus. Le système immunitaire attaquerait ainsi toutes les cellules qui tenteraient de fabriquer du virus", indique Jamal Tazi. Une hypothèse que les chercheurs s’efforcent de démontrer dans leurs laboratoires montpelliérains, laissant à Abivax, le soin de s’occuper du développement commercial de la molécule.

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