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La vente en vrac séduit les consommateurs

Acheter riz, café ou lessive, sans emballage, à la pesée : ce mode de consommation anti-gaspillage commence à prendre de l’ampleur. Au point d’arriver dans les hypermarchés.

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Publié le 11 décembre 2015 à 16h33, modifié le 14 décembre 2015 à 11h06

Temps de Lecture 5 min.

La tireuse à vin, la pompe à huile et les distributeurs de céréales devaient être remballés avant le 31 décembre. Leur « date de péremption  » a été prolongée. Biocoop, géant du bio en France (357 magasins), a décidé d’étendre jusqu’à fin février 2016 son test de supermarché 100 % vrac, 100 % sans emballage, lancé à Paris à l’occasion de la Conférence mondiale pour le climat. Succès oblige.

Chaque jour 300 clients, soit quasiment deux fois plus que prévu, se sont emballés pour le non-emballé, credo de cette Biocoop 21 éphémère, installée dans le 10e arrondissement de Paris. Qu’est-ce qui a poussé cette clientèle, plutôt urbaine et trentenaire, à venir remplir bocaux et sacs en coton de produits d’épicerie, d’entretien ou d’hygiène  ?

Intérêt des hypermarchés

Pour les pionniers de la lutte anti-gaspi, la demande pour ce nouveau mode de consommation est bien réelle. « Nos rayons à la pesée avec [sac papier] connaissent déjà la plus forte progression dans tous nos magasins, souligne Claude Gruffat, président de l’enseigne bio. La grande question est maintenant de savoir combien de consommateurs sont suffisamment écocitoyens pour franchir le pas supplémentaire et amener leurs propres contenants. »

Des céréales en vrac dans un magasin biocoop en mai 2012.

Fini les courses par paquets de douze, les chariots pleins à ras bord et les tickets de caisse longs comme le bras  ? La tendance à l’achat en vrac, en petites quantités, commence à prendre. L’association Zéro Waste France, qui œuvre pour la réduction des déchets, témoigne de l’intérêt constant depuis deux ans pour la filière  : « 150 projets sont en gestation pour 2016, explique Laura Caniot, responsable de l’appui aux entrepreneurs, tous les jours je reçois une demande d’information sur le sujet vrac. »

Remise au goût du jour par les épiceries et supérettes bio, la vente au poids intéresse même les hypermarchés, dont le développement dans les années 1960 avait pourtant sonné le glas de ce mode de consommation. Trente-neuf enseignes Auchan disposent déjà d’un espace vrac de produits d’épicerie, soit deux fois plus qu’il y a un an.

“Nous ne voulions surtout pas faire une enseigne pour bobos, grâce au vrac, nos clients font un geste pour la planète en limitant leurs déchets d’emballages et le gaspillage alimentaire” David Sutrat, cofondateur de Day by Day 

Dans une rue commerçante de Versailles, Nathalie Garde a ouvert il y a presque deux ans un magasin Day by Day, le premier réseau français d’épicerie 100 % vrac. Dans les rayons façon boutique à l’ancienne, près des deux tiers des clients viennent « jouer à la marchande  » munis de leurs propres récipients. Pour satisfaire la clientèle, la gamme de produits n’a cessé de croître. Près de 500 références aujourd’hui et toujours deux best-sellers, la lessive… et les mélanges apéritif. Mais seulement un quart de produits bio.

« Nous ne voulions surtout pas faire une enseigne pour bobos, affirme David Sutrat, cofondateur de Day by Day  ; grâce au vrac, nos clients, qu’ils achètent bio ou pas, font un geste pour la planète en limitant leurs déchets d’emballages et le gaspillage alimentaire. » D’ici à 2018, le réseau, qui compte aujourd’hui sept magasins en banlieue et en province, espère atteindre une centaine de points de vente partout en France.

Aujourd’hui, les acteurs 100 % vrac sont encore peu nombreux. « Une cinquantaine de professionnels  », selon Laura Caniot de Zéro Waste France, regroupés dans le collectif Réseau Vrac. Plus partenaires que concurrents, les pionniers du non-emballage ont compris qu’ils avaient intérêt à s’unir pour faire avancer leur cause.

De 5 à 30  % moins cher

Car pour l’instant, rien n’est vraiment fait pour faciliter la vente au poids. La difficulté commence avec l’approvisionnement. « Il faut trouver des producteurs capables de proposer des produits qui puissent se conserver à température ambiante pendant trois mois  », explique David Sutrat de Day by Day. La réglementation, notamment en matière d’étiquetage, est aussi faite pour le conditionné.

Pour être attrayants, les produits en vrac doivent être moins chers ou au même prix que leurs équivalents emballés. Une difficulté supplémentaire, car « contrairement aux idées reçues, pour le commerçant, le vrac n’est pas économique, car il nécessite plus de logistique et plus de main-d’œuvre, souligne Claude Gruffat, président de Biocoop. En réduisant leurs marges, en mutualisant les achats et la livraison, les enseignes arrivent pourtant à vendre leurs produits de 5 % à 30 % moins cher.

Claude Gruffat, président de Biocoop et Gilles Piquet-Pellorce, directeur général, devant le nouveau modèle 100% vrac de magasin Biocoop, ouvert à Paris le 3 novembre 2015.

En l’absence d’emballages, la présence d’un vendeur prend aussi toute son importance. « Le magasin se doit d’être impeccable pour rassurer sur l’hygiène  », confirme Nathalie Garde. Dans sa boutique, pas un grain de riz ou une goutte de détergent qui traîne. Il faut aussi une disponibilité de tous les instants pour aider à actionner le distributeur de pâtes, renseigner sur le choix du café en grains ou la composition de telle ou telle lessive.

Une manière de faire du commerce à l’ancienne qui séduit Anne-Véronique Malek, qui patiente devant les distributeurs de bonbons, pendant que son fils Thomas fait son choix. « Ce n’est pas l’hypermarché, ici, on peut demander des conseils et ça ne fourmille pas de monde. »

Bocaux et bouteilles prêtés gratuitement

Les mains chargées de petits sachets de papier, Olivia Marren a profité de sa pause déjeuner pour venir faire quelques emplettes pour son ado, fan de pâtisserie. Une gousse de vanille, un peu de farine de riz, la quantité de pépites de chocolat que requiert la recette, la mère de famille apprécie de pouvoir acheter la juste dose. « Certains de nos clients viennent chercher pour 40 centimes de farine, parce qu’ils n’ont pas besoin de plus, pas envie de dépenser plus, ou pas la place de stocker un produit dont ils ont un usage ponctuel  », témoigne David Sutrat.

« Mon placard à provisions ne déborde plus, explique Julie, consultante — qui a requis l’anonymat. Je dépense et je stocke moins, je ne jette plus. J’essaye de faire tourner les produits au maximum. » « En semaine, les clients anticipent moins leurs achats que le week-end, ils utilisent plus les sachets papier mis à leur disposition dans le magasin  », remarque Nathalie Garde.

Bocaux et bouteilles vides, issus de la récupération, sont aussi prêtés gratuitement aux clients étourdis. Certains magasins remettent aussi au goût du jour le système de la consigne. Gérard Bellet, jeune entrepreneur de 31 ans, fondateur de Jean Bouteille, propose ainsi à la location des embouteilleuses qui permettent au chaland de remplir une bouteille vide sur laquelle figurent les informations essentielles (produit, quantité, numéro de lot, limite de consommation). Une initiative parmi d’autres pour faire perdre, petit à petit, l’habitude de l’emballage.

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