Tom Wood, ce “génie méconnu de la photographie britannique”

En couleur ou en noir et blanc, au pub ou dans la rue, Tom Wood a consigné pendant plus de vingt ans le quotidien des habitants de Liverpool. Mais, régulièrement, il revient hanter les lieux de son enfance, dans la verte Irlande.

Par Sabrina Silamo

Publié le 12 décembre 2015 à 18h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 06h05

Martin Parr n'hésite pas à qualifier Tom Wood de « génie méconnu de la photographie britannique ». Pourtant, entre 1978 et 2001, l'Irlandais n'a fait que sillonner les rues de sa ville adoptive, Liverpool, le Leica 35 en bandoulière. Il a mitraillé des gens de tous âges, souvent à leur insu, dans les pubs et les clubs, les parcs et les stades, les docks et les usines.
Et ne revendique qu'une seule influence, celle de Josef Sudek, le « poète de Prague » qui, toute sa vie, préféra immortaliser les objets plutôt que les humains ! Un petit bout de papier détermina la carrière de Tom Wood. Ou plutôt l'absence dudit bout de papier : c'est parce qu'il ne possède pas de permis de conduire qu'il suit ses voisins de Liverpool : le matin, les femmes sur le marché aux puces et le soir, les jeunes au night-club.

Tom Wood

“La photographie est un médium mortel qui peut tuer la vie”

Ils l'ont rebaptisé David, comme David Bailey, seul photographe connu de la working class. Quant aux enfants, auxquels il distribue des instantanés, ils le surnomment Photie Man (le « type aux photos »). Leur vie faite de petits riens, il l'enregistre avec pudeur et respect, conscient que « la photographie est un médium mortel qui peut tuer la vie ». Alors il les montre tels qu'ils sont, le regard complice et non documentariste. Il saisit la provocation de deux pin-up en short et talons hauts qui le toisent, assises sur le capot d'une voiture de sport rouge, l'intimité d'une grand-mère et de sa petite-fille rêvassant dans un bus, la fougue des supporters rassemblés près d'un pub... En arrière-plan, les maisonnettes en brique rouge de la cité ouvrière, les enseignes à la gloire de l'équipe de foot locale, les posters de femmes aux seins nus, racontent une histoire. Leur histoire, celle des laissés-pour-compte des années Thatcher, celle que filme Ken Loach.

Wood photographie comme certains écrivent leur journal, consignant en images, noir et blanc ou couleur, chacune de ses rencontres. Ses clichés pris en série n'en forment aucune ; ils sont indépendants. Seule constante dans cette accumulation : il revient sans cesse documenter certains lieux comme pour affiner son sujet, y apporter le maximum de détails, de nuances. Ainsi, cet exilé revisite régulièrement depuis quatre décennies le comté rural de Mayo, où il est né. Il capture - parfois même à travers la vitre d'un autobus - les paysages de son enfance et les scènes de la vie quotidienne. En 2003, Tom Wood quitte Liverpool pour un village verdoyant du pays de Galles. Il décide alors de se consacrer aux paysages, qu'il photographie, à l'aide d'un vieil appareil argentique, au format panoramique. Et si moutons et chevaux ont remplacé serveuses et dockers, chaque tirage a conservé la simplicité et le naturel qui ont fait sa renommée.

Tom Wood

Bio express
1951 Naissance dans le comté de Mayo (Irlande).
1996 Première exposition à l'International Center of Photography de New York.
2002 Prix Dialogue de l'humanité aux Rencontres d'Arles.
2005 Publication de Photie Man (une sélection de l'artiste Pádraig Timoney).
2013 Rétrospective au National Media Museum de Bradford.
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