Chokrane - COP21, de belles promesses pour dans très longtemps...

Ce fut encore une de ces grand-messes inutiles dont nos dirigeants ont le secret. Mais la récession qui s'annonce pourrait sonner la fin de la récréation.

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Laurent Fabius s'est félicité de l'accord. Mais le texte, qui n'engage pas à grand-chose, ne tient guère compte des contraintes économiques. © AFP

Temps de lecture : 5 min

Les conférences pour le climat sont devenues de grands raouts de la communication des dirigeants politiques qui les animent. Ces grand-messes de l'environnement ont pour mérite de sensibiliser la population aux dangers du changement climatique.

Dans un premier temps, chacun exprime sa bonne volonté. C'est bon pour l'image et cela ne coûte rien. Mais lorsqu'on entre dans le vif du sujet, on se lance dans des négociations sans fin. Certains réclament des milliards d'aides à ceux qui sont les plus riches, pour faire les efforts nécessaires. D'autres réclament des indemnisations pour les dommages qu'ils vont subir en raison du dérèglement climatique (montée du niveau des mers et phénomènes extrêmes).

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Pas de contraintes véritables

Finalement, l'accord signé fait état d'un objectif plus ambitieux, mais il n'est pas opérationnel et remet les échéances à plus tard. Est-ce reculer pour mieux sauter ? Non, c'est reculer tout simplement. En effet, cet accord ne comprend aucune contrainte et, pour entrer en vigueur, il devra être ratifié par au moins 55 pays représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui est loin d'être acquis. Son entrée en vigueur est prévue pour 2020. Pour aider les pays en développement à faire face aux conséquences désastreuses de ce réchauffement, il est question de 100 milliards de dollars par an à mobiliser par les pays développés, cette somme étant considérée comme un plancher.

On fait comme si la crise n'avait pas eu lieu

Qui peut dire aujourd'hui quel sera l'état de l'économie mondiale en 2020 ? Les pays développés seront-ils en mesure de mobiliser ces fonds ? Ces négociations COP21 se sont déroulées comme si la crise de 2008 n'avait pas eu lieu, comme si les États membres de l'OCDE n'avaient pas été contraints de s'endetter pour faire face aux conséquences de cette crise, qui, faut-il le rappeler, est aussi grave que celle de 1929. Il est clair que les dirigeants ont fait preuve d'un grand volontarisme, et c'est louable. Cependant, que vaut ce volontarisme quand on ne prend pas en compte les réalités économiques et financières ?

En effet, les prévisions économiques ne sont pas réjouissantes. Une fois de plus, celles du FMI pour la croissance mondiale ont été revues à la baisse : seulement 3,1% de croissance sont prévus pour 2015, ce qui est la plus mauvaise performance depuis la crise de 2009. La croissance des pays émergents baisse chaque année depuis 5 ans.

Des perspectives sombres pour l'économie mondiale

Le Canada est entré en récession en 2015 et les États-Unis montrent des risques très élevés de faire de même en 2016. La baisse des cours du pétrole a pour conséquences des faillites dans un secteur sinistré des gaz de schiste. Elle accroît également le risque d'éclatement d'une bulle financière, ces entreprises qui font faillite laissant des créances impayées aux établissements financiers qui leur avaient accordé un crédit. Parallèlement, la consommation ne reprend pas aux États-Unis. Des bulles financières se sont à nouveau formées dans le secteur des crédits à la consommation, notamment pour l'achat des automobiles, ces crédits étant accordés sans condition de revenus. Les risques de crise financière restent donc élevés aux États-Unis et, par contagion, dans le reste du monde.

Une forte récession peut-elle contrer le réchauffement climatique ?

La baisse de la croissance pourrait être une bonne nouvelle pour la planète, puisque des économies en sous-activité produisent moins de carbone. Mais les choses ne sont pas aussi simples, car la Chine et l'Inde consomment énormément de charbon et la transition vers des énergies propres est compromise par des cours du pétrole trop bas qui diminuent la rentabilité des investissements dans les énergies renouvelables. La conversion des investissements industriels vers des équipements moins polluants peut s'en trouver ralentie. Les consommateurs sont nombreux à se réjouir de la baisse du prix de l'essence ou du gazole. Ils en profitent pour rouler davantage, ce qui a pour conséquence d'augmenter les émissions des gaz à effet de serre. Sauf à rationner par la coercition l'usage de l'automobile, ces paramètres ne peuvent pas être régulés par de simples incitations ou incantations politiques.

La coercition est-elle le seul moyen de mettre fin au réchauffement climatique ?

D'aucuns songent à la voiture électrique. Malheureusement, celle-ci n'est pas à la portée de toutes les bourses. Et si les gouvernements souhaitent favoriser son usage par des incitations financières, cela aussi a un coût. Étant donné les finances de l'État français, et si la récession mondiale se précise, on voit mal comment ce dernier pourrait financer de telles mesures. Les autres sources de gaz à effet de serre suivent la même logique. Soit des mesures coercitives et récessives sont prises. Soit la température planétaire continuera d'augmenter. Les déclarations d'intention, les incantations de la COP21 n'y changeront rien.

Un scénario noir, un scénario rose...

Il reste deux options possibles. Soit la récession est telle qu'elle se transforme en dépression. Les automobilistes doivent renoncer à leur voiture et devenir cyclistes. Les habitations voient des pièces entières abandonnées, condamnées, faute de pouvoir être chauffées. Ne ricanons pas ! Un tel scénario pourrait bien se produire, comme dans les années 30 et pendant la dernière guerre. Autre scénario possible, le cours du pétrole remonte, ce qui favorisera le développement des solutions alternatives et redonnera des ressources financières à des économies émergentes dépendantes du pétrole. Par contagion, les économies développées y retrouveront des débouchés commerciaux. Ce scénario est le meilleur, mais il dépend de la spéculation, le pétrole étant devenu un actif boursier comme un autre, mais surtout de la situation géopolitique mondiale.

La COP21 n'y pourra rien changer. Cette grand-messe médiatique montre, si cela était encore nécessaire, que nos dirigeants sont toujours très prompts à présenter des solutions à long terme, pour 2030 ou 2050, mais incapables d'imaginer des solutions à court terme.

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Commentaires (7)

  • Skyrunnernumber1

    Voila enfin quelqu'un de lucide qui parle vrai. Qu'on est loin de ces auto congratulations socialistes pour finalement une Cop21, montagne qui a accouché d'une souris, n'en déplaise à Mr. Com'Hollande. Que de la poudre aux yeux, et rien d'autre. Pour le concret, pour le contraignant, il faudra encore attendre, longtemps.

  • jackknight

    C'est ce que j'avais écrit le jour du discours de fabius en larmes, osant déclarer « c'est un grand pas pour l'humanité », rien que ça !
    Mais aussi après le discours de pépère, plus intéressé par les objectifs des photographes et des caméras aux ordres : « on n'en reparlera dans 6 mois » !

  • Passeur

    @Henserb : pas concernant l'intelligence des situations manifestement.

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