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De plus en plus de jeunes sont contraints de revenir habiter chez leurs parents

La hausse des loyers et le travail précaire amplifient ce phénomène depuis une dizaine d’années.

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Publié le 09 décembre 2015 à 01h37, modifié le 14 décembre 2015 à 10h14

Temps de Lecture 3 min.

« J’en ai marre ! Cela fait cinq mois qu’ avec ma compagne, nous n’avons pas de logement, confie Davy Longeau, ouvrier spécialisé sur les chantiers à La Rochelle. On est obligés d’aller chez mes parents, mais c’est très petit, et mon père est malade. » Le jeune couple doit, chaque soir, déplier un canapé dans une pièce minuscule, après avoir stocké ses affaires au garage. « On va parfois à l’hôtel, mais on claque beaucoup d’argent en chambres et en essence », déplore le jeune homme de 25 ans qui a goûté à l’autonomie pendant six ans. A 18 ans, il a quitté le nid familial, puis a vécu trois ans avec sa compagne à Niort. « On avait un logement vraiment pas cher mais quand j’ai trouvé mon boulot à La Rochelle, on a dû le lâcher. »

Son salaire de 1 200 euros et les revenus de sa compagne, qui ne trouve que des emplois à temps partiel d’animatrice pour enfants, ne leur permettent pas de prendre une location dans le privé. Le loyer absorberait plus de la moitié de leurs revenus. « Quand on est payé au smic, on n’a pas le droit aux aides au logement. Quant aux HLM, y’en a pas pour nous », constate Davy Longeau avec amertume, qui a donc le choix entre se loger à un prix abordable dans une ville où l’emploi est rare, ou travailler là où les loyers sont trop élevés, sans avoir de chez-soi.

Davy Longeau est l’exemple-type de ce qu’on pourrait appeler « les nouveaux Tanguy », en référence au film d’Etienne Chatiliez sorti en 2001. Le phénomène des jeunes qui s’éternisent sous le toit parental sans jamais prendre leur indépendance est devenu massif, estime la Fondation Abbé Pierre (FAP) dans une étude publiée le 5 décembre. Et sa réalité est bien moins amusante que le scénario qui mettait en scène un étudiant qui s’attardait par confort chez ses parents.

Un bond de 20 % au cours de la décennie

La FAP relève que 4,5 millions de majeurs – dont 1,3 million a plus de 25 ans – sont hébergés chez leurs parents, grands-parents ou chez des amis. Une forte proportion (1,9 million) est certes étudiante mais, fait nouveau et préoccupant, il y a aussi, désormais, 1,5 million de jeunes travailleurs que la cherté des loyers et la précarité de l’emploi bloquent dans leur projet de décohabitation. Pire, le retour au domicile parental concernait en 2013, 338 000 personnes de plus de 25 ans, non étudiantes, qui ont vécu une expérience parfois longue de logement indépendant. Ils n’étaient que 282 000 en 2002, soit un bond de 20 % au cours de la décennie qui a précisément connu la flambée des prix de l’immobilier dont on mesure encore à peine l’étendue des dégâts sur le plan social.

La situation est plus aiguë encore en Ile-de-France, comme le confirme l’Agence départementale d’information sur le logement (ADIL) qui a ausculté le parcours de décohabitation contrariée de 300 Parisiens, dans une enquête publiée mardi 8 décembre. Ils sont nombreux (70 % des personnes interrogées) à placer leur espoir dans le logement social, mais seuls 43 % y parviendront.

« Une démarche difficile à 33 ans »

Difficile quand on est en CDD ou en apprentissage de convaincre un bailleur privé mais aussi social de vous consentir un bail. Même sans être précaires, beaucoup de salariés, par exemple les fonctionnaires de catégorie C, ont des revenus trop modestes pour couvrir trois fois le montant d’un loyer, fût-il social.

Selon la FAP, 479 000 adultes de plus de 35 ans ont dû se faire héberger par leur famille à la suite d’une perte d’emploi, de problèmes financiers ou de santé et, le plus souvent (55 %, selon l’ADIL), d’une séparation. Avec ses deux enfants, Gwen a ainsi été obligée, après un divorce conflictuel, de quitter brutalement le logement de fonction de son ex-mari. Malgré son salaire de 1 600 euros par mois, cette inspectrice des impôts n’a pu se loger dans le privé trop cher. « J’ai dû me résoudre à demander à ma mère de nous héberger. Une démarche difficile quand on a 33 ans. » L’épreuve n’a duré que sept mois avant le relogement en HLM.

« Dans les instances de divorce, nous devons statuer sur l’attribution du logement, raconte Anne Barriera, juge aux affaires familiales au tribunal de Créteil. Et c’est, aujourd’hui, une décision presque aussi cruciale que la garde des enfants. Nous sommes amenés à laisser au conjoint qui doit partir, souvent le père, des délais de plus en plus longs, jusqu’à six mois. Je vois ainsi beaucoup de couples séparés vivant sous le même toit, avec un père qui dîne en famille, prend une douche et s’éclipse pour la nuit, dans sa voiture, une caravane, chez des amis ou ses parents. »

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