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Le temps d'une après-midi, les écoliers néerlandais dans la peau de réfugiés

Temps de lecture: 4 min

La valise à moitié faite a été abandonnée dans l'urgence, le vin est renversé sur la table et à la radio, le message est lancinant: "Ceci est une annonce de la sécurité nationale, quittez les lieux au plus vite !"

Le temps d'une après-midi d'excursion scolaire, Amy et Sona, adolescentes néerlandaises de 15 et 16 ans, sont transportées dans la peau de réfugiés dans un musée ouvert à La Haye en 2010, la "Maison de l'Humanité", qui se décrit comme "unique au monde".

Les deux lycéennes ont reçu quelques instants plus tôt le "visa" les autorisant à débuter leur périple vers la "zone B", retraçant symboliquement les pas des millions de personnes qui effectuent un périlleux trajet vers les côtes de l'Europe.

Après avoir quitté le salon où retentit en boucle l'avertissement radio, le voyage devient "incertain, il faut affronter plusieurs dangers, il y a des incertitudes...", explique à l'AFP la directrice du site, Lisette Mattaar.

Amy et Sona devront "faire des choix difficiles pour arriver dans un pays sûr", explique-t-elle.

Le musée, fondé par la Croix Rouge néerlandaise dans le but de montrer le travail qu'elle mène auprès de ceux qui ont fui la guerre et la pauvreté, est soutenu par douze autres ONG. Quelque 30.000 personnes l'ont visité en 2014, contre 14.000 lors de sa première année de fonctionnement.

Déconseillé au moins de 10 ans, le musée assure avoir vu exploser les demandes de visites des écoles depuis le début de la pire crise migratoire qu'ait connu l'Europe.

- Apprendre à "réfléchir par eux-mêmes" -

"Les élèves sont bombardés d'images, d'informations sur les réfugiés, sur la migration, sur les politiques d'asile mais tout cela est souvent dépourvu de contexte", explique Audrey Mussoni, qui accueille les élèves après la visite pour discuter de leur ressenti.

"Ils entendent les chiffres mais ne savent pas les mettre en perspective et il leur manque un visage à mettre sur ces informations", ajoute-t-elle. "Avec ce parcours, nous pouvons créer un peu d'empathie, pour qu'ils apprennent à réfléchir par eux-mêmes".

Après avoir quitté la maison en courant, Amy et Sona se retrouvent dans un dédale de couloirs sombres, sous les aboiements de chiens et les cris de policiers. Sur une porte, la question est posée : "Choisissez-vous vos affaires ou votre vie ?"

A travers un labyrinthe aux murs décrépits se succèdent sons et images, évoquant la longue marche migratoire. Les témoignages sont ceux de véritables réfugiés, recueillis par une équipe de chercheurs.

Les deux adolescentes remplissent des piles de formulaires, dans l'espoir d'être un jour réunies avec leurs familles. Puis Amy et Sona arrivent enfin à la frontière.

"Avez-vous votre visa pour la zone B ? Quels sont les adresses, prénoms et noms de famille de vos amis ? Qu'allez-vous faire en zone B ?" : la voix préenregistrée du policier se fait plus dure, pressante et les adolescentes sont visiblement mal à l'aise.

- "Tristesse, angoisse, espoir" -

Sona trouve l'expérience de ce musée positive: "Même si ce n'est qu'un tout petit peu, on a une idée de ce que peuvent ressentir" les réfugiés.

Ses parents ont eux-mêmes quitté l'Arménie avant sa naissance mais leur voyage jusqu'aux Pays-Bas ne fait pas souvent l'objet de discussions familiales.

Après avoir passé la frontière, la blonde Amy est soulagée.

Réfléchissant à ce qu'elle vient de vivre, elle lance: "Le gouvernement dit qu'il n'y a pas beaucoup de réfugiés qui peuvent venir ici, et je comprends. Mais il y aussi des gens qui ont vraiment besoin d'aide..."

L'éducation sur le sujet est essentielle, assure le musée, dans un pays où le Parti pour la liberté du populiste Geert Wilders (anti-immigration) est en tête des sondages.

Les Pays-Bas s'attendent à enregistrer un nombre record de demandes d'asile en 2015 : de janvier à mi-novembre, quelque 54.000 demandes ont été soumises. L'Allemagne voisine s'attend, elle, à accueillir un million de réfugiés en 2015.

"Il arrive parfois que nous ayons des enfants qui disent que les réfugiés viennent pour utiliser nos impôts, pour profiter... mais c'est basé sur des informations qui ne représentent pas l'ensemble de la situation", assure Audrey Mussoni.

A la fin de la visite du musée, Amy estime que cette expérience de 45 minutes lui a fait comprendre que les réfugiés passent par "toutes sortes de sentiments": "la tristesse de tout quitter, l'angoisse du trajet, l'espoir d'un avenir meilleur et la recherche du bonheur".

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