Bruit Noir, l'état d'urgence sonore

Ecrits dans la fièvre d'un nouveau projet parallèle à son groupe Mendelson, les textes de Pascal Bouaziz touchent dans le mille en exprimant la noirceur de l'époque.

Par François Gorin

Publié le 15 décembre 2015 à 16h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 06h05

Après vingt ans à la tête de Mendelson, groupe indispensable et souterrain qu'il a mené jusqu'à la démesure radicale d'un triple album (Mendelson, 2013), Pascal Bouaziz s'offre un regain de spontanéité punk avec Bruit Noir. Ce duo l'associe à Jean-Michel Pirès, dont les percussions et cuivres mettent en son des textes acides et désespérés, que la voix de Bouaziz dit plus qu'elle ne les chante. Ce slam bruitiste entretient une flamme salutaire, que l'actualité rend plus brûlante encore. Ce soir Bruit Noir est sur scène à Paris (Le Klub, 14 rue Saint-Denis, Ier). L'occasion de poser trois questions à Pascal Bouaziz.

En quoi Bruit Noir diffère-t-il de Mendelson ?

Mendelson existe depuis 1994, a enregistré cinq albums. C'est un projet avec une histoire, un héritage à assumer. A l'inverse, Bruit Noir est un tout jeune groupe. Qui peut se permettre d'être plus fou. Plus barré, plus inconséquent. Bruit Noir peut se permettre de dire n'importe quoi, et d'ailleurs ne s'en prive pas. Et même si c'est moi qui écris les textes des deux groupes, je ne suis pas tout à fait le même quand je les écris. Le texte d'une chanson de Mendelson peut prendre cinq ans à accoucher, celui d'une chanson de Bruit Noir m'aura pris en moyenne dix minutes, le temps de l'imaginer, et de l'enregistrer. Enfin Mendelson, la plupart du temps, est un projet collégial, là où Bruit Noir est la vision musicale unique de Jean-Michel Pirès.  

Le nom Bruit Noir a-t-il défini la couleur des morceaux, ou est-il venu les résumer après coup ?

Je crois que le nom Bruit Noir existait confusément avant les morceaux et qu'il attendait des morceaux qui supporteraient un aussi beau nom. Il fallait des morceaux suffisamment costauds mais aussi avec suffisamment d'humour (noir) pour pouvoir assumer une telle déclaration d'intention.

“Le texte d'une chanson de Mendelson peut prendre cinq ans à accoucher, celui d'une chanson de Bruit Noir m'aura pris en moyenne dix minutes”

En quoi la violence contenue dans les textes et la musique de Bruit Noir résonne-t-elle avec les événements récents ?

Comme les textes sont improvisés et que je me suis fait le pari de tout laisser passer « sans filtre », forcément l'atmosphère violente du temps, (peut-être plus même que l'actualité), et la propre colère que ça m'inspire, transpirent très fort dans Bruit Noir. Le problème et l'avantage de l'actualité, c'est qu'elle se répète constamment, et le pire trouvera donc toujours un écho encore pire dans les temps à venir. Par exemple le texte avec le crash dans Low cost est arrivé avant le vrai crash de l'avion dans les Alpes, le texte de L'Usine avant le scandale des abattoirs d'Alès. Le texte de Sécurité Sociale avant le récent scandale de la note administrative intimant l'ordre de « décourager les gens » à venir se présenter en personne. La référence à l'attentat de l'hyper casher dans la chanson Joy Division trouve forcément sa résonance avec le Bataclan. Quant au FN, danger déclaré depuis les années 1980, peut-être qu'Einstein avait quelque raison et que « l'on ne règle pas un problème à partir du système de pensée qui a contribué à l'engendrer ». Peut-être qu'il n'est pas encore trop tard pour tout reprendre à zéro ! 

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