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Les magistrats de plus en plus sévères dans les affaires de violences

Une étude de l’Observatoire national de la délinquance note que l’augmentation du nombre de violences est liée à l’attitude de la justice.

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Publié le 16 décembre 2015 à 01h11, modifié le 16 décembre 2015 à 08h30

Temps de Lecture 3 min.

Une salle d'audience du tribunal de Grenoble le 12 décembre 2012.

La hausse est spectaculaire. Entre 2000 et 2012, le nombre de condamnations à des peines de prison ferme pour violences volontaires a augmenté de 62 %. Cela témoigne-t-il d’une explosion des violences en France ?

Non, répond l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), dans une note publiée mercredi 16 décembre. L’Observatoire évoque une « évolution sociétale » : ces faits sont en fait « plus souvent reportés, et plus souvent réprimés ».

La réflexion de l’ONDRP part d’un constat simple. Depuis 2000, les chiffres de la police et de la gendarmerie montrent un doublement des plaintes pour des faits de violences – ce qui a souvent provoqué des développements médiatiques et politiques sur l’« augmentation de la violence en France ».

Parallèlement, le nombre de condamnations pour violences volontaires a augmenté de plus de 25 %, et le nombre de peines de prison ferme prononcées pour ces faits est même passé de 10 770 à 17 320 (+62 %, donc).

Le phénomène est très français. Selon les chiffres du Conseil de l’Europe, la part des violences dans le total des condamnations à de la prison ferme a atteint 28 % en France en 2013, alors qu’elle n’est que de 13,2 % en Allemagne, ou de 5,7 % en Espagne. Et surtout, sur la même période, les enquêtes de l’Insee, puis les enquêtes de victimation menées par l’Insee et l’ONDRP, montrent au contraire une stabilité globale du nombre de personnes se déclarant victimes de violences en France.

Violences conjugales mieux prises en compte

Comment expliquer cette contradiction ? L’ONDRP s’est penché plus particulièrement sur les condamnations à de la prison ferme pour des violences volontaires sans incapacité totale de travail, c’est-à-dire les « violences légères », selon le code pénal. Pour être passibles de prison ferme, elles doivent avoir été commises avec au moins une circonstance aggravante.

L’Observatoire a examiné plus spécifiquement les violences avec une seule circonstance aggravante. Elles sont de plus en plus sanctionnées par de la prison ferme : 4 637 peines prononcées en 2012, contre seulement 719 en 2000.

  • La première explication résulte de la meilleure prise en compte des violences conjugales. De 2000 à 2012, le nombre de condamnations pour violences commises par un conjoint ou concubin – ce qui est une circonstance aggravante – est passé de 85 à 1 454. Une multiplication par 17. Les plans de sensibilisation, menés par les ministères de l’intérieur et de la justice, ont donc au moins en partie fonctionné.
  • Deuxième explication, l’alourdissement du code pénal. Et cela n’a pas manqué, notamment sous l’ère Sarkozy. De 2000 à 2012, le nombre d’alinéas de l’article 222-13 du code pénal, qui liste les circonstances aggravantes, est passé de 11 à 20. Ainsi, en 2003, la loi de sécurité intérieure fait passer par la case prison les violences perpétrées « dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou un lieu destiné à leurs accès » : 77 condamnations en 2012. De même, en 2007, dans la loi de prévention de la délinquance, lorsqu’elles sont commises en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants : 407 condamnations en 2012.
  • Enfin, toutes les autres circonstances sont à la hausse, qu’il s’agisse de celle constituant la part la plus importante des condamnations – « avec usage ou menace d’une arme » (de 411 à 1 510 condamnations à de la prison ferme) – ou de celle la moins représentée – dans ou aux abords d’un établissement scolaire (de 7 à 41).

Une conclusion s’impose donc, à contre-courant de certains clichés : les magistrats sont de plus en plus sévères, et utilisent plus volontiers la prison ferme, y compris pour des violences légères. « Certains comportements violents sont maintenant pris en charge à la fois parce que les victimes portent plainte et parce que la justice les poursuit davantage », résume Cyril Rizk, responsable des statistiques à l’ONDRP et auteur de l’étude. Ces résultats vont dans le sens des travaux de sociologues tels que Laurent Mucchielli (L’Invention de la violence, 2011, Fayard), notamment sur la moindre tolérance de la société face à la violence. Ni justice laxiste, ni explosion des violences : c’est tout un pan du débat politique français que l’ONDRP balaye d’un coup.

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