Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Directive sur la qualité de l’air en Europe : le texte vidé de toute ambition

Réunis en Conseil, les ministres de l’environnement européens ont prévu des obligations moins contraignantes, visant avant tout à éviter des procédures d’infraction.

Par 

Publié le 16 décembre 2015 à 19h02, modifié le 17 décembre 2015 à 09h24

Temps de Lecture 3 min.

La City, à Londres, lors d'un pic de pollution le 10 avril 2015.

La page des grandes ambitions environnementales est bien vite tournée. Mercredi 16 décembre, le projet de nouvelle directive sur la qualité de l’air, actuellement en discussion au sein de l’Europe, est sorti très affaibli de son examen par les ministres de l’environnement européens. Réunis en conseil à Bruxelles, ceux-ci étaient appelés à se prononcer sur ce texte destiné à lutter contre la pollution en Europe.

Ce projet législatif concerne la révision de la directive air de 1999 qui fixe les plafonds nationaux d’émissions pour les principaux polluants générés par l’industrie, les transports, l’énergie et l’agriculture. Présenté en décembre 2013 par la commission Barroso, ce texte prévoit des seuils d’émission plus stricts avec des objectifs à respecter à l’horizon de 2020 et 2030. Et il étend la liste des polluants concernés aux particules fines PM 2,5 (d’un diamètre inférieur à 2,5 microns), notamment émises par les moteurs Diesel et particulièrement dangereuses pour la santé, ainsi qu’au méthane, gaz à effet de serre aussi nuisible que le CO2.

A l’époque, ce durcissement des mesures antipollution était justifié par la volonté de Bruxelles d’en réduire l’impact sanitaire et d’éviter 58 000 décès prématurés par an. L’enjeu est majeur : la pollution de l’air, qui touche toutes les grandes agglomérations, est un cancérogène avéré pour l’homme, favorisant cancers du poumon et de la vessie, maladies respiratoires et cardiovasculaires. Les travaux de la Commission elle-même indiquent qu’en Europe 494 000 personnes meurent tous les ans prématurément, exposées à un air vicié.

Bien qu’incité par sa commission environnement à être plus offensif dans la lutte contre la pollution de l’air, le Parlement européen, appelé à se prononcer fin octobre, s’en est tenu à la proposition initiale de Bruxelles. Exemptant toutefois d’efforts une partie du secteur agricole, les députés européens ont proposé de ne pas prendre en compte dans le calcul des seuils d’émissions de méthane, les gaz entériques, émis par les ruminants.

Le méthane sorti du texte

Les ministres de l’environnement ont eux, mercredi, décidé ni plus ni moins de sortir le méthane des polluants pris en compte dans la directive. Et ils ont pour nombre d’entre eux fortement revus à la hausse les seuils d’émissions de l’ammoniac s’imposant au secteur agricole. L’ammoniac provient en effet à 93 % des engrais ainsi que du stockage et de l’épandage des lisiers utilisés par l’agriculture.

La France qui devait initialement réduire ses émissions d’ammoniac de 23 % d’ici à 2030, n’aurait à les réduire que de 13 %. L’Hexagone n’est pas le seul à vouloir limiter les efforts de son agriculture. L’Allemagne, la Grèce, l’Italie, la Hongrie, l’Espagne, le Royaume-Uni, entre autres, ont aussi plaidé en ce sens et obtenu de réduire entre 8 et 18 points, voire davantage, leur objectif de baisse des émissions d’ammoniac.

Les seuils d’émission de PM 2,5 ont été aussi fortement rehaussés. Exception faite de l’Irlande et de la Finlande, tous les Etats membres ont sensiblement réduit leur objectif de baisse de ces particules fines qui sont pourtant particulièrement nocives pour la santé.

« L’ensemble de ces modifications à la hausse des valeurs limites représentent au moins 16 000 morts prématurés, déplore Louise Duprez du Bureau européen de l’environnement, un groupe d’ONG. Les Etats semblent plus inquiets de se retrouver en infraction que soucieux de lutter contre la pollution », observe-t-elle.

Objectifs flexibles pour échapper aux infractions

Les ministres de l’environnement se sont de fait attachés à limiter au maximum la contrainte. Ils ont ainsi prévu que les objectifs puissent être flexibles, c’est-à-dire ajustables en cas d’imprévu. Par exemple si les progrès technologiques réalisés sur les filtres à particules des voitures n’apportaient pas les performances souhaitées, les Etats pourraient échapper à la procédure d’infraction de la Commission.

Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire

Aussi les gouvernements auraient-ils la possibilité de compenser une réduction insuffisante sur un polluant par une réduction d’émissions dépassant les objectifs sur d’autres polluants. Ou encore si une année, « en raison d’un hiver particulièrement froid, d’un été particulièrement sec ou de variations imprévues dans l’activité de secteurs économiques », ils pourraient faire la moyenne des émissions sur trois années consécutives (l’année en cours, la précédente et la suivante) pour démontrer qu’ils sont néanmoins sur la bonne trajectoire.

« Ces principes de flexibilité sont une surprenante réponse au scandale Volkswagen. Après cette affaire, on pouvait attendre des Etats qu’ils prennent et assument leurs responsabilités dans la lutte contre pollution », souligne Louise Duprez qui appelle le Conseil à se ressaisir et à réintroduire des seuils d’émissions plus stricts et ambitieux ainsi qu’un objectif contraignant supplémentaire à 2025 comme l’a demandé la Parlement.

Le projet de nouvelle directive sur les plafonds d’émissions nationaux doit en effet maintenant faire l’objet d’une négociation entre les trois parties – Conseil, Parlement Commission – en vue d’un accord final.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.