Nonna Mayer, politologue : “Si on se contente de dire non au FN, on va dans le mur”

La politologue Nonna Mayer analyse dans “Télérama” la dernière poussée électorale du Front national. Elle est l'invitée de notre grand entretien cette semaine. Extraits.

Par Michel Abescat

Publié le 15 décembre 2015 à 16h40

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 06h06

Depuis 2011, le score du Front national progresse à chaque élection. Il a rassemblé plus de six millions d'électeurs au premier tour des régionales. Presque autant que le score de Marine Le Pen à la présidentielle de 2012. En revanche, à l'issue du deuxième tour, le Front national n'est pas parvenu à gagner une seule Région, une majorité de Français continuant de refuser que ce parti accède au pouvoir. Alors, où en est réellement le FN ? Est-il devenu le premier parti de France ? Un parti « dédiabolisé » ? Marine Le Pen est-elle « aux portes du pouvoir », comme elle le prétend ? Autant de questions que nous avons posées à la politologue Nonna Mayer, spécialiste de ce parti et qui vient de codiriger un ouvrage somme sur la question, Les Faux-Semblants du Front national. Extrait de l'entretien publié dans le prochain “Télérama”.

Du côté de la droite et de la gauche, on a le sentiment d'une déroute totale face à la progression du FN...

Quand, en 2012, j'ai travaillé avec Céline Braconnier auprès de personnes socialement précaires, elles nous disaient que Marine Le Pen ça changeait des « costard-cravate », qu'elle « faisait moins bourge » et que, au moins, quand elle parle, « on comprend ce qu'elle dit ». Les élus de la gauche et de la droite apparaissent coupés des gens, qui ont le sentiment qu'ils allument la lumière de leurs permanences politiques quinze jours avant l'élection et l'éteignent dès que les urnes sont rangées. Ils vont devoir faire de la politique autrement, réinventer la démocratie locale. Et se garder de deux erreurs majeures face au Front national. La première consiste à reprendre ses thèmes, c'est la pire solution. Placer l'immigration et le discours sécuritaire au coeur du débat légitime les idées du Front national. Quand on se bat, on entraîne l'adversaire sur son terrain, on ne va pas sur celui où il veut vous emmener. Aujourd'hui, la droite donne l'impression de courir derrière le FN. La seconde erreur consiste à faire la morale, à diaboliser le FN et ses électeurs. Réduire la politique à un combat contre le mal est absurde, la morale n'appartient à personne, il y a d'évidence des bons et des méchants dans tous les camps. La diabolisation de l'adversaire lui permet de se poser en victime, ce que Marine Le Pen ne manque pas de faire.

La montée du FN n'oblige-t-elle pas à une recomposition de l'écosystème politique, les partis traditionnels paraissant à bout de souffle ?

Elle oblige en tout cas à s'interroger sur de nouvelles formes de participation politique, venant d'en bas, sans passer par les canaux partisans ni même associatifs. Je pense notamment aux travaux du sociologue danois Henrik Bang sur les « everyday makers », qui essaient, à travers des projets concrets, de changer le monde au quotidien à leur niveau, celui de l'école, de l'entreprise, de l'hôpital.

Et les partis, que doivent-ils faire ?

De la politique. Revenir auprès des gens, les écouter. Répondre à la légitime inquiétude à l'égard de l'Europe, devenue synonyme d'austérité. Se préoccuper de la sécurité des Français, mais pas seulement face au terrorisme ou à la délinquance, du point de vue social aussi. Si on se contente de dire non au FN, on va dans le mur. D'abord parce que cela fait de lui l'alpha et l'oméga de la politique française, ce qu'il n'est pas. Et parce que les électeurs ne veulent pas donner un chèque en blanc aux autres partis juste pour éviter Marine Le Pen. Vous, leur demandent-ils, vous nous proposez quoi ?

Photo : Léa Crespi pour Télérama

Retrouvez l'entretien intégral dans Télérama en kiosques mercredi 16 décembre 2015.

Sur le même thème

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus