Cancer : les traitements seront-ils encore longtemps pris en charge ?

La Ligue contre le cancer sonne l'alarme : les prix des nouvelles molécules anticancéreuses, fixés par les laboratoires pharmaceutiques, ne cessent d'augmenter. Conséquence : la part des dépenses de l'Assurance-maladie consacrée aux traitements anti-cancer est passée de 6,6% en 2007 à 10% en 2015.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Avec un déficit de 7,4 milliards d'euros, l'Assurance-maladie pourra-t-elle encore longtemps prendre en charge les traitements anti-cancer ?

"Cela fait dix ans que nous constatons une inflation des prix des médicaments", a déclaré lors d'une conférence de presse le Pr Jean-Paul Vernant, membre de La Ligue contre le cancer et chercheur au sein du groupe hospitalier La Pitié-Salpêtrière. "En 2004, les médicaments contre le cancer représentaient 24 milliards de dollars ; en 2008, 40 milliards, en 2014 ; 80 milliards sur un total de 650 milliards du coût des médicaments."

Si rien n'est fait pour contenir cette inflation, en 2020, ils représenteront 155 milliards de dollars, "soit un doublement en six ans", a-t-il souligné.

Cette inflation est liée à la multiplication des traitements "ciblés". "Avant, un médicament traitait les 70.000 cancers du poumon", a expliqué M. Vernant, "Aujourd'hui, [chaque médicament] s'adresse à des sous-groupes de malades", car les chercheurs sont parvenus à différencier de nombreux mécanismes distincts susceptibles d'engendrer la prolifération cellulaire.

L'efficacité des ces médicaments innovants n'est absolument pas mise en cause. En revanche, comme l’explique M. Vernant, "les laboratoires, dans une logique de retour sur investissement, veulent que leur médicament proposé à 5.000 malades soit aussi rentable que celui qui était initialement proposé aux 70.000", selon M. Vernant.

Le coût très élevé de l'immunothérapie

"La prochaine molécule qui devrait arriver en France contre le traitement du mélanome, [le pembrolizumab (commercialisée outre-Atlantique sous le nom de Keytruda®)], coûterait plus de 100.000 euros par an pour chaque patient traité", a précise Franck Chauvin, administrateur de La Ligue contre le cancer. "100.000 euros de traitement, c'est trois fois le revenu moyen d'un ménage en France. Cela pose un problème économique, éthique et d'équité".

Face à ce constat, Jacqueline Godet, présidente nationale de l'association, exhorte à "un débat public et une régulation immédiate" car "la fixation des prix représente un enjeu majeur". Elle souligne par ailleurs que le coût de la recherche et du développement des molécules ne représente que 15 à 20% du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques quand le marketing pour promouvoir ces médicaments équivaut à 30% du chiffre d'affaires. Et de conclure que "notre système de santé n'a pas à supporter le coût de la promotion des médicaments".

Les industriels défendent leur positionnement

Dans un communiqué diffusé le même jour, le Leem – fédération des entreprises du médicament opérant en France – a fait valoir son souci de transparence, expliquant être attaché "depuis plus d’un an, à mettre en lumière les éléments qui président aux modalités de fixation du prix des innovations".

Dans le même document, le Leem juge que "la Ligue contre le cancer soulève […] un vrai sujet". Selon Patrick Errard, le président de la fédération, "notre système de soins est à un tournant majeur, et la manière dont est aujourd’hui administré ce système ne permettra pas de façon pérenne le financement des besoins en santé, et ceux de l’innovation en particulier". De son point de vue, "la politique conduite ces dernières années, au travers notamment des lois de financements de la Sécurité sociale, fragilise tous les acteurs de la santé et compromet la capacité de notre pays à engager les grandes mutations rendues aujourd’hui possibles [par l’introduction] de nouveaux traitements au bénéfice des patients".

La fédération professionnelle déclare qu’elle prendra sous peu "l’initiative d’un débat avec l’ensemble des acteurs du système" afin d’engager "une réflexion sur la réforme structurelle de notre système de soins".