VIDEO. Paris 2024, dopage, corruption : les vérités du président du CIO

OLYMPISME. L'homme fort du sport mondial nous a accordé un entretien exclusif. Dopage, corruption, JO de Rio et candidature de Paris : Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), n'a éludé aucun sujet.

VIDEO. Paris 2024, dopage, corruption : les vérités du président du CIO

    « Ah, une photo avec Pierre ! » Malgré le retard pris au déjeuner et un emploi du temps surchargé, Thomas Bach insiste pour descendre dans le parc du château de Vidy, où siège le Comité international olympique sur les bords du lac Léman, afin de prendre la pose avec une statue du baron de Coubertin. L'Allemand, 61 ans, champion olympique de fleuret en 1976, a exhumé cette oeuvre d'art qui dormait au musée du CIO dès sa prise de fonction il y a deux ans. L'ancien avocat la surveille du coin de l'oeil depuis les fenêtres de son bureau décoré de deux torches olympiques, d'un drapeau blanc aux cinq anneaux, de babioles offertes au gré de ses déplacements de chef d'Etat sportif et d'un tableau de Tàpies, peintre catalan. Installé dans le coin canapé, l'homme fort du sport mondial nous a accordé quarante-cinq minutes d'entretien exclusif. Avec le sourire et dans un excellent français.

    L'OLYMPISME AUJOURD'HUI

    «Nous avons des raisons d'être inquiets»

    Vous venez de poser la première pierre du nouveau siège du CIO en scellant une capsule qui sera ouverte en 2115. Que restera-t-il de l'olympisme dans cent ans ?

    THOMAS BACH. Un message de conciliation et d'amitié entre les peuples dans une époque très perturbée. L'olympisme peut démontrer qu'il est possible pour les gens d'être en compétition mais, en même temps, de vivre en paix.

    Etes-vous un homme inquiet ?

    Nous vivons dans une période où il y a plus de guerres, plus de migrants que jamais dans l'histoire. C'est pourquoi nous avons tous des raisons d'être inquiets. Je ne le suis pas plus en tant que président du CIO. Toutes ces circonstances concernent aussi le sport, mais pas seulement.

    Quel est le plus grand danger qui menace l'olympisme ?

    Il y a le dopage et les problèmes de corruption et de bonne gouvernance dans quelques fédérations. Il faut les traiter avec la même force, les attaquer avec une tolérance zéro.

    Seules quatre villes sont en compétition pour recevoir les JO 2024. Y a-t-il un désamour des Jeux ?

    Pas du tout. Ce n'est pas une question de quantité, mais de qualité. Nous avons quatre villes extraordinaires qui ont posé leur candidature (NDLR : Paris, Rome, Budapest et Los Angeles) et qui correspondent à l'Agenda 2020 (la nouvelle feuille de route olympique). D'autres villes nous ont contactés et nous sommes arrivés à la conclusion commune que c'est peut-être un peu trop tôt pour elles.

    Dans un contexte économique difficile, n'est-ce pas un luxe d'organiser des JO ?

    Non, au contraire. Faites le bon calcul. Pour 2024, la CIO apporte une contribution de 1,7 Md$ (1,55 Mdâ?¬) au comité d'organisation. Celui-ci peut même gagner de l'argent ! Après, les investissements dépendent des villes hôtes. Avec le village olympique, vous laissez un grand héritage pour la population...

    L'héritage est souvent une illusion...

    Au moment de l'élection de Rio, 16 % de la population y avait accès au transport public. Après les Jeux, ce sera 63 %. Il est là le grand héritage de ces Jeux. Mais, ça, il faut l'expliquer. C'est pourquoi nous avons changé notre procédure de candidature pour donner plus de flexibilité, favoriser la créativité dans les villes candidates. Nous encourageons l'utilisation de structures existantes, voir comment le temporaire peut servir de nouveau, etc.

    LA CANDIDATURE DE PARIS 2024

    «On ne peut pas comparer les tentatives précédentes»

    A force d'échouer, Paris peut-il bénéficier d'une prime à la persévérance ?

    (Rire.) Non, non...

    Cette candidature est-elle vraiment différente des précédentes ?

    Elle représente une grande unité que je n'avais jamais vue dans les candidatures précédentes. Il y a pour la première fois une unité dans le monde sportif, un grand appui du monde politique et une unité entre le monde sportif et politique. Cela rend la candidature de Paris vraiment très forte. Dans ce sens-là, on ne peut pas comparer avec les tentatives précédentes.

    La candidature de Paris ne soulève pas encore un grand enthousiasme. Pensez-vous que les Franciliens veulent vraiment de ces Jeux ?

    J'ai l'impression que les Français supportent cette candidature. J'ai récemment parlé de ça avec madame la maire de Paris qui m'a très bien expliqué ce système de consultations dans les municipalités. Les gens sont derrière. Mais on ne peut pas attendre de grandes démonstrations neuf ans avant l'événement.

    En tant qu'Allemand, vous auriez pu être soupçonné de peser sur une victoire de Hambourg. Son retrait vous évite-t-il d'être en porte-à-faux ?

    Pfff, non... Vous vous imaginez bien que j'aurais apprécié une candidature allemande. Mais il faut accepter les circonstances particulières qui ne l'ont pas permis (NDLR : le refus des habitants par référendum).

    Thomas Bach :«A Paris, il y a pour la première fois une unité» autour de la candidature. (LP/ Guillaume Georges.)

    LES AFFAIRES ET LE DOPAGE

    «Le CIO a toujours montré sa tolérance zéro»

    Le CIO a été grandement touché par les affaires (qui ont débuté en 1998 avec le scandale de corruption sur l'attribution des JO d'hiver 2002 à Salt Lake City). Est-il à l'abri aujourd'hui ?

    Nous en avons tiré les conséquences à l'époque avec une grande réforme du CIO. Il a été confirmé, par des universités et des experts, que nous avons tous les instruments en place. Après, ça n'exclut pas qu'un jour un cas puisse arriver. Ce qu'on peut demander d'une organisation, c'est d'avoir en place des règles préventives et un système de sanctions qui fonctionnent. Le CIO a toujours montré sa tolérance zéro, vous l'avez vu récemment avec les membres honoraires qui avaient des problèmes (NDLR : soupçonné de corruption, Lamine Diack, ex-président de la Fédération internationale d'athlétisme, a ainsi démissionné du CIO en novembre).

    Ne pourrait-on pas avoir pour un président élu les même durées de mandat ou d'âge limite dans toutes les fédérations ?

    Ã?a, c'est le travail que l'Asoif (Association des fédérations internationales des sports olympiques d'été) va faire. Il existe déjà quelques principes de base. Mais vous ne pouvez pas comparer une fédération internationale de grand professionnalisme avec des milliards de recettes, avec une fédération qui survit juste grâce à la subvention du CIO. Après, on ne peut pas faire de compromis sur les principes. C'est très clair.

    Vous souhaitez déposséder les fédérations des contrôles antidopage pour qu'ils soient centralisés par l'AMA (Agence mondiale antidopage). Comment réagissent-elles ?

    Je suis très content de l'approche des fédérations qui ont appuyé cette initiative lors du sommet olympique du 17 octobre. (Sourire.) Mais il reste des fédérations à convaincre...

    En octobre, vous réclamiez une candidature externe et crédible pour la présidence de la Fifa. Que vous inspire l'affaire Platini ?

    Maintenant, nous sommes en pleine campagne et je ne vais plus m'en mêler. C'est à la Fifa de voir. Aujourd'hui, on a ces candidats-là et cela ne sert à rien de spéculer.

    LES JEUX DE RIO 2016

    «Le Brésil ne vit pas son meilleur moment»

    Qu'est-ce qui peut nous garantir que les JO de Rio seront propres ?

    Nous avons un système antidopage en pleine coopération avec l'AMA (Agence mondiale antidopage) pour détecter les tricheurs avant les Jeux. L'effort sera significatif. Dans les deux pays qui sont les plus touchés en ce moment, la Russie et le Kenya, nous avons parlé avec les CNO (comités nationaux olympiques) afin qu'ils se mettent d'accord avec l'AMA pour avoir des tests hors compétition pour tous les athlètes et tous les sports. A Rio, nous testerons les cinq premiers classés de tous les sports et il y aura un système sophistiqué de contrôles aléatoires hors compétition.

    Concernant la sécurité, les attentats de Paris ont-ils changé vos exigences ?

    La sécurité a toujours été une priorité maximale pour le CIO. Nous n'avons pas de police, pas d'agents, ce sont les autorités du pays hôte qui doivent assurer la sécurité. Les autorités brésiliennes ont invité 55 nations à participer à leur programme. Avec cet effort concerté sur le plan international, tout sera fait pour assurer la sécurité de ces Jeux.

    La ville de Rio sera-t-elle prête au mois d'août ?

    Les dix derniers mois sont toujours un défi. Il faut accepter que le Brésil ne vit pas son meilleur moment politiquement et économiquement. Nous allons étudier comment on peut faire des économies en ce qui concerne le budget sans affecter la qualité des Jeux.

    Respectez-vous les athlètes lorsque vous acceptez que des finales olympiques aient lieu en pleine nuit pour satisfaire vos partenaires et les télévisions ?

    Les horaires ont été approuvés par le comité exécutif du CIO avec les fédérations internationales, où il y a des représentants des athlètes ! Le plus important, c'est que les athlètes savent en avance et peuvent se préparer. Quel que soit l'horaire, il y en aura toujours qui auront d'autres préférences. Je le sais de ma propre carrière (NDLR : d'escrimeur) car je ne suis pas un lève-tôt. Si les compétitions commençaient à 8 heures, le plus dur pour moi était toujours de survivre à la première qualification. J'ai toujours préféré débuter à 11 heures ou midi.

    VIDEO. JO 2024 : «Paris a créé une unité derrière cette candidature»