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Après la COP21, la solidarité climatique à l’heure des comptes

La délégation du Burkina Faso à la COP21. Ce pays du Sahel figure parmi l’un des plus vulnérables face au changement climatique. Benjamin Géminel/COP Paris/flickr

La question du soutien financier des pays en développement dans la lutte contre les changements climatiques aura constitué une pomme de discorde jusqu’aux dernières heures de négociations de la COP21.

Aux côtés du renforcement des capacités administratives et institutionnelles, du transfert de technologies et de la prise en charge des pertes et dommages liés aux changements climatiques, le soutien financier figurait parmi les revendications fortes des pays en développement, en particulier de l’Afrique. Qu’il s’agisse d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, d’adaptation aux impacts des changements climatiques, d’établir et de mettre à jour leurs contributions nationales ou de se soumettre à l’exercice de transparence, les pays pauvres, à la fois les plus vulnérables et les moins pollueurs, ont conditionné leur mise en œuvre de l’accord de Paris à ce soutien financier.

Ces discussions ont reflété les rapports de force au cœur des négociations internationales entre, d’une part, les pays historiquement responsables des émissions de gaz à effet de serre, États-Unis et Union européenne en tête, et d’autre part, les plus gros émetteurs actuels ou futurs, les pays dits « émergents », Chine et Inde en particulier.

La promesse des pays développés de fournir aux pays en développement des ressources « nouvelles et additionnelles » de l’ordre de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 avait contribué à la conclusion in extremis d’un accord lors du Sommet de Copenhague en 2009. Toutefois, lors de la COP21, cette promesse a été remise en cause. D’abord, par les pays émergents, qui ont considéré que cet engagement n’avait pas été tenu. Ensuite, par les pays développés, qui ont indiqué qu’après 2020, ils ne pouvaient être les seuls à s’acquitter de cette « dette climatique ». Enfin, par les pays bénéficiaires eux-mêmes, qui ont souligné la nécessité d’augmenter ce soutien financier, d’en garantir la délivrance et d’en affecter une part significative à l’adaptation et à la réparation des pertes et dommages. Dans ce contexte, l’accord de Paris a dû trancher plusieurs questions particulièrement délicates.

Qui doit payer ?

En 2009, à Copenhague, les pays développés se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 aux pays en développement pour financer leur contribution à la lutte contre les changements climatiques. Ils ont toutefois indiqué lors de la COP21 qu’ils ne voulaient plus être les seuls à payer. Ce message, destiné aux pays émergents, a été reçu avec précaution par la Chine, qui souhaitait que l’accord de Paris invite les plus riches à respecter leur promesse de Copenhague. Elle s’est néanmoins engagée, du moins politiquement, à verser 3 milliards de dollars aux pays les plus pauvres. Si cette annonce doit encore être concrétisée, le symbole est important dans la mesure où il s’agit d’une somme correspondant à la promesse de contribution des États-Unis au Fonds vert pour le climat.

À travers la question du soutien financier, c’est donc le débat sur la différenciation qui ressurgit. Il est regrettable que celui-ci n’ait pas permis une réflexion plus avancée sur les sources de ce soutien financier, alors même que dix membres de l’Union européenne sont en train d’établir une taxe sur les transactions financières, dont le produit pourrait précisément être affecté à la finance climat. Le compromis établi par l’accord de Paris favorise la position des pays émergents, sans doute en contrepartie des concessions accordées par ces derniers s’agissant de leurs contributions nationales à l’effort d’atténuation. À la question de savoir qui doit payer, le texte répond que ce sont les pays développés qui « devraient continuer de montrer la voie ». Les autres Parties sont seulement invitées à participer à cet effort sur une base volontaire.

Quid du montant du soutien financier ?

L’un des enjeux majeurs de l’accord de Paris était de mobiliser plus d’argent pour la lutte contre les changements climatiques. Il s’agissait non seulement de prévoir des garanties que les pays développés allaient respecter leur engagement de Copenhague, mais également d’augmenter la finance climat au-delà de 100 milliards de dollars par an après 2020.

Sur le premier point, le rapport publié par l’OCDE en octobre 2015 a démontré que, pour l’année 2014, 62 milliards de dollars avaient été versés. Par ailleurs, en amont et pendant la COP21, plusieurs annonces de financement supplémentaires ont été faites. Pour autant, le compte n’y est pas encore. Or, le montant plancher du soutien financier a disparu du texte de l’accord de Paris, pour n’être mentionné que dans la décision de la Conférence des Parties, dont la valeur juridique est plus incertaine. En outre, la précision du caractère « nouveau et additionnel » de ce soutien financier n’apparaît plus.

Sur ces points, la lecture combinée de l’accord et de la décision est importante. En effet, si le principe d’une progression du soutien financier par rapport aux efforts antérieurs apparaît bien dans l’accord de Paris (article 9-3), cette mention doit être relativisée au regard du paragraphe 54 de la décision, qui prévoit simplement la continuation de l’engagement collectif actuel jusqu’en 2025. Dès lors, l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, prévue pour 2020, n’entraînera pas immédiatement d’augmentation du soutien financier.

L’élévation du soutien financier constituait pourtant une revendication forte de l’Afrique, qui repart de la COP21 avec peu de certitudes, mais tout de même l’espoir que l’exercice d’évaluation périodique permette de relever le niveau d’ambition du soutien financier. De manière plus précise, la décision prévoit que la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’accord de Paris devra fixer, avant 2025, un nouvel engagement collectif chiffré de soutien financier, allant au-delà des 100 milliards de dollars par an et tenant compte des besoins et priorités des pays en développement.

Au-delà de l’affirmation de ces principes de non-régression et de correspondance avec les besoins des pays en développement, des engagements fermes, chiffrés et individuels n’ont pas été pris en matière de finance climat. Cette imprécision était, toutefois, nécessaire pour éviter que la participation des États-Unis à l’accord de Paris n’ait à impliquer le Sénat ou le Congrès.

Comment l’argent doit-il être dépensé ?

Pour les pays vulnérables, la bataille relative à la finance climat concernait aussi la nature des financements. Il s’agissait pour eux de s’assurer qu’une part substantielle des ressources mobilisées serait attribuée sous forme de dons et non de prêts. Cette position reflète le souci des pays en développement que la finance climat soit plus largement affectée à l’adaptation, qui protège les populations des impacts des changements climatiques, mais ne peut pas générer de profits, contrairement aux actions d’atténuation.

Or, actuellement, 80 % des financements climat concernent l’atténuation. Sur ce point, aussi, la décision de la Conférence des parties ne manque pas d’ambiguïté. En effet, si le principe d’une affectation équilibrée du soutien financier à l’atténuation et à l’adaptation figure bien dans l’accord (articles 9-1 et 9-4), le paragraphe 54 de la décision ne fait pas mention de l’adaptation pour la période pré-2025. En outre, l’accord se contente de reconnaître « la nécessité de prévoir des ressources d’origine publique et sous forme de dons pour l’adaptation », sans autre forme de précision quant à leur part au sein du « large éventail de sources, d’instruments et de filières » d’où proviendra le soutien financier. Dès lors, rien ne garantit que le soutien financier qui sera effectivement versé permettra de réduire la vulnérabilité des pays les plus exposés aux effets des changements climatiques, dans un contexte où l’état actuel des contributions nationales à l’effort d’atténuation sont insuffisantes pour que l’élévation de la température moyenne du globe reste en deçà de 2 °C.

Quelles garanties ?

La transparence est essentielle pour s’assurer que les promesses de financement sont honorées, que ce soit individuellement ou collectivement. La difficulté en la matière tient à l’absence de méthodologie commune pour collecter et communiquer l’information relative au soutien financier. S’agissant des ressources provenant d’une intervention publique, la décision prévoit la mise en place d’une telle méthodologie d’ici à 2018, afin d’éviter la situation actuelle où la source d’information la plus complète émane d’un rapport de l’OCDE, remis en cause par certains États, comme l’Inde, qui n’en font pas partie.

En revanche, le calendrier est plus imprécis pour déterminer les informations requises pour faire état des autres sources de financement, ou des soutiens projetés, plus délicates à collecter. Dés lors, l’information communiquée par les pays en développement sur le soutien reçu ou nécessaire et celle résultant des travaux du Comité permanent du financement demeurent importantes pour avoir une meilleure vue d’ensemble du soutien financier, en dépit de la complexité de cet exercice.

En définitive, l’accord de Paris laisse entrevoir des perspectives intéressantes pour le soutien financier, en prévoyant l’élargissement du cercle des contributeurs, la progression de son montant, l’affectation d’une partie de ce soutien financier à l’adaptation et un renforcement de la transparence. Néanmoins, tout ceci reste à être traduit en pratique et l’accord de Paris ne prévoit guère de garanties à cet égard. Il doit être lu conjointement avec la décision de la Conférence des parties qui fixe trois rendez-vous importants dans les années à venir : en 2018 pour la définition des modalités de comptabilisation des ressources financières fournies et mobilisées, en 2023 pour l’évaluation des progrès collectifs accomplis et avant 2025 pour la fixation d’un objectif chiffré collectif rehaussé.

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