Espagne : une nouvelle génération au pouvoir ?

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En Espagne, les nouveaux partis Podemos et Ciudadanos bousculent les partis traditionnels PP et PSOE. Vont-ils signer la fin du bipartisme dimanche lors des élections générales ? Peuvent-ils accéder au pouvoir ? Le mouvement des indignés du 15 mai 2011 a fait émerger une nouvelle génération aux nouveaux modes de contestation et nouvelles formes d'organisation de la société. Comment va-t-elle s'exprimer dans les urnes ? **Reportage d'Annabelle Grelier, avec vos réactions. **

**Reportage à écouter ci-dessus : Dans la plateforme d’aide aux victimes des crédits immobilier PAH du quartier populaire d’Hosta Francs à Barcelone. **

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Depuis l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, 650.000 familles ont fait l’objet d’une procédure de saisie hypothécaire et des milliers ont été expulsées de leur logement parce qu’elles ne peuvent plus rembourser leur crédit ou tout simplement payer leur loyer. La PAH, la plateforme d’aide aux victimes des crédits immobiliers est l’une des associations emblématiques nait du mouvement citoyen des indignés.

L’une des cofondatrices de cette association Ada Colau est même devenue maire de Barcelone, là où les procédures ont été les plus nombreuses. Elle fait aujourd’hui campagne pour Podemos. La PAH est présente dans de nombreuses villes en Espagne.

Qui seront les candidats
Le chef du gouvernement sortant PP, la droite conservatrice, Mariano Rajoy, 60 ans, affronte ce dimanche 3 voire 4 challengers encore inconnus en 2011, quand il est arrivé au pouvoir. Ce sont les enfants de la crise, ils ont entre 30 et 43 ans, sont issus pour la plupart de mouvements citoyens ou de la société civile. Portés par leur dégoût de la corruption des élites et la misère sociale des jeunes, ils s’imposent dans le débat politique par de nouveaux moyens d’actions et de communication. La « Nueva Politica » comme on l’appelle dans les médias espagnols. Qui sont-ils ? Quelle est leur ligne ? Ces nouveaux partis, ces nouvelles personnalités politiques peuvent-elles prendre le pouvoir en Espagne ? Après Mateo Renzi en Italie et Alexis Tsipras en Grèce la nouvelle génération peut-elle dimanche, prendre le pouvoir en Espagne et demain en Europe ?

Meeting Ciudadanos Barcelone
Meeting Ciudadanos Barcelone
© Radio France - A. Grellier

La relève
Qui sont ceux qui incarnent cette nouvelle manière de faire de la politique ?

Albert Rivera, candidat de Ciudadanos aux législatives espagnoles de fin 2015
Albert Rivera, candidat de Ciudadanos aux législatives espagnoles de fin 2015

Albert Rivera**, le chef de file de Ciudadanos. ** Jeune avocat catalan de 36 ans, diplômé d’une des meilleures écoles de commerce espagnole, l’Esade à Barcelone, Il démarre sa carrière au service juridique de la banque catalane Caixa récemment absorbée par BBVA dans le cadre des restructurations bancaires après l’éclatement de la bulle immobilière espagnole en 2008. Il rejoint en 2005 la plateforme citoyenne Ciutadants de Catalunya destinée à mobiliser les catalans en faveur du maintien de la région dans l’Espagne. Un an après, elle débouche sur la création du parti Ciudadanos. En 2010, le parti le choisira comme leader pour les élections régionales.

Albert Rivera dit ne pas aspirer à être un politicien professionnel mais un professionnel dédié temporairement à la politique. Pour ses sympathisants, il apparaît dans cette campagne législative comme le candidat libéral et progressiste de la nouvelle Espagne conquérante et moderne. Même si la lutte contre la corruption des élites est aussi son cheval de bataille.

Ses détracteurs rappellent que le Président de la banque Sabadell avait déclaré qu’il faudrait un Podemos de droite. Un espace en effet pris par Ciudadanos qui se présente comme un parti de centre-droit à l’image ultra étudiée et au talent certain de communication. Albert Rivera apparaît comme étant l’espoir de la vieille droite à qui Mariano Rajoy tend la main pour une éventuelle alliance, ce que son parti Ciudadanos dit pour l’heure officiellement refuser.

Meeting Podemos à Madrid
Meeting Podemos à Madrid
© Radio France - A. Grelier

Pablo Iglesias, 37 ans, dit ‘le professeur’, était enseignant chercheur en sciences politiques à l’Université Complutense de Madrid et spécialiste des modes d’action collective, son sujet de thèse de doctorat. Son engagement politique débute en 1994 dans l’Union des Jeunesses Communistes d’Espagne, à partir de 2001 il participe au mouvement anti- mondialisation et défend la désobéissance civile comme moyen de lutte.

Pablo Iglesias, le candidat de Podemos aux élections législatives espagnoles de fin 2015
Pablo Iglesias, le candidat de Podemos aux élections législatives espagnoles de fin 2015

Il participe à la création du mouvement Podemos dans la perspective des élections européennes et à l’issue des primaires il est désigné tête de liste de sa formation. Il démissionne de son mandat de député européen pour se consacrer aux élections législatives de dimanche.

Personnalité controversée, ses détracteurs lui reprochent son agressivité face à l’establishment et ses prétendus liens avec le Chavisme.

La lutte contre la corruption des élites, contre l’austérité, contre la finance internationale et contre les inégalités sociales sont ces principaux chevaux de bataille. Pablo Iglesias conteste également le système électoral espagnol qui avantage les partis traditionnels.

Podemos porte également le projet d’une plateforme de démocratie directe.

**> Retrouvez notre précédent Pixel "Podemos est-il un parti comme les autres ?"
**David, ex Indignados, votera Podemos
David Leal a 28 ans. En 2011, il etait sur la place de la Puerta del Sol parmi les milliers d'Indignados. Quatre ans plus tard ce jeune étudiant en sciences sociales est devenu professeur en CDD dans une école privée. Il votera Podemos dimanche :

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Pedro Sanchez, candidat du PSOE aux législatives de fin 2015
Pedro Sanchez, candidat du PSOE aux législatives de fin 2015

Pedro Sanchez**, 43 ans, candidat du PSOE, ** fait figure du renouveau socialiste espagnol. Surnommé « el guapo », le beau gosse, Pedro Sanchez incarne la rupture avec les caciques du parti et les erreurs de l’ère Zapatero. Diplômé de la faculté d’économie de Complutense et après un master en politique économique de l’Union Européenne à Bruxelles, il entre au Parlement Européen comme assistant parlementaire. Resté second couteau sur les listes électorales du PSOE, il obtient son doctorat dans une faculté privée de Madrid en 2014. La même année, en pleine défaite des socialistes aux élections européennes marquée par la montée en puissance du nouveau Podemos, il brigue et obtient le poste de secrétaire général du PSOE et crée la surprise en étant candidat aux législatives. Surprise de taille, 1 mètre 90 et physique attrayant, Pedro Sanchez se montre impétueux et sans concession sur les plateaux de télévision voire même offensif lors du face à face avec Rajoy. Alors que le parti socialiste est lui-même entaché de scandales financiers. Pedro Sanchez fait sienne la lutte contre la corruption et plaide pour l’abrogation de la réforme du travail menée par Rajoy ainsi que l’article 135 de la constitution, texte adopté sous la pression des marchés en 2011 qui plafonne les dépenses publiques et remet en cause l’Etat providence espagnol.

Alberto Garzón, candidat aux législatives espagnoles de fin 2015 pour Unidad popular
Alberto Garzón, candidat aux législatives espagnoles de fin 2015 pour Unidad popular

Alberto Garz ón, 30 ans , c’est le plus jeune candidat en lice pour ces élections. Engagé sous la bannière du parti écolo communiste Izquierda Unida, il n’a probablement pas de chance d’arriver dans les quatre premiers, même si son parti a réussi à réunir plus d’un million de voix aux élections législatives de 2011.

Elu député de Malaga à 26 ans, ce brillant diplômé en économie incarne à part entière cette jeune génération d’indignés espagnols.

C’est d’ailleurs sa participation au mouvement du 15 mai à la Puerta del Sol qui en a fait le porte-parole à la Chambre des députés.

Fait marquant, le jour de son investiture au Congrès, il renonce au système de pension de retraite privée qu’offre son mandat.

« Des actes, pas des programmes »

Législatives en Espagne fin 2015 : les sondages
Législatives en Espagne fin 2015 : les sondages

Cela semble être le mot d’ordre de cette jeunesse espagnole qui aujourd’hui ne se retrouve plus dans aucun parti traditionnel. Plus largement, c’est toute une société qui traverse une véritable crise de confiance face aux élites de ce pays. Depuis 2010, 1900 personnes ont été mises en examen pour faits de corruption parmi elles 360 sont des responsables politiques. L’une des plus emblématiques, l’affaire « Barcenas » visait 186 personnes dans le financement illégal du parti au pouvoir le PP et dernière en date, celle dite « des plans sociaux » : en Andalousie, 227 personnes mises en examen dont 49 élus du parti socialiste pour détournement de fonds destinés aux chômeurs. Même la « vertueuse » Catalogne n’est pas en reste avec l’affaire Pujol, dans laquelle l’ancien leader nationaliste catalan a été mis en examen pour sa fortune cachée en Andorre et en Suisse.

Sur ce terreau de la corruption, du chômage et des inégalités sociales, le mouvement des Indignados de la Puerta del Sol a initié en Espagne une multitude de plateformes citoyennes d’entraide et de lutte dont on voit aujourd’hui émerger des personnalités comme Pablo Iglésias, Alberto Garzon ou encore Ada Colau, la nouvelle maire de Barcelone soutenue par Podemos.

**Julia participe au collectif Purple Rain à Madrid, ** plateforme citoyenne de designers, artistes et communicants qui s'engagent dans la campagne pour rétablir l’équilibre du traitement médiatique des candidats lors des campagnes électorales. Manuela Carmena pour les municipales et Podemos pour les législatives.

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**** Ecoutez aussi à ce sujet "Les Matins", de Guillaume Erner, depuis Madrid :

Espagne : laboratoire du renouveau politique ? Emission en direct de l'Institut français de Madrid

2h 31

Et "Affaires étrangères", de Christine Ockrent :

L'Espagne et le renouveau démocratique

59 min

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