Discours de Donald Trump : un vocabulaire adapté aux... 9-10 ans

Discours de Donald Trump : un vocabulaire adapté aux... 9-10 ans

    Dans la course à l'investiture républicaine pour l'élection présidentielle de 2016, Donald Trump se distingue régulièrement de ses rivaux par ses propos outranciers et provocateurs. Des propos qui ne choquent pas tous les électeurs américains puisqu'ils sont toujours 38% à le soutenir selon un sondage Washington Post/ABC publié mardi, voire 41% selon l'institut de l'université Monmouth. Mais au-delà du contenu de ses discours, le candidat-milliardaire se démarque aussi par la manière dont il s'exprime. La pauvreté de ses discours ne résiste pas à une analyse scientifique...

    Le linguiste Rudolf Flesch et le scientifique J. Peter Kincaid ont développé pour la marine de guerre américaine une méthode qui permet de déterminer la complexité d'un texte écrit en anglais, en fonction de la longueur de ses phrases et du nombre de syllabes dans les mots utilisés. Si l'on applique le test Flesch-Kincaid aux discours d'introduction et de conclusion tenus par les neuf candidats républicains, lors du débat de mardi soir à Las Vegas (ouest), il en ressort ainsi que c'est Donald Trump qui a le langage le plus pauvre.

    Selon les calculs issus de cette méthode, le magnat de l'immobilier a tenu un discours que des enfants de 9-10 ans auraient pu comprendre. Dans ses discours d'introduction et de conclusion, moment où les candidats doivent résumer le plus efficacement possible leur message, il n'a utilisé en 1 minute 30 que 7% de mots de plus de trois syllabes (l'anglais est une langue où les mots sont plus courts que le français).

    Il use et abuse de mots courts et simples

    Pour étayer ses arguments, Trump use et abuse de mots courts et simples, comme «good», «bad» et «great» (en français : «bons», «méchants» et «génial»). Il a ainsi conclu son intervention à Las Vegas en promettant : «Si je suis élu président, nous allons nous remettre à gagner. Nous allons beaucoup gagner. Et nous allons avoir un pays génial, vraiment génial, encore plus génial qu'auparavant». A l'inverse, il a qualifié le président syrien Bachar al-Assad de «mec méchant, très méchant» (dans le texte : «bad guy, very bad guy»).

    Pou les spécialistes du langage, cette pauvreté de vocabulaire est un élément de sa stratégie. «Donald Trump tente de rassurer son auditoire, en touchant nos instincts politiques primaires. Il répète des mots simples», explique Peter Lawler, professeur de sciences politiques à l'université Berry College, et auteur d'un livre sur la rhétorique politique américaine. «Une certaine frange d'Américains associent la simplicité à l'honnêteté. Ils ne croient plus aux discours trop élaborés, ils les jugent trompeurs», ajoute Matthew Baum, professeur de communication à l'école d'administration Harvard Kennedy School.

    L'homme d'affaires de 69 ans utilise également souvent le mot «bête» ( en VO : «stupid»), pour qualifier ses adversaires ou le gouvernement au pouvoir. «Nous sommes dirigés par des personnes bêtes. Auparavant je disais "incompétent" mais "bête", c'est vraiment le niveau supérieur», proclamait-il lors d'un meeting début décembre.

    «Il y a des dossiers qu'il ne maîtrise pas du tout»

    S'agissant des autres candidats, l'âge nécessaire pour comprendre leurs déclarations va de 11 ans pour le sénateur libertarien Rand Paul à 15 ans pour Ted Cruz ou le neurochirurgien à la retraite Ben Carson. La part de mots de plus de trois syllabes dans les discours des autres candidats était de 14% en moyenne, le double de Donald Trump. Ted Cruz, le sénateur du Texas qui occupe la deuxième place derrière Trump dans les intentions de vote, a pour sa part utilisé 24% de mots "complexes", alors que Jeb Bush, l'ancien gouverneur de Floride, en a utilisé 15%.

    «Les autres candidats révisent beaucoup avant les débats, et leurs réponses semblent trop préparées à l'avance. Trump se contente de dire ce qui lui passe par la tête. Mais tout cela est calculé, il sait très bien ce qu'il fait», analyse Peter Lawler. Donald Trump a eu recours à la même rhétorique simpliste pour aborder pendant le débat le sujet de l'utilisation d'internet par l'organisation Ã?tat islamique (ou Daech) : «Nous devrions pouvoir pénétrer dans internet, et trouver exactement où est l'EI, et tout ce qu'il y a sur l'EI. Et on peut le faire, si on utilise nos bonnes personnes ("good people")».

    «Il y a des dossiers qu'il ne maîtrise pas du tout, mais le public ne s'en émeut pas, conclut Peter Lawler. Marco Rubio a repris Trump lors du dernier débat, mais son intervention était ennuyeuse. Trump se justifie en disant qu'il engagera les meilleurs experts sur ce sujet quand il sera président».

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