Le général de Gaullele 18 octobre 1962 dans son bureau à l'Elysée

Le général de Gaulle le 18 octobre 1962 dans son bureau à l'Elysée.

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C'est d'abord par la représentation, en particulier les voyages en province, que le président de la République, "inaugurateur de chrysanthèmes", conquiert son magistère. D'emblée ou presque - disons, passé Jules Grévy (1879-1887) -, de Gaulle perce sous Félix Faure. Bénéficiant du septennat - voulu par les orléanistes en contrepartie à leur acceptation du nouveau régime en 1875 -, le président jouit d'une stabilité qui contraste avec la volatilité de ses gouvernements et se tient, par essence, en dehors des querelles partisanes qui affaiblissent le régime.

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Par la suite, le pouvoir exécutif - incarné par Poincaré, puis surtout Clemenceau - monte en puissance à l'occasion de la Première Guerre mondiale durant laquelle le gouvernement doit "se militariser", autrement dit gagner en efficacité et en autorité tant envers l'état-major qu'envers les chambres dont les désunions et les procédures jurent avec l'esprit de combat. Le pli est pris et s'accentue au croisement des années 1930 durant lesquelles la conjugaison des crises économique et politique plaide en faveur d'une rationalisation accrue à l'heure du taylorisme triomphant.

Le présidentialisme,"absolutisme inefficace"

Cette rationalisation se traduit par la montée en puissance parallèle d'un Etat technicien (bientôt technocrate) et de la présidence du Conseil qui prend définitivement l'ascendant sur les autres ministères, ainsi qu'en témoignent son ancrage à Matignon et la croissance du nombre de ses collaborateurs. Leur alliance, qui renoue avec la matrice colbertiste, se traduit en procédures expéditives, comme les décrets-lois qui marginalisent les parlementaires tout en les décrédibilisant.

Reste à franchir l'ultime étape de cette "monarchisation" souterraine qui trouvera sa conclusion naturelle en 1958. En définitive, "la montée en puissance de l'Etat a[ura] été la grande cause de la métamorphose du pouvoir exécutif et de son triomphe final sur la République du Parlement".

Tout comme il aura fallu un siècle pour passer de la Révolution à la République (1789-1875), il en aura donc presque fallu un autre pour accéder au présidentialisme que Jean-François Revel qualifiait - hier à tort, aujourd'hui à raison? - d'"absolutisme inefficace". Le mérite de cet ouvrage ambitieux consiste à en retracer la genèse en exhumant des sources aussi diverses que méconnues. Dommage que l'histoire administrative ait la part trop belle par rapport à l'histoire politique et celle des idées, ce qui aurait accru le plaisir de sa lecture.

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