POLITIQUE - Discours en corse, références à des prisonniers politiques, rhétorique clairement indépendantiste... La situation en Corse depuis l'élection du dirigeant autonomiste Gilles Simeoni ne manque pas de faire réagir sur "le continent".
Le gouvernement a d'ailleurs réaffirmé ce vendredi 18 décembre, au lendemain de l'installation des nationalistes à la tête de la Corse, la place de l'île dans la République, se disant cependant ouvert à un dialogue "constructif et apaisé" avec les nouveaux élus, qui défendent une "logique d'émancipation".
Quelque peu éclipsée par le score du Front national dans les autres régions, la victoire des nationalistes corses, grands gagnants des élections territoriales dimanche, a un peu pris de court le gouvernement, le plaçant devant une situation inédite.
Un sujet de préoccupation
"C'est un sujet de préoccupation, même si nous ne sommes pas totalement étonnés par les résultats", confiait un proche du Premier ministre après la première grande victoire nationaliste depuis le renouveau de ce courant de pensée, à la fin des années 1960.
Le dirigeant autonomiste Gilles Simeoni a été élu jeudi président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse, tandis que l'indépendantiste Jean-Guy Talamoni s'installait à la présidence de l'Assemblée de Corse. C'est la première fois, depuis sa création en 1982, que les nationalistes dirigent les institutions insulaires.
Vendredi, Manuel Valls a téléphoné à Gilles Simeoni, promettant de maintenir un "dialogue serein, constructif et apaisé", selon Matignon. Gilles Simeoni avait lui-même appelé la veille à l'ouverture d'un "dialogue serein et constructif", demandant "au gouvernement et à l'Etat de prendre la mesure de la révolution démocratique que la Corse est en train de vivre".
Le Premier ministre, qui était un proche conseiller de Lionel Jospin lors de la négociation d'un nouveau statut pour l'île à la fin des années 90, a aussi réaffirmé "son attachement à la place de la Corse dans la Nation et dans la République française et sa reconnaissance de la spécificité de l'île". Mais si le gouvernement tient à se montrer vigilant, d'autres responsables politiques s'offusquent plus clairement de la tournure des événements.
Fillon appelle Hollande à réagir
L'ancien ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement s'est lui dit "certainement" choqué par le discours en corse prononcé jeudi par Jean-Guy Talamoni, tandis que François Fillon, dénonçant ce même discours, a demandé à François Hollande "une réaction claire" face aux "insultes" de la majorité nationaliste élue à la tête de la Corse.
"Le prononcé d'un discours inaugural dans une langue qui, à ce jour, n'est pas celle de la République, la référence à des prisonniers 'politiques' dont le Premier ministre a rappelé récemment qu'ils n'existaient que dans l'imagination des 'nationalistes', et plus encore les insultes faites à l'histoire de notre pays méritent de la part du chef du gouvernement un ferme rappel à la loi et de la part du chef d'Etat une réaction claire concernant l'unité de la nation française", a déclaré l'ancien Premier ministre dans un communiqué.
Un détail qui aussi fait bondir Alain Juppé qui a exprimé son mécontentement sur Twitter. Message retweeté par un autre ancien premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.
Voici comment l'intéressé, Jean-Guy Talamoni, a justifié sur BFMTV sa prise de parole en corse ainsi que les objectifs politiques de sa formation politique.
Plus tôt vendredi, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, avait coupé court à toute velléité de sortir des clous, avertissant que "la République n'a pas l'intention de baisser les bras" et que "la loi sera la même pour tous, y compris en Corse".
Il n'empêche, certains gestes sont pour le moins évocateurs sur l'île de beauté. Comme le rapporte Le Monde, Jean-Guy Talamoni a prêté serment au nom du "gouvernement corse" et sur un livre qui n'est pas du tout le code civil. "Jean-Guy Talamoni a trouvé en revanche le livre sur lequel jurer : la Justification de la révolution de Corse, une "bible" du paolisme, figure du nationalisme corse, rédigée en 1758, dix avant le traité de Versailles où Gênes cède la Corse à la France". En effet, on a connu plus républicain comme démarche.