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Santé

En Allemagne, le procès d'une pilule contraceptive

Une Allemande accuse le contraceptif oral Yasminelle, du laboratoire Bayer, d'être à l'origine de graves problèmes de santé.
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En Allemagne, le procès d'une pilule contraceptive
Felicitas Rohrer en procès contre à Bayer au sujet de la pilule contraceptive, Yasminelle.
© FREDERICK FLORIN / AFP

"Si j'avais su, je n'aurais jamais pris cette pilule". Felicitas Rohrer accuse Yasminelle, contraceptif oral du laboratoire Bayer, d'avoir mis sa vie en danger et s'attaque depuis le 17 décembre 2015 au géant pharmaceutique lors d'un procès symbole en Allemagne. Les soupçons contre les pilules de la famille Yasmin - qui comprend Yasminelle et Yaz, toutes à base de l'hormone drospirénone - ont déjà coûté à Bayer presque deux milliards de dollars aux États-Unis, versés à environ 10.000 plaignantes pour éviter de longs et coûteux procès.

Le diagnostic a exclu toute autre cause que ma pilule"

Maintenant, c'est sur son marché domestique que Bayer, fleuron de l'industrie chimique allemande, est attaqué. Mme Rohrer lui réclame 200.000 euros de dommages et intérêts. Mais "l'argent ne peut pas réparer ce que moi et d'autres femmes avons vécu. Ce que je souhaite vraiment, c'est la justice", insiste la jeune femme, qui habite Willstätt (sud). Elle rêve, sans grandes illusions, que le laboratoire "retire (Yasminelle) du marché". À 31 ans, après une embolie pulmonaire, Mme Rohrer prend un traitement anticoagulant qui compromet grandement ses chances d'avoir des enfants ; elle s'essouffle rapidement et doit porter pour tout au long du trajet en voiture un bas de contention. Cette ancienne vétérinaire est désormais journaliste, pour éviter de porter des charges lourdes. En juin 2009, Mme Rohrer, jusque-là en parfaite santé, s'effondre brusquement. Après 20 minutes d'arrêt cardiaque, les urgentistes découvrent dans ses poumons des caillots de sang qui bouchent ses veines.

"Les médecins n'arrivaient pas à croire qu'une jeune femme de 25 ans puisse subir soudainement une embolie pulmonaire", raconte-t-elle. Et après examen, "le diagnostic a exclu toute autre cause que ma pilule". Le groupe d'entraide qu'elle a fondé depuis a recueilli environ 250 témoignages de femmes ayant subi des effets secondaires similaires.

Un profil bénéfice-risque positif selon Bayer

Première patiente en Allemagne à se retourner contre Bayer, Mme Rohrer lui reproche de ne pas avoir suffisamment informé dans sa notice sur les risques de thromboembolie associés à Yasminelle. Bayer, qui a vendu en 2014 pour 768 millions d'euros de pilules Yasmin et affiliées (sur un chiffre d'affaires total de 42 milliards d'euros), estime les accusations "injustifiées" et souligne "le profil bénéfice-risque positif" de son traitement, autorisé par toutes les agences du médicament. La justice lui a pour l'instant plutôt donné raison, notamment dans un procès en Suisse.

Pourtant, plusieurs études ont montré que les pilules de troisième et quatrième génération (à base de drospirénone et d'autres progestérones récentes) multipliaient par deux le risque de thromboembolie, par rapport à leurs parentes de deuxième génération. En France, théâtre de plaintes très médiatisées contre Bayer, la polémique a conduit la sécurité sociale à arrêter le remboursement de ces pilules, provoquant un effondrement des ventes - et un recul des admissions hospitalières pour embolie pulmonaire chez les femmes, remarque une revue médicale allemande.

1 femme sur 766 concernée ?

Avec ces pilules, "le risque augmente et les femmes doivent en être conscientes", confirme Yana Vinogradova, chercheuse à l'Université de Nottingham (Royaume-Uni). Mais "ces risques restent faibles, plus faibles que ceux liés à une grossesse", tempère-t-elle. D'après une étude qu'elle a menée, basée sur les données de trois millions de patientes, "on peut traiter 766 femmes avec de la drospirénone, et une seule sera victime d'une thromboembolie".

La Techniker Krankenkasse, première caisse publique d'assurance-maladie d'Allemagne, s'étonnait dans un rapport alarmiste récent de "la dominance sur le marché des pilules à plus haut risque", de troisième et quatrième génération. "Il y a un manque d'information de la part des médecins et de l'industrie pharmaceutique", regrette Gerd Glaeske, pharmacologue et coauteur du rapport. Pour lui, le procès de Mme Rohrer est un "symbole important". D'autant plus que Yasmin, avec ses propriétés anti-rétention d'eau diminuant la prise de poids, est "la première pilule à avoir clairement mis l'accent sur les aspects beauté et bien-être", ouvrant la voie aux contraceptifs qui vantent, par exemple, leur efficacité contre l'acné, rappelle-t-il. Entre temps, aux États-Unis, Bayer voit aussi s'accumuler les plaintes contre Essure, implant contraceptif accusé de provoquer douleurs et saignements chroniques.

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