Législatives en Espagne : courte victoire de la droite, le PS et Podemos en embuscade

 

Législatives en Espagne : courte victoire de la droite, le PS et Podemos en embuscade

    Penchera t-elle à droite, penchera t-elle à gauche ? Au soir des élections législatives qui se déroulaient ce dimanche en Espagne, le pays apparaît difficile à gouverner, sans majorité franche. Annoncé comme le plus serré de l'histoire récente, avec deux nouveaux partis, Podemos (extrême gauche) et Ciudadanos (centre-droit), bien décidés à mettre fin à la domination du Parti populaire (droite) au pouvoir et du PSOE (opposition socialiste), le scrutin n'a pas déçu.

    Les conservateurs du Parti populaire (droite) au pouvoir depuis 2011 arrivent bien en tête mais avec seulement 28,7% des voix ils n'obtiennent que 123 sièges, loin de la majorité absolue (176 sièges). Le PSOE (socialistes) avec 22,3% des suffrages  et 90 sièges se place en deuxième position, devant Podemos qui recueille 20,5% des voix et 69 sièges. Ciudadanos recueillerait 13,7% et 40 sièges. La participation se situerait à 72%.

    Avec seulement 123 sièges aux Cortes â?? l'assemblée nationale espagnole â??, le Parti populaire de Mariano Rajoy est en net reflux : il avait remporté 186 sièges en 2011, avec plus de 40% des voix. Le PSOE décroche l'un des pires résultats de son histoire mais sauve de peu sa place de second. Il devra compter avec Podemos et ses alliés, qui malgré la jeunesse de leur parti fondé en 2014 dans le sillage des «Indignés»,  remportent un succès éclatant. Le parti de centre-droit Ciudadanos, en recul par rapport à ce que prévoyaient certains sondages, réussit néanmoins une percée sur la scène politique nationale.

    Sur le papier, c'est donc la droite qui gagne les élections. Mais en réalité, ce scrutin dessine une assemblée fragmentée, sans majorité claire pour gouverner.

    Le chef du gouvernement espagnol sortant, le conservateur Mariano Rajoy, 60 ans, qui briguait sa réélection, a annoncé qu'il tenterait de former le prochain gouvernement. Mais après avoir perdu sa majorité absolue à la chambre des députés, et avec moins de 30% des voix, il  aura du mal à former un gouvernement «stable», et sans doute pas tout seul. «Le Parti populaire reste la force majoritaire, la force préférée des Espagnols», a cependant estimé dimanche soir Pablo Casado, son porte-parole,  tandis que la vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, assurait que le Parti populaire avait gagné lesl élections. Avant le scrutin, les centristes de Ciudadanos n'étaient pas enclins à gouverner avec le PP.

    La majorité absolue se situe à 176 sièges. Dans une telle configuration, les petits partis comme ceux des Basques ou des Catalans pourraient devenir décisifs pour trouver une majorité. Ainsi la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) était créditée, selon des résultats encore partiels, de 9 députés, DiL (ex-Convergence et Union, catalan, centriste) de 9, le PNV (basque) de 6 , IU (communiste) de 2, Unité populaire (gauche-Verts) de 2, Bildu (basque) de 2 et Coalition Canarienne d'un élu.

    Après 32 ans de bipartisme qui ont vu se succéder au pouvoir le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et le Parti populaire (PP), Podemos, formation de gauche radicale issue du mouvement des «Indignés» inflige sa pire défaite au Parti socialiste, qui avait déjà subi un cuisant échec en 2011. «Nous voulons être très prudents», a réagi Inigo Errejon, le numéro deux de Podemos, mais «l'Espagne a déjà changé». «Nous ouvrons une nouvelle époque dans l'histoire politique de notre pays».

    Le PSOE emmené par Pedro Sanchez, 43 ans, arrive cependant encore deuxième en nombre de sièges au Parlement, avantagé par une complexe loi électorale donnant davantage de poids aux régions rurales et aux petites provinces où il est mieux représenté.«Une nouvelle Espagne est née qui met fin au système de l'alternance» entre le PP et le PSOE, a lancé le chef de file de Podemos, Pablo Iglesias, en exigeant une réforme constitutionnelle pour garantir les droits au logement, à la santé et à l'éducation. Il apparaît désormais incontournable pour la formation d'une éventuelle majorité de gauche.

    Podemos et Ciudadanos ont émergé à la faveur d'une crise sans précédent, qui a secoué non seulement l'économie mais aussi les institutions, ternies par la corruption touchant l'ensemble de l'establishment : partis traditionnels, grandes entreprises, syndicats, et même une fille du roi Juan Carlos.

    Ce scrutin clôture une année de changement électoral en Europe du Sud, avec la victoire de la gauche radicale d'Alexis Tsipras en Grèce en janvier, et, au Portugal, l'arrivée au pouvoir en octobre d'une coalition de partis de gauche.

    Un actif sur cinq au chômage

    La crise financière mondiale, l'austérité, un chômage qui s'envolait (jusqu'à 27% début 2013) et les scandales de corruption ont formé un cocktail explosif. «Ils ne nous représentent pas», ont crié les manifestants «indignés» par leur classe politique, descendus dans la rue dès 2011. Depuis, le chômage a reflué, mais concerne encore un actif sur cinq. La croissance a repris mais n'est pas ressentie par tous, notamment les jeunes. La moitié des 16-24 ans sont sans travail.

    La colère des centaines de milliers de manifestants «indignés» a trouvé une expression politique dans le parti anti-austérité Podemos, fondé en 2014, et allié à Alexis Tsipras. Ciudadanos, dirigé depuis 2006 par l'avocat Albert Rivera, 36 ans, s'est engouffré dans la brèche ouverte par Podemos. Dénonçant lui aussi la corruption, il propose un «changement raisonnable» face à Podemos.