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Libération
Récit

Israël règle ses comptes à Damas

Un raid aérien israélien sur un immeuble de la banlieue de Damas a tué le Libanais Samir Kuntar, l’une des cibles privilégiées des services de renseignement israéliens depuis 2008.
par Nissim Behar, (à Tel-Aviv)
publié le 20 décembre 2015 à 15h56

Au moins neuf morts. Tel est le bilan provisoire du raid aérien lancé dans la nuit de samedi à dimanche par l’aviation israélienne sur un immeuble de Jaramana, un quartier de la banlieue de Damas. Frappé par quatre roquettes, le bâtiment s’est effondré comme un château de cartes et Samir Kuntar, l’une des cibles privilégiées des services de renseignement israéliens depuis 2008, a été pulvérisé dans l’explosion.

Un beau coup pour les services de l'Etat hébreu, qui rêvaient depuis longtemps de se débarrasser de celui qu'ils présentaient comme un «architerroriste». En avril 1979, ce Druze né au Liban s'était en effet infiltré par la mer à Nahariya (dans le nord d'Israël) avec un commando du Front de libération de la Palestine pour y prendre des otages. Deux policiers israéliens avaient alors été tués, ainsi qu'un père de famille et sa fillette de 4 ans.

Condamné à la perpétuité, le Libanais s’est rapproché du Hezbollah durant sa détention. C’est d’ailleurs grâce à lui qu’il a été échangé en 2008 contre les corps de trois soldats israéliens détenus par l’organisation chiite.

«Terroristes à liquider»

Au fil du temps, Kuntar n'a cessé de progresser au sein de la hiérarchie militaire du Hezbollah. Parce qu'il était considéré comme une icône de la lutte contre «l'entité sioniste» et parce qu'il proclamait sa volonté d'en découdre à nouveau. Ces derniers mois, il était en tout cas chargé de développer, sur la partie syrienne du plateau du Golan, une infrastructure militaire susceptible de devenir opérationnelle en cas de nouveau conflit avec l'Etat hébreu. Des réseaux de positions fortifiées, des postes d'observation et de tirs de roquettes, ainsi que des stocks d'armes.

Implantée dans plusieurs villages du Golan, proche de la ligne de démarcation avec l’Etat hébreu, cette structure s’appuie sur les milices locales fidèles à Bachar al-Assad. Elle est officiellement indépendante du Hezbollah même si elle est chapeautée par lui avec l’accord du régime syrien et de l’Iran, qui finance.

A en croire les analystes de l'Aman (renseignement militaire israélien), cette infrastructure serait en tout cas à l'origine de quelques attentats perpétrés depuis 2013 le long de la ligne de séparation entre la Syrie et l'Etat hébreu. C'est pour cette raison – et parce que l'opinion israélienne n'a jamais accepté sa libération – que Kuntar figurait sur la liste des «terroristes à liquider». Depuis 2013, plusieurs des raids menés par l'aviation israélienne sur la Syrie ont également visé les membres de son infrastructure ainsi que ses filières d'approvisionnement.

Coup dur pour le Hezbollah

En janvier 2014, deux hélicoptères ont ainsi attaqué un convoi de Jeep qui venait de quitter le village de Maarzan, sur les hauteurs du Golan. Quatre officiers du Hezbollah en inspection, des Iraniens, ainsi que des miliciens locaux avaient alors été tués. Parmi les victimes de ce raid, l’officier supérieur iranien Abou Ali al-Tabatabaï alias «Abou Ali Reza», mais également Jihad Mougnieh, l’un des responsables de l’infrastructure du Golan.

Un coup dur pour le Hezbollah puisque ce jeune homme considéré comme «prometteur» était le fils d'Imad Mougnieh, le responsable des actions spéciales de l'organisation chiite «liquidé» en 2008, à Damas, dans le cadre d'une opération rocambolesque menée par le Mossad en coopération avec les services américains.

Quoi qu'il en soit, dimanche matin, aucun des ministres israéliens sollicités par les médias à la sortie du traditionnel conseil de cabinet hebdomadaire n'a voulu confirmer ou infirmer l'implication de l'Etat hébreu dans la «liquidation» de Kuntar. De manière elliptique, Benyamin Nétanyahou s'est contenté d'affirmer qu'Israël «combat et combattra toujours le terrorisme». Quant au ministre des Infrastructures nationales, Youval Steinitz (Likoud), il a estimé que «personne ne regrettera ce personnage» avant de poursuivre en souriant que «les services de renseignements finlandais sont peut-être à l'origine de sa mort».

A Beyrouth, les médias proches du Hezbollah comme les chaînes télévisées Al Mayadeen et Al Manar célèbrent la mémoire de celui qu'elles présentent comme un chayid (martyr) et un «modèle de résistance dont il faut s'inspirer». Mais pointent également du doigt la responsabilité de l'Etat hébreu, ce qui laisse présager des représailles. A toutes fins utiles, l'armée israélienne a donc renforcé son dispositif le long de la «ligne bleue» (la frontière fortifiée avec le Liban) ainsi que sur le plateau du Golan.

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